À un an de la présidentielle béninoise de 2026, les promesses de départ de Patrice Talon se heurtent à une réalité politique verrouillée. Si le chef de l’État affirme vouloir quitter le pouvoir, les manœuvres autour du code électoral et le contrôle des institutions suscitent des doutes sur la sincérité de sa sortie annoncée. Analyse d’un jeu politique aux contours insaisissables.

Depuis son accession au pouvoir en 2016, Patrice Talon a souvent rappelé sa volonté de ne pas s’éterniser à la tête du Bénin. En 2021, il obtenait un second mandat, en promettant une transition démocratique à la fin de celui-ci. « Je partirai en 2026 », répète-t-il, comme encore récemment devant des élus locaux, en appelant à la préparation d’une relève.

Mais la répétition d’un engagement ne suffit plus à convaincre, surtout dans un contexte africain marqué par de nombreux revirements présidentiels. Et au Bénin, les actes posés ces derniers mois soulèvent une interrogation croissante : Patrice Talon partira-t-il vraiment librement, ou cherche-t-il à verrouiller l’après-Talon ?

Un code électoral au cœur de la polémique

Adopté dans un climat de fortes tensions, le nouveau code électoral renforce drastiquement les conditions de candidature, en exigeant notamment l’obtention des 20% des suffrages exprimés dans chaque circonscription électorale. Ce qui a été perçu par l’opposition comme une manœuvre visant à écarter toute alternative crédible.

« Ce n’est pas une réforme électorale, c’est une opération de filtrage politique », dénonce un ancien ministre aujourd’hui dans l’opposition. Pour les observateurs, ce texte pourrait bien rendre impossible une élection pluraliste en 2026, en transformant la présidentielle en une simple formalité.

Institutions captives, pluralisme fragilisé

À cette loi controversée s’ajoute le contrôle croissant des institutions. La Cour constitutionnelle, l’Assemblée nationale, et même la Commission électorale nationale autonome (CENA) sont aujourd’hui composées en majorité de personnalités proches du pouvoir. Résultat : les garde-fous démocratiques traditionnels semblent neutralisés.

« Il n’y a plus de contre-pouvoir réel. Ce que nous voyons, c’est une architecture politique dans laquelle tout est fait pour éviter les surprises en 2026. », analyse un politologue.

Une alternance crédible ?

Si Talon maintient son départ, il reste à savoir qui portera le flambeau de sa politique. Plusieurs noms circulent : ministres influents, présidents de partis alliés, ou même figures du secteur privé proches du régime. Le risque, aux yeux de certains analystes, est que cette succession se fasse dans un climat fermé, sans débat, sans concurrence réelle.

Le Bénin, longtemps cité comme exemple de démocratie apaisée en Afrique de l’Ouest, se trouve à la croisée des chemins. L’alternance pourrait être réduite à une simple continuité sous un autre visage.

Une société civile en alerte

 Face à ces évolutions, la société civile béninoise reste mobilisée, même si son espace d’expression a été réduit ces dernières années. Des ONG, des universitaires et des voix religieuses appellent à une présidentielle ouverte, équitable et conforme à l’esprit de la Constitution.

La communauté internationale, pour sa part, observe la situation avec prudence. La Cedeao, déjà fragilisée par les récents coups d’État dans la sous-région, joue ici sa crédibilité : un glissement autoritaire au Bénin en 2026 porterait un coup sévère à son image.

En définitive, Patrice Talon a encore le choix d’entrer dans l’histoire en quittant le pouvoir volontairement à l’issue de son second mandat. Mais ce choix doit être accompagné d’actes concrets : réforme du code électoral, ouverture du jeu politique, rééquilibrage institutionnel. S’il part pour la forme, tout en imposant son héritier dans une élection verrouillée, le président sortant risque de compromettre l’héritage républicain qu’il dit vouloir défendre.

M.M.

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