Porteur d’un projet agro vétérinaire innovant né d’un héritage familial de son défunt père vétérinaire, Machoud Mama s’engage depuis peu dans une dynamique de vulgarisation des techniques d’élevage améliorées des volailles au Bénin. Dans un entretien accordé à l’Economiste, il revient sur cette initiative. Lisez plutôt !

Qu’est-ce qui vous a motivé à organiser des formations à l’intention des jeunes dans les localités les plus reculées du Bénin ?

 J’ai constaté que la capacité de production des éleveurs en milieu rural n’arrive pas à répondre à la forte demande de la population en produits carnés. La population raffole des pintades et des poulets bicyclettes, bref, de toute la volaille locale. Mais souvent, la production est insuffisante. Alors, comment augmenter la capacité de production de ces éleveurs de volaille en milieu rural ? C’est là que j’ai eu l’idée d’intégrer l’utilisation de couveuses fonctionnant à l’énergie solaire dans les activités avicoles villageoises. Mais l’accès à ces couveuses est un défi. Il est essentiel d’apprendre aux éleveurs à les fabriquer et à les utiliser eux-mêmes. Souvent, les modèles importés sont difficiles à utiliser et leur réparation, en cas de panne, est un véritable casse-tête au village. Vous savez, lorsque la poule couve naturellement ses œufs, le processus est très long. Il lui faut environ deux semaines de ponte. Après la ponte, la poule passe trois semaines pour la couvaison, puis conduit les poussins pendant un mois voire plus avant le sevrage. Ce processus retarde et handicape énormément la production à grande échelle. Le temps c’est de l’argent dit-on. En perdant du temps dans ce long processus pour la reproduction, l’éleveur perd énormément d’argent. Mon initiative vise à remédier à cela dans les villages. Pour ce faire, il est nécessaire de renforcer les capacités des éleveurs en leur apprenant à fabriquer leur propre couveuse solaire et à élever les poussins tout en réduisant au maximum le taux de mortalité.

Depuis quand avez-vous commencé cette formation itinérante ?

J’ai démarré en 2022 par la commune de Ouassa-Péhunco. Cela fait donc pratiquement quatre ans que je parcours les villages pour renforcer les capacités des agro-éleveurs dans l’élevage amélioré de volailles locales. Sur les 77 communes que compte le Bénin, j’en ai parcouru 43 à ce jour. Dans certaines zones comme Djougou ou Nikki, nous sommes même retournés plus de deux fois face à la forte sollicitation des éleveurs qui ont constaté la métamorphose chez ceux qui ont suivi les séances de renforcement de capacités.

Une telle formation nécessite évidemment un financement. Où trouvez-vous les ressources financières pour organiser ces sessions ?

Je n’ai pas de financement extérieur. Il n’y a aucun Partenaire technique et financier (PTF), du moins pour le moment, derrière cette initiative. Ce sont les éleveurs, les participants eux-mêmes, qui financent l’activité à hauteur de 10 000 francs CFA par personne. Le principal défi reste la mobilisation des participants. C’est pourquoi je travaille en étroite collaboration avec les radios communautaires qui sont des médias de proximité. Leur rôle dans la mobilisation sociale est essentiel, et elles le font si bien que nous accueillons parfois plus de cent personnes aux séances de vulgarisation. Les formations se déroulent ainsi en collaboration avec ces radios et sont toujours dispensées dans la langue locale.

En quoi les poulets locaux béninois, burkinabè ou sénégalais se distinguent-ils des poulets issus de sélections génétiques ?

Les poulets que l’on appelle « poulets bicyclettes » sont nos poulets locaux, reconnus pour plusieurs caractéristiques. Leur croissance est lente, leur ponte est peu abondante, leur plumage est varié, et leur chair est plus tendre et plus savoureuse. C’est ce qui explique que les consommateurs les adorent plus que les poulets qui ont subi des sélections génétiques pour qu’ils soient plus rentables économiquement. L’appellation poulet bicyclette vient d’ailleurs du fait qu’au village, l’éleveur utilise son vélo comme moyen de locomotion pour aller commercialiser ces volailles au marché. Les consommateurs préfèrent clairement les poulets bicyclettes aux poulets Goliath, aux poules pondeuses réformées ou aux poulets de chair issus de transformations génétiques. Pour avoir moi-même consommé la viande de ces différents poulets, il n’y a pas photo. Voilà une raison de plus pour accompagner les aviculteurs des zones rurales à produire massivement les poulets bicyclettes.

Quels sont les obstacles que vous avez rencontrés dans votre volonté de démocratiser l’usage des couveuses solaires en milieu rural.

Nous faisons face à deux catégories d’obstacles principaux : les défis techniques et financiers liés à l’énergie, et les défis comportementaux et sécuritaires sur le terrain. Souvent, après les séances, plusieurs participants arrivent à réaliser facilement leur propre couveuse solaire car les accessoires de base sont abordables et disponibles localement, la principale difficulté réside dans le coût d’installation du système de fourniture en énergie solaire. Aussi, le problème du fort taux de mortalité des pintadeaux et des poussins au village n’a pas encore été résolu. C’est dû au fait que certaines consignes comme le chauffage, l’hygiène, la biosécurité ne sont pas strictement respectées. Une autre difficulté, c’est le problème de l’extrémisme violent. Grâce à mes tournées, je sais ce qu’on appelle couvre-feu dans certaines zones, ce qui limite nos déplacements et l’étendue de notre travail.

Avez-vous un message à adresser à ceux qui souhaitent participer à votre prochaine formation ?

Oui ! À toutes les femmes et à tous les hommes qui s’intéressent à l’aviculture villageoise, qui est une source de revenus viable, j’aimerais leur dire que la formation est purement pratique. Les participants apprennent à fabriquer eux-mêmes des couveuses solaires, donc utilisables dans les zones dépourvues d’électricité conventionnelle. J’apporte toute la logistique nécessaire pour la fabrication sur place de plusieurs petites couveuses solaires manuelles d’une capacité de 100 à 200 œufs. A ceux qui sont intéressés par l’initiative, je leur demande de suivre les radios communautaires. Elles communiqueront bientôt le calendrier et le déroulé des formations. Pour la quatrième édition de la tournée de renforcement de capacités, nous serons encore dans les départements du Borgou, de l’Alibori, de l’Atacora et de la Donga. Nous avons déjà fait une partie des communes du Plateau et des Collines. Les inscriptions se font directement auprès des radios partenaires, telles que Su Tii Dera FM de Nikki, Gbassi FM de Kalalé, Banigansé FM de Banikoara, Kpably FM de Kérou, Naane FM de Péhunco, Matéri FM, Dinaba FM de Boukoumbé, Tanéka FM de Copargo, la Radio Rurale Locale de Ouaké, Solidarité FM de Djougou, Deeman FM de Parakou, Tchaourou FM, etc. J’invite donc les intéressés à les écouter. C’est l’occasion pour moi de réitérer mes remerciements aux différents managers de ces médias de proximité qui font un travail formidable et inestimable, parfois dans des conditions difficiles, en milieu rural.

M.M

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