À moins d’un an des élections générales de 2026, la mouvance présidentielle béninoise est en proie à des tensions internes de plus en plus difficiles à dissimuler. Entre suspicions de complot, rivalités régionales, divergences partisanes et ambitions personnelles, le camp présidentiel traverse une zone de fortes turbulences. Une série d’événements récents témoigne d’un climat politique fragilisé, révélateur d’enjeux de pouvoir en mutation.
Bien des faits se sont produits et sont révélateurs d’un profond malaise au sein de la mouvance fidèle au chef de l’Etat, Patrice Talon. Au nombre de ceux-ci, figure l’affaire du présumé coup d’Etat. La surprise a été totale en effet, lorsqu’a éclaté, il y a quelques semaines, une affaire aux relents de coup d’État. Oswald Homeky, ancien ministre des Sports, figure influente du régime Talon, a été arrêté et écroué, soupçonné de comploter contre le président Patrice Talon. À ses côtés, un autre nom bien connu : Olivier Boko, bras droit de longue date du chef de l’État, dont les liens étroits avec le pouvoir en place faisaient jusqu’alors figure de garantie de loyauté.
Les deux hommes sont accusés de manœuvres visant à écarter Patrice Talon au profit d’Olivier Boko lui-même, dans une hypothétique transition orchestrée en coulisse. Si les autorités restent avares de commentaires officiels, l’arrestation de ces deux personnalités jette une lumière crue sur des dissensions jusque-là masquées par l’apparente solidité du bloc présidentiel.
Le limogeage du ministre Paulin Akponna : un autre signal d’alarme
En parallèle, un autre épisode est venu amplifier les fissures internes. Le ministre de l’Énergie, Paulin Akponna, a été brutalement déchargé de ses fonctions à la suite de propos jugés diffamatoires tenus lors d’un meeting politique. Celui-ci, venu soutenir l’ancien député et actuel ministre-conseiller Rachidi Gbadamassi, a évoqué un prétendu siphonage de plusieurs milliards de FCFA, tout en égratignant au passage son prédécesseur à l’Énergie – membre du même parti, le Bloc Républicain.
Le problème ? Le ministre visé appartient non seulement à la même formation politique que Paulin Akponna, mais aussi à la même circonscription électorale que Rachidi Gbadamassi (la 8e). Ce qui aurait pu passer pour un simple malentendu politique a mis à nu des rivalités régionales et partisanes de plus en plus manifestes, entre clans et lignes internes concurrentes.
Bloc Républicain, UP-Renouveau, PRD : une alliance en miettes ?
Ces tensions ne sont pas isolées. Elles traduisent une recomposition plus large au sein de la mouvance présidentielle, notamment entre les deux grands partis qui la composent : le Bloc républicain (Br) et l’Union Progressiste le Renouveau (Up-R). Ces deux formations, censées incarner la continuité et la stabilité autour du président Talon, apparaissent aujourd’hui en proie à des querelles de leadership, de positionnement et de contrôle des bases électorales.
À cela s’ajoute la fronde du Parti du Renouveau Démocratique (Prd), qui multiplie les signaux d’émancipation pour recouvrer son autonomie politique après avoir été absorbé dans l’Up-R. Ce mouvement, porté par une volonté de reconquête de son identité politique, vient rajouter une couche d’incertitude sur l’unité de la mouvance présidentielle à l’approche de 2026.
Une course masquée vers l’après-Talon ?
Derrière cette accumulation d’incidents se profile une réalité de moins en moins voilée : la guerre de succession. Patrice Talon, qui ne s’est pas encore exprimé clairement sur le choix de son dauphin pour 2026, laisse planer une incertitude stratégique. Cette zone d’ombre alimente les ambitions personnelles et les repositionnements précipités.
Entre les aspirations d’anciens fidèles du régime, les rivalités régionales (notamment dans la 8e circonscription), les calculs électoraux des partis, et les fractures internes grandissantes, la majorité présidentielle donne l’image d’un navire en perte de cap. Loin de la discipline de groupe prônée aux débuts du second mandat de Talon, le climat actuel ressemble à une guerre d’influence larvée où chacun cherche à se placer avant que le jeu ne se referme.
Vers une recomposition politique inévitable ?
Si ces tensions persistent, la mouvance présidentielle risque une implosion partielle ou une série de scissions d’ici aux élections générales. En coulisse, des tractations auraient déjà été engagées pour recoller les morceaux, mais la méfiance semble s’être installée entre plusieurs camps, notamment au sein même du Bloc Républicain.
Dans ce contexte, les mois à venir seront décisifs. Soit le président Talon parvient à rétablir l’unité de son camp autour d’un projet commun – voire d’un dauphin clairement désigné – soit la mouvance s’exposera à une fragmentation qui pourrait ouvrir la voie à l’opposition.
À suivre.
M.M