La tentative de coup d’État perpétrée contre le président Patrice Talon n’est pas seulement une attaque dirigée contre un homme ; elle constitue, dans toute sa gravité, une blessure profonde infligée à la Nation entière. Elle est un affront à la paix chèrement acquise, à la stabilité patiemment construite, et au rêve collectif d’un Bénin moderne, attractif et respecté dans la sous-région. Car ce qui a été visé ce jour-là, ce n’est pas uniquement l’intégrité d’un chef d’État, mais l’équilibre fragile de tout un pays, l’espoir de millions de citoyens et l’image internationale durement gagnée au fil des ans.

Les pertes humaines survenues au cours de cet évènement tragique ajoutent au drame une dimension encore plus douloureuse. Parmi elles, la disparition de Berthe BADA, épouse du général Bertin BADA, demeure l’un des symboles les plus poignants de la barbarie et de l’absurdité d’un tel acte. Une vie innocente, arrachée dans un contexte où nul ne devrait perdre la sienne pour des ambitions politiques ou militaires. Son nom restera à jamais associé à l’injustice de ce moment sombre, rappelant que derrière chaque crise, chaque manoeuvre insurrectionnelle, il y a des familles brisées, des destins fauchés, des cicatrices qui peinent à se refermer.

Au-delà du drame humain, cette tentative de déstabilisation a fait voler en éclats une partie de la confiance accumulée au prix d’efforts considérables. Depuis plusieurs années, le Bénin s’était engagé dans une transformation profonde, visant à hisser le pays au rang des destinations les plus attractives de la région : réformes structurelles, modernisation des infrastructures, assainissement de l’économie, renforcement de la sécurité, amélioration du climat des affaires. Tout concourait à faire du « Bénin nouveau » une réalité tangible. Des investisseurs étrangers, séduits par cette dynamique, nourrissaient l’envie de participer à cette renaissance. Des touristes, curieux et enthousiastes, redécouvraient un pays où l’on pouvait voyager en paix, admirer la culture et sentir le vent de renouveau.

Cette affaire, malheureusement, jette aujourd’hui une ombre pesante sur cette ascension. Même s’il est regrettable d’en convenir, un doute subsiste désormais dans l’esprit de certains partenaires du Bénin, une crainte s’installe : celle de voir ce climat d’incertitude se prolonger, celle de se demander si le pays demeure à l’abri des convulsions politiques qui, ailleurs dans la région, ont parfois anéanti des années de progrès. L’image d’une nation stable peut se détériorer en un seul instant et cette tentative de coup d’État s’inscrit précisément dans cette catégorie de chocs susceptibles d’effrayer les plus audacieux et de stopper brusquement un élan pourtant prometteur.

Pourtant, le Bénin n’a jamais été un pays de violences politiques récurrentes. Les Béninois, dans leur immense majorité, ont toujours fait le choix de la paix, parfois même au prix de lourds renoncements, car ils savent que la paix est le socle de tout développement durable. Certes, le climat politique actuel est loin d’être parfait. Les tensions existent, les frustrations sont réelles, les critiques abondent et c’est là le propre d’une société vivante, aspirant à mieux. Mais une vérité demeure : un coup d’État n’a jamais été, nulle part, une solution durable aux dysfonctionnements d’un État ou aux divergences politiques. Il détruit plus qu’il ne résout ; il divise plus qu’il ne rassemble ; il replonge un pays dans l’instabilité au moment même où il devrait poursuivre son ascension.

Les Béninois méritent mieux que la peur. Ils méritent mieux que la violence politique. Ils méritent un avenir construit sur le dialogue, la justice, la critique constructive, les institutions solides, la responsabilité des dirigeants et la maturité des citoyens. Ceux qui ont tiré, organisé, financé ou encouragé cette tentative ont commis un crime contre la République, un crime contre le peuple et un crime contre l’idée même de progrès. Car la démocratie n’est pas un terrain de conquête par la force ; elle est un espace d’échange, de contestation pacifique, de compétition régulée par la loi et d’alternance par les urnes.

Il est donc essentiel, pour la mémoire des victimes, pour la cohésion de la Nation et pour le respect de notre destin collectif, que cet épisode serve d’avertissement. Le Bénin ne peut, et ne doit jamais, s’autoriser à revenir sur le chemin dangereux de la déstabilisation politique. Le choix de la violence est une impasse ; celui de la paix, bien qu’exigeant, est la seule voie qui mène vers la prospérité.

Refuser le coup d’État, condamner fermement toute tentative de prise du pouvoir par les armes, ce n’est pas soutenir un homme. C’est protéger une Nation. C’est affirmer que le Bénin est plus grand que nos colères, plus important que nos frustrations, et plus précieux que les ambitions de quelques-uns. C’est choisir l’avenir. Et c’est, surtout, honorer la mémoire de ceux qui ont payé de leurs vies le prix de cette folie.

 

Jérôme Bibilary

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