Dans l’univers africain des arts et de la culture, Kossi Assou est une figure emblématique des arts plastiques. Il a fait un tour au Bénin dans le cadre des Rencontres Contemporaines de Cotonou organisées par la galerie Art Vagabond de Christel Gbaguidi. Dans la foulée de son séjour, il a fait l’honneur d’accorder à Matin Libre une interview exclusive à travers laquelle il parle de sa carrière et de son rapport avec le monde de la plume. On le découvre ensemble.

Matin Libre : Kossi Assou, vous êtes une figure emblématique dans le monde artistique et culturel africain, plus précisément togolais. Aujourd’hui, vous êtes au Bénin dans le cadre des Rencontres Contemporaines de Cotonou. Déjà, quel est le mobile de votre présence ici ? Et si nos lecteurs voulaient vous connaître davantage, qui êtes-vous ?

Kossi Assou: Je suis Kossi Assou, comme vous le dites. Je suis né en Côte d’Ivoire, j’ai grandi en Haute-Volta et je suis Togolais d’origine. Je vis au Togo, depuis bientôt 40 ans. Je suis artiste plasticien. Je suis également designer. Parallèlement je suis écrivain, essayiste très précisément. Alors, je suis au Bénin sur invitation du comité d’organisation des Rencontres Contemporaines de Cotonou, (RCC) qui est une opportunité pour rencontrer les jeunes artistes émergents. Et nous, quand je dis nous, je suis là avec Barthélémy de Toguo, du Cameroun et de la France. Je suis là également avec Charly d’Almeida du Bénin. Donc, nous sommes là pour accompagner ces jeunes-là et partager nos expériences avec eux en leur racontant des anecdotes. À part cela, nous avons également une exposition que nous venons d’ouvrir ce soir pour essayer aussi de leur montrer à travers les œuvres en présentiel, ce que nous faisons, comment est-ce que nous travaillons nos inspirations. Afin que, sur une base concrète, qu’ils puissent avoir devant eux, quelque chose de tangible sur laquelle ils peuvent poser des questions.

Alors, de cette rencontre, vous avez quand même partagé beaucoup de choses avec cette jeunesse. Et dans le même temps, vous avez participé à l’exposition de ces aînés qui devraient quand même inspirer tant de personnes. Parlez-nous-en.

L’exposition, elle est composée personnellement, je suis arrivé avec six pièces. Deux grandes pièces, deux moyennes, deux petites. Monsieur Barthélémy Toguo est arrivé avec quatre pièces. Je pense que Charly d’Almeida également a présenté cinq pièces qui sont des sculptures Robot qu’il a mises dans l’espace. Il y en a quatre. Un bas-relief accroché au mur. Quant à Barthélémy Toguo, il  a fait une performance murale dans laquelle il a accroché quatre œuvres majeures qu’il a fait venir exprès pour cette exposition-là. Donc, l’exposition reste dans l’espace, je pense, jusqu’au 26 ou 29 juin 2025. Le public est invité à aller regarder et à poser des questions. Les curateurs seront là pour y répondre.

Quelle est la relation entre l’artiste et l’écrivain ?

Je dis que c’est un autre langage pour exprimer quand même certaines préoccupations qui consistent à partager avec mes congénères, à partager avec le monde entier ma compréhension d’un patrimoine immatériel qu’est le  Ifa, le Afan ou le Fa.  Sa dimension géomantique qui est très connue, avec les chapelets, les Agumagas pour faire la divination, il y a eu beaucoup de livres qui en ont parlé. Mais moi, ma préoccupation, c’est de dire que c’est une interface très complexe avec des dimensions même insoupçonnables de connaissances. Et il y en a qui appellent ça une médiathèque, il y en a d’autres qui l’appellent une bibliothèque, une encyclopédie, parce que si on est biologiste, ou si on est géologue, ou si on est botaniste, ou qu’on soit, je ne sais pas, comment on peut appeler ça, mathématicien, qu’on soit physicien, qu’on soit physicien Cantique, on trouve de la matière avec ce patrimoine immatériel. Et donc dans mon livre que j’ai intitulé  »Afan, 2.8, l’interface complexe entre le principe et ses manifestations », je parle, dans le chapitre que j’ai appelé « Fragments », du Fà comme un système numérique. Et à partir de ces éléments, de ces composants, j’arrive à convertir le tracé du signe. Quand on prend un signe comme Gbé Lètè ce signe, il est tracé avec deux petits tirets, un tiret, deux petits tirets, un tiret, comme 0, 1, 0, 1, en principe binaire, et je le convertis en valeur binaire, puis de la valeur binaire, je convertis le site en valeur décimale. Mathématique. Une fois que j’arrive en valeur décimale, cela me permet de me rendre compte que tous les signes ont une valeur arithmétique décimale entre 0 et 255. Et je fais la démonstration que Afan a une relation intime avec les nuances chromatiques. Quand il y a un coup S0, il est noir, et il est rouge. Quand Gbé Mèdji est 255, il est blanc, et il correspond aussi au violet. Ce qui fait que…

Comment vous l’avez su?

Je l’ai su par déduction mathématique, parce que quand on va… J’enseigne la chromatologie à l’ÉAMAU à l’École Africaine des Métiers de l’Architecture et de l’Urbanisme. Donc j’ai étudié les couleurs. Et je connais les valeurs numériques des couleurs. Et donc, une fois qu’on a les valeurs qui sont affectées aux signes du Fâ, et cela saute aux yeux, les correspondances se font, et on se rend compte qu’il y a un coup qui correspond à l’obscurité et à une valeur 0. Gbé mèdji correspond à la lumière et à une valeur 255. Or, quand vous prenez dans n’importe quel logiciel infographique, Photoshop, Illustrator, vous allez vous rendre compte que quand vous prenez le curseur et que vous le poussez vers le noir, vous avez 0, 0, 0, 0, 0. Et quand vous poussez le curseur vers le blanc, vous avez 255.

Waouh. J’ai jamais remarqué

 Oui, oui, vous allez voir, vous allez vous rendre compte. Maintenant, si on est dans la gamme de gris, parce que le blanc et le noir ne sont pas des couleurs, ce sont des valeurs, quand on a le noir au blanc, on a une progression du noir au blanc, c’est-à-dire qu’on passe du noir au blanc en passant par, on va du noir au blanc en passant par les gris. Bien sûr. N’est-ce pas? Donc, si on voit le monde en noir et blanc, ça veut dire qu’on voit le monde en gris et en 256 couleurs. Vous voyez? C’est bien. Et quand on voit le monde en couleurs, on voit le monde en 256 couleurs, parce que justement, le violet, le monde chromatique, on le voit entre le rouge qui est en bas et le violet qui est en haut, le noir qui est en bas et le blanc qui est en haut. Et ce n’est pas fortuit si on voit le pape et les cardinaux portés du blanc et du violet. Ah ben oui, parce que quand on voit la correspondance du chakra, le chakra inférieur, il est rouge, et le chakra supérieur, il est violet. Bon, je n’en dirai pas plus. Achetez le bouquin, vous allez voir.

Et dis donc, est-ce qu’aujourd’hui, ces personnes lambda, qui consultent le Afan, ou le Fa si vous voulez, qui sont prêtres, maîtres, et tout ce que nous voulons, est-ce qu’ils arrivent à percevoir la chose sous cet angle? Est-ce qu’ils comprennent cela?

 Beaucoup se cantonnent sur la divination. Quand on prend un signe, il y a 16 proverbes, il y a un conte, il y a une légende, il y a… etc. Beaucoup se contentent de ne voir que ça. Mais au-delà, je suis arrivé à proposer, même qu’on ne trace plus le signe,

 On le fera comment?

On le fera en cercle. Et vous allez voir, ça, c’est la couverture du livre. Quand je vais vous envoyer, je prendrai votre contact, et je vous enverrai la couverture du livre, et vous allez voir les signes dedans. Donc, une fois qu’on arrive… Je vais faire une petite démonstration pour vous. Quand la descente de l’énergie arrive par là-haut, ou bien le Bokona, il commence à tracer éléments feu, éléments air, éléments eau, éléments terre. Donc j’ai le 1, le 2, le 3, le 4, le 5, le 6, le 7, le 8. Et plus je quitte le feu qui est très éthérique, et que j’arrive vers la période d’intensification, et le chiffre augmente. On a 1 qui est 1, et on a 9 ou 8 qui est beaucoup. Vous comprenez ce que je veux dire? Et quand vous prenez 1, plus 8, vous avez 9. C’est ce que j’appelle les valeurs complémentaires. J’ai fait un néologisme parce qu’il n’y a pas d’adjectif pour qualifier fa, afin, ou ifa.

Donc j’ai pris la racine trinitaire ifa, du Nigéria, pour en faire un adjectif, et je dis  »ifi ». C’est tout. Donc quand je prends les complémentaires, donc je prends des complémentaires ifi, il y a 1 qui s’additionne à 8, ça donne 9. Il y a 2 qui s’additionne à 7, ça donne 9. Il y a 3 qui s’additionne à 6, ça donne 9. Il y a 4 qui s’additionne à 5, ça donne 9. Vous comprenez? Donc à partir du moment où nous avons ces complémentaires là qui nous donnent la valeur 9999, qui en numérologie est un nombre cadavre, de recommencement, on peut se permettre d’avoir une équidistance entre les 8 points. Et cette équidistance nous donne donc un diamètre d’un cercle. Et c’est comme ça qu’on part de 2 lignes verticales, vers un cercle.

Alors on peut déjà comprendre que cette nouvelle formulation que vous avez proposée, à travers cet ouvrage, c’est ce que vous voudriez que les maîtres, les prêtres adoptent

Non, non. De savoir que par le principe, par la valeur intrinsèque numérique des graphes, du signe, on peut disposer le signe différemment. Et en disposant le signe différemment, on va à d’autres formes d’exploration. Pour comprendre que justement, quand on trace, vous savez bien qu’on écrit, dans le phare, on écrit comme la culture des filles s’organise, comme on fait dans l’idéogramme chinois. Droite, gauche, haut, vers le bas. Et quand on le fait en réalité, on trace une spirale. Et on descend. Et c’est une spirale qui a un mouvement anti-horaire. Sens contraire. Alors tout l’univers tourne en sens horaire. Et c’est parce qu’il y a le mouvement qui est dans la vibration, et la vibration qui est dans la rotation, qui est dans l’énergie, l’énergie qui est dans la vie. Donc, voilà un peu. Je voudrais tout simplement attirer l’attention des papas là-haut, des pourquoi non, des gens qui s’intéressent aux femmes, pour voir que la femme a une dimension plus étendue que ce que l’on pense, et que si c’est enseigné dans des universités aux Etats-Unis, il ne faudrait pas que le monde continue à rejeter ça au motif que nous sommes devenus chrétiens aujourd’hui.

Parfait. Alors, dans votre univers artistique, est-ce que vous parvenez à utiliser cette démonstration pour pouvoir faire un travail ?

Je ne me fatigue pas spécialement, mais je rends hommage à la spiritualité africaine qu’on appelle vodun chez nous, parce que dans ma langue, du continuum adja Tado, continuum linguistique adja Tado, pour moi vodou ça veut dire spiritualité, maintenant, je rends hommage à tout ça, par exemple les œuvres qui sont exposées, je me suis inspiré, je les appelle interfaces, interfaces entre le monde profane et le monde sacré, interfaces entre l’extérieur et l’intérieur de soi-même, et ce sont des rideaux, les rideaux qu’on trouve devant le temple de Sakpata, le temple de Dan, le temple de Aguèh, et c’est ça, vous allez voir que ce sont des rideaux, il y a quelqu’un qui a dit tout à l’heure qu’ils se salissent avec le temps, je dis non, qu’ils vieillissent avec le temps, il y a des tâches de sang, il y a des tâches de libation, il y a tout ça, la transpiration, bref, ça prend de l’âge, ça prend de la texture, ça prend de l’intensité, et derrière ces rideaux, on s’interroge, et quand on vient poser ce problème dans l’existence, il y a un mouvement symbiotique qui passe à travers ces rideaux-là, et qui se déchire, qui résiste, qu’on complète, qu’on change, on rajoute des rideaux, etc.

Est-ce que vous avez le sentiment qu’en enseignant cette technique, ou cette manière de consulter désormais le Fâ est-ce que l’artiste peut, enfin, pas vous forcément, mais les artistes peuvent l’utiliser pour donner un autre prisme ou de regard sur le..

.Non, il n’y a pas de lien en termes d’exploitation véritablement pour faire cette création Afan.  Mais ce n’est pas une nouvelle formulation, une nouvelle méthode de consultation que je propose véritablement. Mais seulement que le philosophe, celui-là qui vérifie la philosophie à l’université, ne soit plus complexé à aller étudier Kant, Hegel, Heidegger, je ne sais pas, Nietzsche, pour s’embrouiller, ne pas être dans ces réalités d’Africains. Mais de savoir que le Fâ contient la philosophie essentielle. Oui, le botaniste doit savoir que chaque signe a au moins 16 plantes. Et que 16 fois 256, on a 4096. C’est lourd. 4094, c’est lourd. Un botaniste qui se met à étudier 4094 plantes. Et leur expression. Et leur expression, ce que ça peut soigner. Pourquoi est-ce qu’avec Woli Mèdji,  quelle plante peut faire ceci, peut faire… Quelles sont les propriétés de cette plante-là qui permettent au boconon de pouvoir intercéder une maladie ou bien un envoutement ou ceci? Quelles sont les propriétés? Le botaniste est allé faire sa recherche.

Le livre couvre combien de pages?

Ça couvre 350 et quelques pages. Et il est dédié pour la première fois dans la  maison Graines de pensée à Lomé. Ça se vend dans une librairie ici au Bénin, Africa Vivre, que dirige la fille de M. Jean Pliya? Danielle Pliya. Il y a de la matière. Vous savez que quand vous parcourez le bouquin, les pistes que je propose nous expliquent pourquoi. Par rapport à ça, c’est un signe qu’on va nous demander de ne pas porter du moine ou bien pour un rituel, d’aller chercher un coq à plumage. Quelles sont les fréquences électromagnétiques? Je dis bien électromagnétiques qui conduisent à cette recherche.

Alors, est-ce qu’aujourd’hui, ce livre est accepté dans les milieux scientifiques à travers le monde?

Mais j’ai fait des présentations à l’Université de l’Aubain. Je l’ai présenté au Maroc. Les gens le comprennent parce que la démonstration est claire et évidente. Maintenant, si quelqu’un considère qu’il vaut mieux ne pas accepter les démonstrations, la chose est claire et évidente. Elle est évidente, donc on ne peut pas faire autrement que d’accepter. Voilà. Et puis voilà.

Et qu’est-ce que vous faites pour sa promotion?

Pas grand-chose. La maison d’édition s’en occupe. Mais à chaque fois que je me déplace, je viens avec quelques exemplaires. Je pense que la dernière fois, certains en ont acheté. Monsieur Christel Gbaguidi en a acheté. Monsieur Barthélémy Toguo  en a acheté pour sa structure, etc. Voilà.

Et si la jeune génération, comme nous autres, chercheurs, journalistes, manifestons le désir d’entrer en possession?

Je pense que je vous donnerai le contact, l’adresse, donc ici à Cotonou. Parce que normalement, le bouquin, si on devrait le vendre, il serait autour de 150 000 francs. Dans tous les cas, en France, il est vendu entre 45 et 50 euros. Ok mais on a décidé de le vendre à 30 euros en Afrique, donc on a fait un rabais pour qu’en Afrique, il soit à 20 000 francs CFA et qu’ailleurs, il soit vendu aux pris entre guillemets normaux.

À quand des moments de séminaires, de rencontres intellectuelles?

Je vous donnerai des informations, mais je sais que d’ici à septembre, dans pas longtemps, il y aura encore l’opportunité de présenter de parler de ce livre. Donc, soyez simplement à l’écoute puisque nous sommes en contact. Je vous donnerai les informations. Et si jamais, absorbé par le travail, j’oubliais de vous recontacter, n’hésitez pas à m’envoyer un petit coup de pouce, un petit mot, et puis ça peut me réveiller.

Revenons un peu au niveau des Rencontres Contemporaine de Cotonou. Vous êtes au cœur de cet événement. Aujourd’hui, vous présentez six pièces. Est-ce que toutes ces pièces parlent explicitement des rideaux que nous rencontrons?

Oui, ça rend hommage à toute cette spiritualité en présentant ces rideaux là, sous cette forme-là, en faisant les six pièces. Il y en a bien d’autres. Vous allez voir que c’est interface 3, 4, 5, 6, 7. Il y a deux que j’ai réalisées récemment. Donc, je continue encore d’en produire à l’atelier. Donc, voilà.

Oui, cet événement aujourd’hui, comment vous le voyez? Est-ce que vous avez des conseils, des suggestions

  1. Gbaguidi, il est à sa première édition. On va l’accompagner. On lui a dit qu’on ferait un petit débriefing ce soir. Et à l’occasion, nous avons une petite séance à l’année où nous ferons, avec ses co-curateurs, une petite séance de travail pour faire le point sur l’ensemble de l’organisation avec les commentaires qu’il en pose.

Et vous avez l’espoir que cet événement va pérenniser dans le temps?

Moi, je pense que vous, les journalistes, vous avez un travail de promotion et d’accompagnement à faire. Et puis, soutenez justement ces initiatives-là. Encouragez la population à les faire. Encouragez les bailleurs de fonds à pouvoir soutenir cette manifestation-là. Je pense que s’il y a le soutien financier qu’il faut, il n’y a pas de raison que ça ne continue pas. Parce qu’il y a la demande, il y a le besoin de communiquer. Nous n’avons pas d’école d’art et ce sont des occasions pour sensibiliser la population. Ce sont des occasions pour donner des informations et des enseignements aux jeunes artistes émergents. Car chaque pays a besoin d’avoir des artistes comme nous.

Réalisé par Teddy GANDIGBE

Légende : Le Patriarche Kossi Assou et le journaliste à la fin de l’entretien

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