Des infrastructures modernes qu’elles soient routières ou marchandes poussent telles des champignons, des réformes audacieuses sont amorcées dans la quasi-totalité des secteurs d’activité. Ceci, avec à la clé, des performances économiques qualifiées parfois d’inédit. Seulement, l’impact des initiatives et réformes est loin d’être perceptible sur le quotidien des béninois, visiblement condamnés à vivre dans la précarité. Une réalité déplorée d’ailleurs par la Conférence épiscopale du Bénin (Ceb) de sa 75ème session plénière ordinaire. Le régime Talon fait-il face à une réalité difficile à démêler ?
Le serrage des ceintures a visiblement assez duré et les béninois semblent de moins en moins optimistes quant à la capacité du gouvernement de la Rupture à infléchir la tendance. La précarité, caractéristique du quotidien des béninois, est loin d’être un sujet tabou. Depuis l’avènement du régime Talon, les béninois, dans leur majorité, peinent à joindre les deux bouts. Le pouvoir d’achat est faible, des emplois sont détruits avec la dissolution de plusieurs sociétés étatiques, la politique fiscale est dénoncée, les activités économiques notamment dans le secteur informel sont au ralentis. “Plus rien ne va“ pouvait-on entendre à longueur de journée. La précarité est désormais persistante, c’est une évidence. Même si au départ, il était annoncé que les réformes amorcées devraient permettre, à long terme, aux béninois de vivre mieux, la réalité laisse pantois à quelques mois de la fin du mandat de Patrice Talon. “Au plan social, les Evêques du Bénin expriment leur vive préoccupation face à la précarité persistante qui affecte une portion non négligeable de la population. En dépit des efforts consentis par le gouvernement pour le développement, de nombreuses familles peinent encore à satisfaire leurs besoins fondamentaux et vitaux. Cette situation fragilise le tissu social, expose les plus vulnérables à diverses formes d’exploitation et compromet la paix sociale…Nul n’a le droit d’être heureux tout seul“, déplore la Conférence épiscopale du Bénin dans le communiqué final de sa 75ème session plénière ordinaire qui s’est déroulée du 21 au 23 mai 2025. Face à la situation, l’Eglise catholique plaide en faveur des actions visant à bâtir une société juste et solidaire qui met la personne humaine au centre de toute action. Si les gouvernants actuels font face à de critiques acerbes, il importe toutefois de reconnaitre que maintenir les populations dans la précarité ne saurait être un souhait du régime Talon. A travers chaque initiative et réforme gouvernementale, il y a forcément un espoir de contribuer à l’amélioration du quotidien des béninois. Seulement, il y a des années que çà dure et la tendance est loin d’être infléchie. Doit-on estimer que cette réalité reste inextricable pour le gouvernement Talon ? La question reste toute posée.
Une croissance économique à l’antipode du mieux-vivre des béninois ?
Dans une analyse faite de la croissance économique du Bénin, Emmanuel Jr. Agbozognibe, Gestionnaire de programme à Korea Eximbank, évoquait la question d’une “croissance appauvrissante“ sous le régime Talon. “Le Bénin affiche une trajectoire de croissance impressionnante avec un taux de 6,35% en 2023, en légère hausse par rapport aux 6,25% de 20221. Cette performance positionne le pays parmi les économies les plus dynamiques de la région. Le PIB par habitant a atteint son niveau historique le plus élevé à 1300,32 USD en 2023, contre 1255,61 USD l’année précédente. Les projections économiques anticipent une poursuite de cette tendance avec un PIB par habitant estimé à 1382 USD d’ici fin 2025. Cette dynamique positive a permis au Bénin d’intégrer en 2020 la catégorie des pays à revenus intermédiaires, avec une croissance robuste de 6,4%, la plus élevée des pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), et ce malgré le contexte pandémique mondial“ pouvait-on lire. De la même analyse, il ressort que le taux de pauvreté national est passé de 40,1% en 2015 à 38,5% en 2018. Cette tendance suggère que la croissance économique s’accompagne d’une certaine réduction de la pauvreté, bien que le rythme demeure relativement lent, estime Emmanuel Agbozognibe. Ce dernier pointe d’ailleurs du doigt, une distribution inégale des revenus. “En matière d’inégalités, le coefficient de Gini du Bénin s’établissait à 53,1 en 2019. Ce niveau relativement élevé indique une distribution inégale des revenus dans le pays, ce qui peut limiter l’impact positif de la croissance économique sur les conditions de vie de l’ensemble de la population. Cette inégalité constitue un défi majeur pour assurer une croissance véritablement inclusive“ analyse-t-il. Et de présenter la notion de « croissance appauvrissante » comme étant une situation paradoxale où la croissance économique, au lieu d’améliorer le bien-être général, conduit à la détérioration des conditions de vie dans un pays. Et la triste réalité est là. Les béninois peinent à joindre les deux bouts pendant que l’on célèbre des performances économiques. Si de grands défis ont été relevés, ce chantier semble malheureusement encore échapper aux gouvernants béninois.
M.M