La tournée de reddition de comptes initiée par le gouvernement béninois pour expliquer la récente révision constitutionnelle se voulait un exercice de pédagogie démocratique. Mais l’étape de Bohicon, au cœur du pays, a révélé bien plus qu’un simple besoin d’information. Elle a mis à nu un malaise latent, porté par une population qui n’hésite plus à exprimer son désaccord face aux choix politiques nationaux.
À Bohicon, plusieurs voix se sont élevées, parfois avec vigueur, pour contester les explications officielles. Ce moment, loin d’être anodin, semble illustrer une réalité plus vaste : dans de nombreuses localités, les citoyens nourrissent un sentiment d’exclusion, d’incompréhension ou de déconnexion vis-à-vis des décisions prises au sommet de l’État. Pour certains, la révision constitutionnelle, présentée comme un outil de modernisation institutionnelle, apparaît comme une démarche insuffisamment concertée, voire décalée par rapport aux urgences sociales et économiques du quotidien.
Ce climat de frustration, s’il n’est pas pris en compte, pourrait devenir le ferment d’une colère plus large. Le Bénin, longtemps perçu comme un modèle démocratique de la sous-région, traverse une période où la confiance entre gouvernants et gouvernés semble fragilisée. Les signaux envoyés par des villes comme Bohicon interpellent : difficultés économiques persistantes, sentiment d’un espace politique restreint, préoccupations relatives à la gouvernance locale et nationale… autant d’éléments qui alimentent le malaise.
Dans sa forme actuelle, la tournée gouvernementale gagnerait à être repensée. Plutôt qu’un dispositif de communication descendante, elle devrait devenir un véritable cadre d’échanges participatifs, où les citoyens peuvent exprimer leurs inquiétudes sans crainte et recevoir des réponses concrètes. Car au-delà de la réforme constitutionnelle, c’est la qualité du lien entre l’État et les populations qui se joue.
L’épisode de Bohicon rappelle une vérité fondamentale : aucun processus politique majeur ne peut ignorer durablement la voix du peuple. Préserver la stabilité et la cohésion nationale exige une écoute active, sincère et continue. À défaut, les frustrations actuelles pourraient demain prendre une ampleur difficilement contrôlable.
M.M.






