Le gouvernement béninois fait de la lutte contre les Violences basées sur le genre (Vbg), une préoccupation majeure. D’un arsenal juridique renforcé à la mise en place d’un dispositif de prévention, de répression ainsi que de la prise en charge des victimes, des paliers sont franchis. Seulement, l’option de la prise en charge holistique, faite par le Bénin peine à être chose effective notamment dans la pratique…Des obstacles persistent !
Une approche holistique intégrant le soutien psychologique ; l’accompagnement social ; la prise en charge médicale ; la prise en charge psychologique et l’assistance juridique et judiciaire. Telle est l’option faite par les autorités béninois et qui témoigne d’une réelle volonté politique dans la lutte contre les Violences basées sur le genre (Vbg). Mais il se révèle que la mise en œuvre de cette approche stratégique, saluée comme une avancée majeure dans la prise en charge des victimes de Violences basées sur le genre, se heurte à des obstacles qui semblent perdurer malheureusement.
En effet, le Décret N°2012-228 du 13 août 2012 portant création, composition, attributions et fonctionnement des centres intégrés départementaux de coordination pour la prise en charge des victimes et survivants(es) de Violences basées sur le genre (VBG) met un accent particulier sur la prise en charge holistique. «Les Centres Intégrés Départementaux de Coordination ont pour mission de coordonner la prise en charge des victimes et survivants (es) de violences basées sur le genre. Leur but est de recevoir, d’écouter, de conseiller et d’apporter des solutions promptes, coordonnées, adéquates et durables aux besoins sanitaires, sociaux, psychologiques et juridiques des victimes et survivants (es) de violences basées sur le genre, de manière à réduire considérablement le temps de la prise en charge sociale, sanitaire et surtout juridique, et accroître la potentialité de la satisfaction des victimes et des survivants (es) », indique le décret en son article 2. « Les victimes et survivants (es) doivent trouver aux Centres Intégrés Départementaux de Coordination toute l’aide nécessaire y compris l’appui psychologique, les références aux groupes de soutien de survivants (es) et aux centres d’accueil et d’hébergement», précise le même article.
La prise du présent décret se veut donc un palier important franchi en ce qui concerne la prise en charge des victimes des violences basées sur le genre au Bénin. Ainsi, la prise en charge des victimes de violences basées sur le genre repose sur l’Approche droit, selon l’Institut national de la femme (Inf). Le document des procédures opérationnelles standardisées de l’Inf renvoie à une approche stratégique de prise en charge garantissant aux victimes un soutien psychologique ; un accompagnement social ; une prise en charge médicale ; une prise en charge psychologique et l’assistance juridique et judiciaire.
Elle se veut un processus qui permet à la victime de se remettre du traumatisme et de s’autonomiser. Elle intègre tout l’écosystème, c’est-à-dire la personne prise en charge et son environnement. “Dans cet écosystème, la victime est au centre de tout le processus de gestion de cas (accueil, mise en confiance, offre de services, prise de décisions, renforcement de capacités, réintégration sociale). L’approche centrée sur la victime crée de la valeur pour celle-ci en répondant à ses besoins et souhaits avec des produits et services adaptés“ mentionne le document des procédures opérationnelles standardisées de l’Inf.
Mais la disponibilité et l’accessibilité desdits services sont encore loin d’être une garantie. Des défis restent à relever…
Le certificat médical : le nœud gordien à dénouer
L’un des principaux obstacles souvent rencontrés dans le processus de prise en charge des victimes de Vbg au Bénin reste la délivrance du certificat médical. Des voix s’élèvent pour dénoncer les difficultés d’obtention de cet acte clé. Au cours de la table ronde sur la prise holistique des victimes de Vbg, organisée par la section béninoise de l’Alliance Droits et Santé en février 2025, plusieurs acteurs intervenant dans la lutte contre les Vbg ont à nouveau haussé le ton.
Pour le chargé de projet de l’Ong Famille Nutrition et Développement (FND) Bansouomou Rodrigue Mounana, l’obtention du certificat se révèle être un calvaire. « Sur le terrain il y a des blocages“ admet-il. Hermine Bokossa de EngenderHealth déplore également le fait et pointe du doigt la question du remboursement des frais de certificat médical aux spécialistes. « Dans la pratique, on s’est rendu compte que ça ne va pas » a-t-elle martelé.
Selon l’arrêté interministériel portant conditions de délivrance du certificat médical aux victimes de violences basées sur le genre du 8 juillet 2022 et qui définit les conditions de délivrance du certificat médical au profit des victimes de violences basées sur le genre dans les formations sanitaires publiques, il est précisé que «le coût du certificat médical est fixé à dix mille (f 0.000) francs CFA. Il est à la charge du Ministère de la Justice lorsque le médecin est réquisitionné par I’officier de police judicaire, le procureur ou le juge. Il est transmis au requérant sous pli fermé. En I’absence de toute réquisition, le certificat médical est payé par la victime et lui est remis en mains propres ».
Entre autres raisons justifiant les difficultés relatives à la délivrance du certificat médical, il est évoqué la faible couverture du territoire national en gynécologues obstétriciens. « Les collègues de la périphérie étaient réticents à prendre les victimes qu’ils envoyaient systématiquement au CIPeC/VBG. Ces dernières passaient des heures voire des jours avant d’être prises en charge, faute de gynécologue », confie Dr Guy Bio Yérima, Coordonnateur du CIPeC/VBG Cotonou, dans des propos rapportés par lechasseurinfos. Face à cette réalité, des acteurs de la société civile n’ont pas manqué de suggérer une implication des médecins généralistes. Toute chose qui requiert une formation au préalable de ceux-ci sur la prise en charge médicale des victimes de VBG, les différentes formes de l’hymen et ses différents aspects après agression, la rédaction du certificat médical et le mécanisme de remboursement des frais du certificat.
Cipec-Vbg : Faible couverture du territoire national
Outre la prévention et la répression, un accent particulier est mis, ces dernières années sur la prise en charge des victimes de violences basées sur le genre au Bénin. Alors que la prise du décret 2012-228 du 13 août 2012 portant création, composition, attributions et fonctionnement des centres intégrés départementaux de coordination pour la prise en charge des victimes et survivants des violences basées sur le genre est perçue telle une avancée majeure, la mise en œuvre bat malheureusement encore de l’aile.
Faut-il le préciser, les dispositions du décret stipulent la nécessité de doter chaque département du Bénin, d’un Centre intégré de prise en charge des victimes des violences basées sur le genre (Cipec-Vbg). Seulement, à ce jour, quatre (04) centres ont été mis en place à Cotonou, Abomey et Parakou et récemment celui de Dassa avec l’appui de la coopération belge. Et selon Dr Guy Bio Yerima, le CIPEC Cotonou est débordé. De 110 victimes en 2018 à 494 victimes en 2022, ce chiffre a donc passé le cap des 700 victimes en 2024. La conséquence est que chaque CIPEC se doit de couvrir une zone plus large tant le nombre reste encore limité. Ainsi, le CIPEC Parakou gère les départements de l’Atacora, de la Donga, du Borgou et de l’Alibori. Celui d’Abomey doit couvrir le Zou, le Momo et le Couffo. Le CIPEC de Cotonou quant à lui, reçoit toutes les victimes de l’Atlantique, du Littoral, de l’Ouémé et du Plateau. Par contre, le CIPEC de Dassa ne couvre que le département des Collines.
Si cette large couverture géographique affectée à chaque CIPEC impose à des victimes un long parcours avant d’accéder au centre le plus proche de son département de résidence, il urge de rapprocher lesdits centres des victimes. D’où la nécessité voire l’urgence de doter chaque département de son Cipec-Vbg.
Au cœur des interventions des Cipec-Vbg, une approche holistique de prise en charge des victimes. Contraintes autrefois de faire des aller et retour du commissariat de police au centre de santé sans oublier le centre social ou encore le tribunal, racontant à chaque étape la même histoire avec toutes les émotions y afférentes, les victimes de violences basées sur le genre ne sont plus soumises à cette réalité au Bénin. Désormais, le Bénin opte pour une approche visant à offrir aux victimes, sur un seul site, le parquet d’interventions en termes de prise en charge psychologique, sociale, médicale, juridique et judiciaire. Mais davantage d’efforts doivent être consentis pour une effectivité de la prise en charge holistique.
Entre autres obstacles, la formation des officiers de police judiciaire pour un meilleur accompagnement dans le processus de prise en charge des victimes de Vbg sans oublier la nécessité d’une synergie d’action entre les acteurs de la société civile et des structures étatiques impliquées dans le dispositif de prévention, de répression et de prise en charge des victimes ainsi que l’appui à l’autonomisation des filles et femmes via des formations qualifiantes.
Aziz BADAROU (Collaboration avec
Alliance Droits et Santé)
Selon les données statistiques du Sidoffe-NG, de 2020 à 2024, 58328 cas relatifs aux Violences basées sur le genre ont été pris en charge et 26 983 cas ont été reçus dans les structures de prise en charge avec à la clé, 7909 cas référés aux Officiers de police judiciaire ou au tribunal. 3871 cas ont été référés dans les formations sanitaires. Plus inquiétant, aucun département du pays n’est pas épargné et les statistiques à ce niveau préoccupent également. Sur la période de 2020 à 2024, selon les données du Sidoffe-NG, 3372 cas ont été recensés dans l’Alibori ; 3142 dans l’Atacora ; 6078 dans l’Atlantique ; 6392 dans le Borgou ; 5035 dans les Collines ; 4149 dans le Couffo ; 2393 dans la Donga ; 1504 dans le Littoral ; 4475 dans le Mono ; 7018 dans l’Ouémé ; 5289 dans le Plateau et 9590 dans le département du Zou.