L’écrivain Christ Kibeloh enrichit sa bibliographie avec « Mon Regard sur le Monde » (Le temps d’un roman, Collection « Essai »), un titre qui synthétise une décennie de réflexion sur l’humanité, l’injustice et la résilience. Ce cinquième ouvrage s’inscrit dans la continuité d’une œuvre centrée sur le destin, la résilience et la quête de soi, initiée avec des titres remarqués comme « Rayane l’Orphelin », le récit d’aventure « Retour en arrière Issa » – qui plongeait déjà au cœur de la détresse des sans-abri et de la fuite paternelle – ou encore le récit « Marie », explorant les nouveaux départs et les quêtes amoureuses en exil.

Ce dernier opus se distingue par son format biface. Il ne s’agit pas d’un simple essai, mais d’un manifeste hybride qui allie la densité de l’essai politique et philosophique à la puissance émotionnelle de récits de fiction chargés de sens, cherchant à créer un pont concret entre l’idée et l’action.

Première Partie : La quête d’une « Âme sans passeport »

La section théorique, intitulée « Réflexions et Regards », est le cœur idéologique de l’œuvre. Kibeloh y développe sa thèse centrale : l’existence d’une « humanité fondamentale » qu’il nomme l’« Âme sans passeport». Ce concept puissant vise à dissoudre les frontières superficielles (race, nationalité) qui alimentent les divisions, en invitant le lecteur à reconnaître l’autre au-delà de ses marqueurs. L’auteur y dénonce l’indifférence moderne, montrant comment l’excès d’information instantanée mène paradoxalement à la désensibilisation et à la transformation de la souffrance en simple « fait divers ». Face à cet individualisme, il érige l’Ubuntu (philosophie de la connexion humaine) comme l’unique rempart éthique.

L’analyse bascule ensuite vers la géopolitique avec une critique sans concession des réalités africaines. Kibeloh expose le paradoxe de la « Malédiction des Ressources », décrivant comment l’opulence géologique (coltan, cobalt) se mute en fardeau par un jeu d’intérêts financiers mondiaux et la complicité d’« élites locales corrompues ».

Loin d’une plainte victimiste, l’auteur exige une reconnaissance de la souveraineté africaine et plaide pour que le continent soit « payé» pour le service écologique vital qu’il rend, notamment via le rôle du Bassin du Congo.

La section se poursuit par une méditation poignante sur l’« Exode Silencieux », cette fuite des cerveaux et des compétences. L’auteur souligne que cette migration est le cri d’un désespoir nourri par l’absence d’État de droit et l’injustice de la méritocratie. Enfin, Kibeloh aborde l’histoire complexe de l’esclavage et du métissage avec une lucidité critique, appelant à une réconciliation basée sur la clarté des faits historiques et célébrant le métissage comme la force et l’avenir des relations intercontinentales.

Deuxième Partie : La résilience incarnée dans la fiction

La seconde partie, « Histoires de Vies », sert de laboratoire moral à l’essai. Kibeloh y explore, à travers quatre nouvelles, comment les principes de dignité et de résilience peuvent transformer le destin. Ces récits sont des échos de la thématique du nouveau départ et du combat pour la dignité déjà présente chez Issa ou Victor dans ses ouvrages précédents.

Le récit poignant de Yasmine, victime de harcèlement scolaire, illustre la thématique du silence des adultes, mais se termine sur l’acte fondateur du pardon de son père, transformant la tragédie en une force de lutte pour la justice.

Dans l’histoire de Marc, la trahison amoureuse est dépassée par le choix de la rédemption personnelle : Marc refuse le rôle de victime et canalise sa douleur dans l’écriture et l’excellence professionnelle.

L’auteur aborde également la tentation du crime dans « La maison hantée », où deux amis sont confrontés aux pactes de l’organisation criminelle. Ici, c’est l’amitié et la lumière de la vérité qui s’imposent comme les seules forces capables de briser les chaînes. Finalement, Lorez, le jeune footballeur africain victime d’arnaque, incarne le paroxysme de la transformation : il renonce à la vengeance familiale et politique pour devenir un symbole d’unité patriotique et un rempart moral contre la corruption.

« Mon Regard sur le Monde » s’affirme ainsi comme un ouvrage de maturité, où Christ Kibeloh met sa double culture au service d’une réflexion qui, partant de ses racines et des thèmes profonds déjà explorés (l’exil, l’injustice, la résilience), vise l’universel. C’est un appel direct au lecteur à prendre sa part de responsabilité pour transformer le monde, faisant de cet ouvrage un manifeste pour l’action éthique.

Christ KIBELOH

ÉCRIVAIN –  SCÉNARISTE

  PRIX  »JEUNE AUTEUR 2017 »

 NOMINATION PRIX AFRICAINS LION AWARDS  » MODÈLE INSPIRANT 2020  »

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