Sous le soleil éclatant qui caresse la canopée de palmiers à huile, les ombres s’étirent et se déplacent au rythme du vent. Dans la commune de Bokpa, au cœur d’une campagne béninoise foisonnante, Rémi Hounnouvi se déplace d’un pas assuré au milieu de ses plantations. Ses mains, marquées par les années de labeur, effleurent les régimes suspendus, comme pour en jauger la maturité. Ici, chaque palmier est une sentinelle, chaque grappe orangée, une promesse d’abondance.

Lorsqu’apparaît cette teinte chaude et profonde qui signe la maturité parfaite, l’homme sait que l’heure est venue. Muni de sa daba, il détache avec précision les régimes mûrs, évitant le trop tôt, qui donnerait une huile fade, et le trop tard, synonyme d’acidité. Autour de lui, ses ouvriers s’affairent. Les grappes chutent dans de grands paniers de raphia, direction l’unité de transformation, une modeste construction de bois et de tôle, théâtre d’une métamorphose séculaire.

De la terre au bidon : une chaîne patiemment maîtrisée

Dans un fracas métallique, la machine de pressage se met en mouvement. Les fruits, d’abord échaudés dans de vastes cuves fumantes, sont ramollis, puis broyés et malaxés avant une ultime chauffe. Peu à peu, un liquide dense et écarlate se déverse : l’huile brute. Rémi observe la coulée avec fierté. « Voyez cette couleur, c’est la vraie richesse », affirme-t-il, déplorant les huiles industrielles, uniformes et appauvries. L’air s’emplit de ce parfum sucré et terreux qui, pour les initiés, raconte la générosité de la terre et la rigueur du geste. Filtrée, l’huile est conditionnée en bidons ou en bouteilles, prête à rejoindre les marchés.

Une filière vitale, mais sous pression

Malgré les critiques internationales sur l’impact environnemental de la production d’huile de palme, au Bénin, cette culture demeure une source de revenus essentielle. Des marchés de Houègbo à ceux de Cotonou et Porto-Novo, l’or rouge alimente le quotidien de milliers de familles. Mais la concurrence s’intensifie. Certains producteurs adoptent des labels bio, d’autres, comme Rémi, misent sur la constance artisanale. « Mon père produisait déjà de l’huile, mais entièrement à la main », confie-t-il, attribuant son essor à l’appui décisif de son frère aîné, Jean-Louis Gnidokponou. Son ambition est claire : agrandir sa production sans dénaturer l’âme du produit. Or, les défis s’accumulent : aléas climatiques, rendements en baisse, désintérêt croissant des jeunes. « Beaucoup veulent s’installer en ville, travailler en bureau », regrette-t-il. « Pourtant, on peut être instruit et fier de travailler la terre. »

Préserver un héritage, préparer l’avenir

 

En fin de journée, la lumière du couchant embrase les champs, donnant aux palmiers une majesté presque irréelle. Dans cet éclat rougeoyant, l’huile de palme dévoile son surnom d’« or rouge » : précieuse, recherchée, mais vulnérable. Rémi Hounnouvi, infatigable, poursuit sa ronde. Il est l’un de ces passeurs de savoir-faire dont la disparition marquerait la perte d’une mémoire vivante. Son histoire illustre l’équilibre fragile entre tradition et innovation. Car chaque goutte de son huile porte en elle la force de la terre béninoise, l’exigence du travail manuel et la passion d’un homme qui a choisi de rester fidèle à ses racines, même à l’heure des mutations rapides. Ici, au milieu des palmiers, l’or rouge n’est pas seulement une production agricole : c’est une identité.

M.M.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici