Dans le contexte politique actuel, où la Charte des partis politiques est censée instaurer des réformes essentielles pour promouvoir la démocratie au sein des formations politiques, la proximité de l’élection présidentielle démontre l’effet contraire et met en lumière une réalité désobligeante. Malgré les discours prometteurs ayant caractérisé la relecture de cette loi sous Patrice Talon, les présidents conservent toujours  une emprise totale sur leurs partis, dissuadant toute ambition politique interne.

Oui succédera à Patrice Talon ? C’est la question qui taraude bon nombre d’esprits à quelques encablures de cette compétition électorale fatidique. Prévus pour le 12 avril 2026, les dépôts de candidatures des duo à cette élection seront clôturés le 14 octobre prochain. À moins de trois mois de l’échéance, aucune ambition n’ose s’éclore. De la mouvance à l’opposition, aucun candidat n’a jusque-là le toupet d’extérioriser clairement ses envies. Toute catégorie confondue, ces acteurs politiques semblent naviguer dans une atmosphère de silence, cherchant l’approbation ou les directives des présidents avant de se prononcer. Chez la mouvance, les quelques-uns qui osent manifester un désir aussi minime qu’il soit, sont dare-dare rappelés à l’ordre ou éjectés. Le cas de Luc Atrokpo, récemment rappelé à l’ordre pour quelques manifestations politiques, illustre la tendance effrayante à réprimer toute velléité d’ambition individuelle. De même, Romuald Wadagni a dû ester en justice les auteurs qui ont suscité des discussions autour de sa propre candidature, préférant rester en bons termes avec le Chef de l’État. Quant à Samou Seïbou Adambi, sa trop grande ambition, selon plusieurs sources, finit par lui coûter son poste ministériel avec comme bonus, sa suspension des activités de son parti politique le Bloc Républicain (Br). Dans le rang de l’opposition, rien de se dessine officiellement pour l’heure. Ce phénomène souligne une dynamique pernicieuse où même l’évocation d’une ambition personnelle devient synonyme de désaccord avec le chef du parti.

 Talon et Yayi, une influence sans équivoque

Particulièrement alarmant est le fait que, même sans être officiellement membre d’un parti comme l’Union progressiste le Renouveau (Up-R) ou le Br, le Président Patrice Talon réussit à déterminer le calendrier politique de ces partis. Pour l’homme, il n’est pas question que la question liée a sa succession soit évoquée avant six mois de cette élection. Chez l’opposition avec Boni Yayi voire Paul Hounkpè, toute décision partira évidemment d’eux. Le leader de la Force cauris pour un Bénin émergent (Fcbe) avait déjà ouvert la brèche, tout en annonçant sans préalable ce que fera son parti, pour solutionner la question liée au parrainage. Ce qui soulève une question cruciale. Comment peut-on prétendre qu’il existe une véritable autonomie au sein des partis, alors que tout semble se passer sous l’œil vigilant du président et même des allogènes ? Énigme !

Entre discipline de groupe et crainte des retombées

L’un des arguments fréquemment mis en avant pour justifier cette situation est celui de la « discipline de groupe ». Autrement, par ce procédé, les partis tentent de contenir d’après eux, la cohésion entre caciques et membres. Bien que la nécessité d’une certaine cohésion soit indiscutable, elle ne doit pas étouffer les ambitions personnelles ni empêcher la diversité d’expression. Pour le cas du Bénin sous l’ère Patrice Talon, tout est mis au dos de cette stratégie. Alors bien que ces formations politiques sont conscientes de ce que dans un système politique sain, la confrontation d’idées devrait être encouragée et non redoutée. Avec cette dépendance hiérarchique manifeste, c’est l’essence même de la démocratie, qui repose sur l’émancipation des citoyens et leur capacité à exprimer leurs aspirations, qui semble être contredite.

La Charte des partis, une promesse blafarde

Les militants, en attendant les directives du sommet, sont maintenus dans un état de suspension. Et pour cause, inquiets de briser cette harmonie fugace qui vole en éclats au moindre murmure d’ambition individuelle. In extenso, chaque décision politique majeure passe par l’aval des leaders, réduisant à néant les aspirations et la volonté d’action des membres. La Charte des Partis politiques révisée, considérée comme une réforme politique séculaire sous Patrice Talon devait, en théorie, aider le gotha politique béninois à dépasser ces considérations belliqueuses et parfois sans lendemain, pour l’épanouissement des formations politiques. En d’autres termes, cette loi dont l’apologie a été dite comme une messe promettant la panacée quant à tout esprit tordu au sein des partis politiques avait pour ambition de responsabiliser les militants et ouvrir la voie à des discussions collégiales et ouvertes. Ceci, permettant ainsi une réelle diversité de choix dans le leadership des partis avec des décisions qui rassemblent militants et responsables. Cependant, force est finalement de constater avec les agissements actuels, que ces promesses restent lettre morte. Au lieu de générer un environnement participatif, la Charte semble plutôt conduire à une centralisation accrue du pouvoir où pour une élection aussi cruciale pour la démocratie béninoise, nul ne s’émeut à part les chefs de partis. Cette situation est aggravée par le manque de transparence dans les décisions prises au sein de ces partis, laissant les membres dans l’incertitude quant à leur place future. De facto, la consultation demeure nonobstant les réformes, un concept théorique, souvent ignoré lorsque des décisions cruciales doivent être prises, comme le cas pour cette présidentielle.  En clair, rien n’a changé dans les pratiques. La culture politique profondément enracinée qui valorise l’autorité au détriment de la démocratie interne reste intacte malgré des réformes douloureuses. Jusqu’à quand les militants verront leurs voix étouffées ? Jusqu’à quand seront-ils perçus comme des éléments perturbateurs plutôt que comme des acteurs essentiels du processus politique ? En attendant, les partis ne servent qu’une seule personnalité.

M.M

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