Malgré des efforts notables et des réformes structurelles majeures entreprises, notamment sous la direction du chef de l’État (modernisation du port, réorganisation du secteur électrique, création de la GDIZ et de l’APIEX, numérisation fiscale), le développement du Bénin reste freiné par des obstacles « immatériels » profonds et une série de défis économiques persistants. L’analyse de Roland Riboux, Président du Conseil des investisseurs privés au Bénin (Cipb), jeudi 16 octobre 2025, au cours du symposium sur la croissance et le développement inclusif des Micros, petites et moyennes entreprises (Mpme) met en lumière la nécessité d’une transformation des mentalités et d’une lutte acharnée contre les pratiques illégales et les rigidités administratives.

Le Bénin a fait sa révolution infrastructurelle, il lui reste à faire celle des esprits. Selon Roland Riboux, les principaux obstacles au développement du Bénin sont d’ordre immatériel et résident dans le mental des Béninois en général et celui de l’administration en particulier. Ces facteurs culturels et institutionnels s’opposent à l’établissement d’un tissu industriel large et dynamique, basé sur des petites et moyennes entreprises. Selon ses analyses, la structure familiale élargie, caractérisée par l’indiscrétion des héritages, empêche la constitution de dynasties d’opérateurs économiques stables et durables. Cette dynamique affaiblit la transmission d’entreprises sur plusieurs générations. Le sentiment d’urgence et d’insécurité économique favorise la préférence pour le commerce (qui rapporte immédiatement) au détriment de l’industrie, qui nécessite un investissement lourd et des bénéfices à long terme. L’individu vient dans l’entreprise ou l’administration avec son intérêt personnel d’abord (absence de notion d’appartenance forte), reléguant l’intérêt du client ou de l’organisation au second plan. La pression communautaire, enfin, absorbe rapidement les revenus de ceux qui ont un emploi, rendant l’épargne (fondamentale pour l’investissement industriel) difficile.

Par ailleurs, l’administration hériterait de modèles (français et révolutionnaire) conférant une puissance excessive à l’État et une impuissance au citoyen. L’entreprise est souvent perçue comme une source de revenus qui, dès qu’elle fait du profit, devrait voir celui-ci mieux utilisé par l’État (via l’impôt) que par l’entreprise elle-même pour son développement. Bien que la lutte contre la fraude soit louable, une pression fiscale excessive pourrait être exercée, menaçant la survie des entreprises. Par ailleurs, l’application de réglementations trop strictes (calquées sur des modèles mondiaux) est souvent insupportable pour des PME peu structurées, augmentant leurs coûts.

Les défis économiques et réglementaires opérationnels

Au-delà du mental, des défis concrets minent la compétitivité et la croissance des entreprises, notamment l’industrie naissante, confie Roland Riboux. Le fléau de la contrebande (bière, Coca-Cola nigérians), de la fraude (certificat d’origine, valeur transactionnelle) et de la contrefaçon (produits industriels) persiste malgré les efforts, introduisant une concurrence déloyale massive qui pénalise l’industrie locale légale. Le coût et la complexité de l’Autorisation de mise sur le marché (Amm), essentiels pour vendre à des grandes surfaces, peuvent atteindre des sommes très élevées. Ces barrières non tarifaires étouffent les PME locales (savons, cosmétiques) en les obligeant à supporter des coûts de validation trop lourds. Par ailleurs, des dysfonctionnements sont également notés dans les zones économiques : des marchandises destinées à l’exportation et exonérées de droits de douane dans la GDIZ (Zone de Glo-Djigbé) sont illégalement vendues sur le marché local. Enfin, bien que la quantité soit presque là, le prix de l’énergie reste prohibitif, constituant un frein majeur à l’industrialisation.

Transformer le mental par le dialogue et l’éducation

Roland Riboux estime que la plupart des obstacles (réglementations, infrastructures) sont faciles à régler, mais que le mental est le point le plus important. Il insiste sur l’urgence de deux chantiers fondamentaux pour inverser la tendance : réinstaurer l’Éducation civique et morale (indispensable pour forger le citoyen et l’employé avec un sens de l’intérêt général) et développer l’Éducation entrepreneuriale nécessaire pour instiller les notions de long terme, d’épargne et de risque.

Un dialogue public-privé franc et continu est jugé essentiel pour s’attaquer à la fois aux défis opérationnels et à cette transformation des mentalités, car il s’agit d’opérations de long terme nécessitant une vision étatique qui dépasse la prochaine échéance électorale. Pour lui, sans ce changement mental fondamental, le Bénin de 2060 risque de ressembler « furieusement » à celui de 2025.

Fifonsi Cyrience KOUGNANDE

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