Une récente étude conjointe de la Banque mondiale et de l’UNICEF révèle qu’en 2024, environ 412 millions d’enfants, soit près d’un sur cinq dans le monde, vivent dans l’extrême pauvreté. Ce seuil est défini par un revenu quotidien inférieur à 3 dollars, adapté aux pays à faible revenu. Bien que ce chiffre marque une amélioration par rapport à 2014, où 507 millions d’enfants étaient concernés, la réduction de la pauvreté infantile progresse plus lentement que celle de l’ensemble de la population mondiale.
Les enfants continuent de représenter plus de la moitié des personnes vivant dans l’extrême pauvreté, alors qu’ils ne constituent que 30 % de la population mondiale. Cela confirme qu’ils sont les plus durement touchés par la pauvreté, particulièrement dans les régions en situation de fragilité, de conflit, ou dans les zones où l’accès aux services de base reste limité.
Selon Luis Felipe López-Calva, directeur mondial du département Pauvreté à la Banque mondiale, l’extrême pauvreté chez les enfants est aujourd’hui enracinée dans les zones où elle est la plus difficile à éradiquer. Il rappelle que la croissance économique, bien qu’essentielle, ne suffit pas à rompre ce cycle. Il appelle à des investissements plus importants dans les infrastructures, le capital humain et les institutions, afin d’offrir une véritable chance à ces enfants de sortir de la pauvreté.
Afrique subsaharienne : épicentre de la pauvreté infantile
Les disparités régionales sont flagrantes. L’Afrique subsaharienne, qui représente environ 23 % de la population mondiale d’enfants, concentre plus des trois quarts des enfants vivant dans l’extrême pauvreté, soit plus de 312 millions. Le taux de pauvreté infantile y atteint environ 52 % en 2024, un chiffre qui reste inchangé depuis 2014. Cette stagnation souligne l’ampleur des défis structurels auxquels la région fait face.
En revanche, d’autres régions enregistrent des progrès significatifs. En Asie du Sud, le taux de pauvreté infantile a été réduit de plus de moitié au cours de la dernière décennie. L’Inde y joue un rôle central, ayant connu la plus forte baisse du nombre d’enfants vivant dans l’extrême pauvreté. L’Asie de l’Est et Pacifique a également vu des avancées notables, grâce à des efforts continus en matière d’éducation, de santé et de développement économique.
Cependant, la situation se détériore dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Entre 2014 et 2024, le taux de pauvreté infantile y a presque doublé, passant de 7,2 % à 13,3 %. Cette augmentation est largement attribuée à l’instabilité politique, aux conflits prolongés et à la faiblesse des systèmes de protection sociale.
Un défi structurel avant tout politique
Pour les auteurs du rapport, la pauvreté infantile n’est pas simplement une conséquence économique, mais résulte également de choix politiques. George Laryea-Adjei, directeur des programmes à l’UNICEF, affirme qu’il est urgent d’agir pour garantir à tous les enfants un accès équitable aux services essentiels tels que l’éducation, la nutrition, les soins de santé et la protection sociale.
La lutte contre la pauvreté infantile nécessite une approche globale : combattre les inégalités structurelles, renforcer les filets de sécurité sociale et donner la priorité aux zones les plus vulnérables, notamment en Afrique subsaharienne. Les efforts doivent également être durables et coordonnés à l’échelle internationale, impliquant à la fois les gouvernements, les institutions multilatérales et la société civile.
Des données actualisées pour un monde postpandémie
L’étude s’appuie sur des données actualisées issues de la Global Monitoring Database de la Banque mondiale, mise à jour en juin 2025. Cette base intègre des résultats d’enquêtes menées ces dernières années, incluant les impacts de la pandémie de COVID-19, et permet une évaluation plus précise de la situation actuelle.
C’est aussi la première étude à utiliser les nouveaux seuils internationaux de pauvreté fixés par la Banque mondiale en 2025 : 3 dollars par jour pour les pays à faible revenu (extrême pauvreté), 4,20 dollars pour les pays à revenu intermédiaire inférieur, et 8,30 dollars pour ceux à revenu intermédiaire supérieur. Ces révisions méthodologiques rendent les comparaisons plus rigoureuses et mieux adaptées aux réalités économiques contemporaines.
Un engagement collectif indispensable
Les conclusions du rapport sont claires : sans volonté politique et engagement collectif, la pauvreté infantile restera une réalité pour des centaines de millions d’enfants. Pour inverser la tendance, il est impératif d’investir dans l’avenir des enfants, non seulement pour leur bien-être, mais aussi pour assurer un développement durable et équitable des sociétés.
Mettre fin à la pauvreté infantile est un choix. Un choix qui exige des décisions courageuses, une solidarité internationale renforcée et une vision à long terme. Sans cela, les enfants d’aujourd’hui resteront piégés dans un cycle de pauvreté que les générations futures auront encore à combattre.
Thomas AZANMASSO