Invité de l’émission Matin Libre Politique, Chabi Yayi, secrétaire aux relations extérieures du parti Les Démocrates et Secrétaire exécutif du cadre de concertation des partis politiques de l’opposition, s’est exprimé sur les grands enjeux politiques, sociaux et institutionnels qui secouent le Bénin à l’approche des élections générales de 2026. Entre critiques mesurées, propositions concrètes et engagement républicain, l’homme politique se positionne comme l’un des porte-voix d’un renouveau démocratique porté par la jeunesse.
Au cœur de l’intervention de Chabi Yayi, des sujets de grande préoccupation pour un retour aux valeurs démocratiques. Au titre des questions abordées figurent entre autres, le respect du calendrier électoral et la distribution des parrainages. Initialement prévue pour le 25 juillet, la remise des fiches de parrainage par la Céna a été reportée sans nouvelle date, suscitant de vives critiques de l’opposition. « Nous étions prêts avec nos 28 députés. Ce report de dernière minute traduit une mauvaise planification », déplore-t-il.
Le secrétaire du parti Les Démocrates avertit : toute perturbation dans le chronogramme électoral risque de compromettre la transparence du processus et d’alimenter la méfiance. Il appelle à plus de rigueur, de clarté et d’anticipation de la part des autorités compétentes.
Quitus fiscal et plateforme numérique : des avancées à parfaire
Chabi Yayi soulève aussi un autre point de tension : la délivrance du quitus fiscal, indispensable à toute candidature. À deux mois du dépôt des dossiers, la plateforme dédiée n’est toujours pas opérationnelle. Il s’inquiète d’un engorgement administratif à venir et déplore un manque d’anticipation.
En revanche, il salue l’effort numérique entrepris par l’Anip pour la correction des données électorales. Mais pour lui, cela reste insuffisant sans une décentralisation effective dans les 546 arrondissements. « Il faut rapprocher l’administration des citoyens », insiste-t-il.
Audit du fichier électoral : des failles inquiétantes
L’audit du fichier électoral, réclamé par Les Démocrates depuis 2023, a révélé des irrégularités majeures : plus de 31 000 personnes décédées toujours inscrites, des individus enregistrés comme centenaires par erreur… Pour Chabi Yayi, ces anomalies montrent l’importance de l’exercice. « Le fichier électoral, c’est aussi un outil d’état civil. Il doit être fiable. », fait-il savoir. Il appelle à l’application rigoureuse des recommandations du comité d’audit pour restaurer la confiance dans le processus électoral.
Dialogue avec le pouvoir : respect, fermeté et symboles forts
Chabi Yayi revient également sur la récente rencontre entre des jeunes représentants des partis politiques et le président Patrice Talon. Si le dialogue est jugé « nécessaire », il n’a pas éludé la portée symbolique de la tenue noire des délégués de son parti, en hommage aux prisonniers politiques. « En politique, le symbole est important », affirme-t-il. Pour lui, cette démarche de participation à la rencontre incarne à la fois le respect de l’institution présidentielle et la fermeté sur les principes démocratiques.
Loi sur l’embauche : un texte à relire d’urgence
Chabi Yayi dénonce la nouvelle loi sur l’embauche, jugée trop favorable à la précarisation des jeunes. Il pointe du doigt plusieurs articles problématiques, notamment ceux qui permettent le renouvellement illimité des CDD ou une période d’essai sans encadrement. « Avec 90 % d’emplois informels, on ne peut pas fragiliser encore plus les jeunes », alerte-t-il. Il préconise une réforme tripartite : période d’essai réglementée, CDD limité à un renouvellement, puis CDI obligatoire.
Engagements internationaux non respectés
L’opposant rappelle que plusieurs lois béninoises, notamment celles sur l’emploi, le numérique ou la magistrature, ont été critiquées lors de l’Examen périodique universel (Epu) de l’Onu. Le gouvernement s’est engagé à les revoir, mais rien de concret n’a été entrepris. « Ce n’est pas une exigence de l’opposition, c’est une exigence internationale », martèle-t-il.
Blocages à l’Assemblée : « Ils ne veulent pas voter »
Interrogé sur l’avenir des propositions de lois de l’opposition, notamment celle sur l’amnistie des détenus politiques, Chabi Yayi ne cache pas son pessimisme. « Même si on change les virgules, ils ne voteront pas », lâche-t-il. Il appelle à un débat sincère, dans l’intérêt supérieur du pays.
Un projet alternatif pour 2026
Le parti Les Démocrates, selon Chabi Yayi, prépare une offre politique claire et ambitieuse pour 2026, fondée sur : la démocratie participative, la justice sociale et l’équité, le soutien aux Pme, une coopération régionale renforcée, incluant même des projets comme une centrale nucléaire commune pour répondre aux défis énergétiques.
Un appel à la jeunesse et à la vigilance citoyenne
Chabi Yayi conclut en appelant la jeunesse à s’inscrire sur les listes électorales et à se mobiliser. « Le changement passe par le vote », insiste-t-il. L’invité réaffirme son engagement au sein de son parti : « Je suis un soldat de mon parti. Mes ambitions personnelles n’ont de sens que dans l’intérêt collectif. », a martelé Chabi Yayi.
Thomas AZANMASSO