À quelques mois des élections générales de 2026, le mouvement Tournons La Page Bénin (TLP-Bénin) a organisé une conférence citoyenne sur le thème : « Élections générales de 2026 : Contribution et participation citoyennes pour une démocratie apaisée ». Tenue à l’hôtel Azalaï de Cotonou et en ligne, ce samedi 13 septembre 2025, la rencontre a réuni intellectuels, acteurs politiques et membres de la société civile pour analyser les défis actuels de la démocratie béninoise.
L’objectif affiché : sensibiliser la population béninoise sur l’importance de son implication dans le processus électoral, à travers une réflexion approfondie sur les enjeux de participation et les mécanismes d’une démocratie durable.
Le débat a mis en lumière un désengagement croissant des électeurs, alimenté par une perte de confiance dans les institutions. Pour Febron Bah, doctorant en Sciences politiques et Secrétaire général de TLP-Bénin, cette fracture est structurelle : depuis 1990, la démocratie béninoise s’est construite sans réforme réelle de la gouvernance, sans financement public des partis et sans véritable éducation civique. Résultat : la confiance entre gouvernants et gouvernés n’a jamais réellement existé.
Vote sous influence : argent, ethnie et irrationnel
Les intervenants ont pointé plusieurs dérives qui entachent les scrutins. L’argent domine le jeu électoral, favorisant les élites économiques au détriment des idées. Le vote ethnique, encore très présent, renforce les divisions au nom du « fils du terroir ». La fraude, quant à elle, prend des formes variées : du bulletin photographié contre rétribution jusqu’à des décisions institutionnelles controversées, comme l’annulation de 400 000 voix en 1996 sans reprise du vote. À cela s’ajoute l’irrationnel, avec des discours mystiques ou prophétiques, révélateurs d’un climat politique où le symbolique l’emporte parfois sur le rationnel.
Abstention record et protestation silencieuse
Le taux de participation électorale illustre ce désenchantement : il est passé de 84 % en 1991 à moins de 30 % aux dernières législatives. Un chiffre qui, selon Georges Otchéré, expert électoral, traduit une lassitude citoyenne face à un système perçu comme verrouillé. Il dénonce une culture politique où la loi est souvent contournée, notamment lors des désignations de maires contraires au vote populaire.
Parmi les intervenants de marque, Maître Zakari Baba Body, avocat à la Cour et ancien ministre chargé des relations avec les institutions, a apporté son regard d’homme de droit et d’ancien acteur gouvernemental sur la nécessité de renforcer la confiance entre les citoyens et les institutions électorales.
Une République déséquilibrée ?
Les débats ont aussi soulevé la concentration des pouvoirs entre les mains de l’exécutif. Un extrait attribué au président Patrice Talon reconnaît que la Constitution de 1990 ne garantit pas un équilibre satisfaisant entre les pouvoirs.
En ligne, Charlotte Ezebada, consultante en participation politique des femmes et présidente de l’association ‘’Women in Power’’, est intervenue pour plaider en faveur d’une représentation plus équitable des femmes dans les instances de décision. « Il ne peut y avoir de démocratie véritable sans la voix des femmes », a-t-elle déclaré, appelant à des politiques plus inclusives.
Des signes d’espoir dans la société civile
Malgré ce climat préoccupant, plusieurs initiatives citoyennes ont été saluées : le projet Somi-Somi, le pacte Alafia, et autres pour la veille électorale. Ces démarches montrent une volonté de s’impliquer autrement, au-delà des seules échéances électorales.
Pour le Coordonnateur national, Élias Béhanzin, TLP-Bénin mise sur la rééducation civique pour redonner du sens au vote. À travers la campagne « Connaître ta Constitution », le mouvement encourage les citoyens à mieux comprendre leurs droits et à exiger des comptes.
Un appel au sursaut collectif
En conclusion, les participants ont lancé un appel à un sursaut collectif, refusant tout fatalisme. Ils ont exhorté citoyens, jeunes, institutions et leaders politiques à reconstruire une démocratie béninoise plus juste, plus équitable et plus durable. La confiance peut renaître, affirment-ils, si la volonté politique et citoyenne est au rendez-vous.
Cette conférence du clôture la série de conférences publiques organisées par TLP-Bénin, qui œuvre depuis plusieurs années à la promotion de la participation citoyenne, à la sensibilisation politique et à la consolidation démocratique au Bénin.
Th.A.