À quelques mois de l’élection présidentielle de 2026, une question s’impose avec force dans le débat public béninois : quelle place pour l’éducation dans les priorités du futur président ? Alors que le pays fait face à des défis sociaux, économiques et environnementaux multiples, un consensus émerge sur un point fondamental : l’éducation doit devenir la pierre angulaire du développement national.
Malgré les progrès réalisés au cours des dernières décennies, notamment en matière d’accès à l’enseignement primaire, le système éducatif béninois reste confronté à de profondes failles structurelles. Des inégalités d’accès, une qualité d’enseignement insuffisante, une inadéquation criante entre la formation et l’emploi, et un sous-financement chronique entravent encore son efficacité.
Un système à bout de souffle face aux défis du XXIe siècle
Dans les zones rurales, des milliers d’enfants restent en dehors du système scolaire, et la déscolarisation précoce frappe particulièrement les filles. Le manque d’infrastructures, d’enseignants qualifiés, de manuels ou de cantines accentue les inégalités territoriales. À cela s’ajoute une pédagogie souvent inadaptée : classes surchargées, mémorisation au détriment de la compréhension, évaluation fondée sur la reproduction plutôt que la pensée critique. « Le taux d’achèvement scolaire avec des compétences de base reste alarmant », déplore un enseignant du secondaire. Et de poursuivre : « Beaucoup de nos élèves arrivent au collège sans savoir lire couramment ni poser une division simple. »
Du côté de l’enseignement supérieur, la massification des effectifs sans encadrement adéquat, le sous-financement de la recherche et la faible insertion professionnelle des diplômés contribuent à un sentiment généralisé de frustration et d’impasse chez les jeunes.
Une promesse forte : 20 % du budget pour l’éducation
Dans ce contexte, certains candidats à la présidentielle entendent faire de l’éducation un pilier central de leur programme. L’un d’eux s’est engagé publiquement : « Si je suis élu Président de la République, je m’engage à investir 20 % du budget national dans l’éducation, à former 50 000 enseignants qualifiés, à construire 3 000 salles de classe modernes et à garantir une éducation gratuite, inclusive et de qualité pour chaque enfant, du préscolaire au secondaire. »
Un engagement chiffré, qui témoigne d’une volonté de transformation en profondeur. Selon les experts, cette orientation pourrait être décisive pour atteindre les Objectifs de Développement Durable (ODD) d’ici 2030, notamment en matière de réduction de la pauvreté, de promotion de l’égalité des sexes et de croissance inclusive.
Former pour l’avenir, pas pour le passé
L’une des priorités reste l’adéquation entre les formations proposées et les besoins du marché du travail. Le pays a longtemps négligé les filières techniques et professionnelles, pourtant essentielles pour répondre aux défis économiques. Les propositions récentes incluent la création de centres de formation modernes, orientés vers des secteurs porteurs comme l’agro-industrie, le numérique, l’artisanat, l’énergie ou le bâtiment.
Par ailleurs, la réforme des curricula scolaires devrait intégrer les compétences du XXIe siècle : esprit critique, créativité, numérique, culture générale, savoir-être… L’objectif ? Former des citoyens autonomes, responsables et capables de s’adapter dans un monde en mutation rapide.
Une université à réinventer
Le système universitaire béninois doit lui aussi faire sa révolution. Autonomie des établissements, financement de la recherche, gouvernance modernisée, enseignement hybride, coopération internationale : autant de leviers identifiés pour faire de l’université un moteur de développement. Les partenariats public-privé et les initiatives de la diaspora pourraient également jouer un rôle majeur dans ce renouveau.
Une gouvernance éducative partagée
La réussite d’une réforme éducative ne pourra se faire sans une gouvernance inclusive et coordonnée. Une stratégie nationale sur 15 à 20 ans, impliquant les collectivités locales, les enseignants, les syndicats, les parents d’élèves et la société civile, s’avère indispensable pour assurer la continuité des efforts et la durabilité des résultats.
Un pari sur l’intelligence collective
Au-delà des infrastructures et des budgets, c’est une vision de société que l’éducation cristallise. Une société fondée sur la connaissance, l’équité, la liberté et la responsabilité. Comme le rappellent de nombreux acteurs du secteur, chaque franc investi dans l’éducation est un pari sur l’avenir.
L’enjeu dépasse donc le simple cadre électoral. Il s’agit d’un véritable contrat social à renouveler entre l’État et les citoyens, entre les générations présentes et futures. Le Bénin ne réussira sa transformation qu’en plaçant l’école au cœur de sa stratégie nationale, et en misant sur la puissance de son capital humain. « L’éducation ne peut plus attendre. Elle doit devenir la priorité nationale absolue, au-dessus des slogans, des calculs politiques ou des effets d’annonce. »
Thomas AZANMASSO