Au Bénin, la pêche et l’aquaculture occupent une place importante dans l’économie locale, la sécurité alimentaire et la vie quotidienne de milliers de familles, en particulier dans les régions côtières, lacustres et fluviales. Le poisson représente l’une des principales sources de protéines animales pour les Béninois, avec une consommation croissante, notamment dans les centres urbains. Pourtant, malgré l’importance stratégique de ce secteur, il demeure sous-développé, mal structuré et dépendant des importations.

Chaque année, le pays consomme environ 200 000 tonnes de poisson, mais plus de 70 % de cette demande est couverte par des produits importés, principalement du poisson congelé. Cette dépendance coûteuse affecte la balance commerciale et fragilise la souveraineté alimentaire nationale. Dans un contexte marqué par l’augmentation démographique, la précarité rurale et les effets du changement climatique, la modernisation de la filière halieutique apparaît comme une priorité de développement national.

Le Bénin possède pourtant un potentiel halieutique considérable. Il bénéficie d’une façade maritime de 121 kilomètres, de nombreux plans d’eau intérieurs tels que le lac Nokoué, la lagune de Porto-Novo ou encore les fleuves Mono et Ouémé, ainsi qu’un climat favorable à la pisciculture. Ces ressources pourraient permettre au pays de produire localement l’essentiel de sa consommation de poisson, tout en créant de nombreux emplois dans les zones rurales.

Crise de la pêche artisanale et stagnation de l’aquaculture

Malheureusement, la pêche artisanale, qui constitue la principale activité du secteur, est aujourd’hui confrontée à une grave crise. La surexploitation des ressources halieutiques, l’utilisation de techniques de pêche non durables, l’insuffisance d’encadrement et de modernisation, ainsi que la pollution croissante des milieux aquatiques ont entraîné une baisse significative des captures. Les pêcheurs doivent aller de plus en plus loin, avec des moyens précaires, pour ramener des quantités de poisson de plus en plus faibles. Les femmes, qui assurent la transformation et la commercialisation, travaillent dans des conditions insalubres, sans accès aux infrastructures de base comme les fumoirs modernes, les chaînes de froid ou les marchés adaptés.

Du côté de l’aquaculture, le tableau n’est guère plus encourageant. Malgré son fort potentiel, la pisciculture reste embryonnaire, incapable de couvrir une part significative de la demande nationale. Les obstacles sont nombreux : manque d’alevins et d’aliments de qualité, absence de formations techniques, difficultés d’accès au foncier, aux financements et à l’énergie. La pisciculture commerciale, encore marginale, n’a pas encore pris son envol, tandis que les petits producteurs peinent à rentabiliser leurs activités.

Les infrastructures constituent un autre goulot d’étranglement majeur. Les ports de pêche sont vétustes ou inexistants, les voies d’accès aux zones de production sont impraticables en saison des pluies, les entrepôts frigorifiques sont rares, et la logistique de distribution reste désorganisée. En conséquence, les pertes post-capture sont importantes et les produits halieutiques béninois souffrent d’un déficit de qualité, de conservation et de traçabilité, ce qui limite leur compétitivité sur les marchés, y compris locaux.

Une ambition claire : vers l’autosuffisance halieutique

Dans cette perspective, le prochain président de la République du Bénin devra faire de la pêche et de l’aquaculture une priorité nationale. Il s’agira non seulement de nourrir la population avec du poisson produit localement, mais aussi de structurer une véritable filière créatrice d’emplois, d’exportations et de valeur ajoutée. À l’horizon 2026–2030, le pays doit se fixer un objectif ambitieux mais réalisable : devenir autosuffisant en poisson, tout en réduisant progressivement sa dépendance aux importations.

Pour cela, un programme structurant et multisectoriel devra être mis en place. La première étape consistera à moderniser la pêche artisanale. Cela impliquera la dotation des pêcheurs en équipements performants, sûrs et respectueux de l’environnement, la mise en place de mécanismes de régulation pour lutter contre la surpêche, ainsi que l’organisation des pêcheurs en coopératives formelles. Des formations sur les techniques durables de capture et sur la sécurité en mer seront également indispensables pour améliorer les conditions de travail et de production.

Parallèlement, un investissement massif dans l’aquaculture devra être engagé. Le Bénin pourra développer des fermes piscicoles modernes, aussi bien en étangs qu’en cages flottantes, dans toutes les régions disposant de ressources hydriques. La production locale d’alevins et d’aliments pour poissons devra être encouragée, afin de réduire les coûts de production et d’assurer l’autonomie des exploitants. Des centres de formation et de démonstration devront être implantés pour accompagner les jeunes, les femmes et les entrepreneurs dans la maîtrise des techniques aquacoles modernes.

La transformation des produits halieutiques constitue un autre pilier essentiel. Il est urgent de construire des unités de transformation modernes et hygiéniques, notamment pour soutenir les femmes transformatrices, actrices clés de la filière. Ces infrastructures permettront de mieux conserver, conditionner et valoriser le poisson local, en le rendant plus compétitif sur les marchés. Le développement de marchés halieutiques modernes, bien desservis et dotés de chaînes de froid, facilitera l’écoulement des produits vers les grandes villes et l’exportation.

La préservation des ressources naturelles devra accompagner ce développement. Des politiques de protection des écosystèmes aquatiques devront être mises en place, notamment à travers l’aménagement de zones protégées, la restauration des zones de reproduction, et la lutte contre la pollution. Une gestion communautaire participative des ressources, impliquant les pêcheurs eux-mêmes, sera indispensable pour garantir la durabilité à long terme.

Enfin, le financement constitue un levier incontournable. Il sera nécessaire de créer un fonds national de développement halieutique, doté de ressources suffisantes et accessible aux petits producteurs. Des mécanismes de crédit souples, de garanties publiques, ainsi que des systèmes d’assurance contre les pertes liées aux maladies ou aux aléas climatiques permettront de sécuriser les investissements et de stimuler la prise d’initiative.

Un levier majeur de développement économique et social 

Avec une stratégie cohérente et bien exécutée, les retombées pourraient être très significatives dès le moyen terme. La production nationale de poisson pourrait croître rapidement, réduisant la dépendance aux importations. Des dizaines de milliers d’emplois pourraient être créés dans la pêche, la pisciculture, la transformation, le transport et la vente. L’apport en protéines animales de qualité dans l’alimentation des ménages serait renforcé, contribuant à améliorer la nutrition nationale. Et, surtout, le Bénin pourrait valoriser ses produits halieutiques sur les marchés sous-régionaux, devenant un acteur crédible de la chaîne de valeur halieutique en Afrique de l’Ouest.

Ce projet nécessite cependant une volonté politique forte et une vision à long terme. Le développement du secteur halieutique doit s’intégrer dans une stratégie globale de développement rural, industriel, environnemental et commercial. Il suppose une gouvernance intersectorielle efficace, une collaboration étroite entre les ministères concernés, les collectivités territoriales, les organisations professionnelles et les acteurs privés. Il implique aussi un engagement ferme à lutter contre la pauvreté rurale et à offrir des perspectives d’avenir à la jeunesse.

À quelques mois de l’échéance présidentielle de 2026, il est temps pour les candidats de placer la pêche et l’aquaculture au cœur de leur programme. Ce secteur n’est pas un simple vivier traditionnel. C’est un véritable moteur de transformation économique, sociale et environnementale. Il est urgent d’en faire un pilier de la souveraineté alimentaire et du développement national.

Engagement présidentiel

« Si je suis élu Président de la République, je m’engage à faire du Bénin un pays souverain sur le plan halieutique, en doublant la production nationale de poisson, en créant cinq pôles aquacoles régionaux et en réduisant de 50 % les importations de poisson d’ici à 2030. »

Thomas AZANMASSO

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