Les paisibles prairies de Baisaran, souvent surnommées la « mini-Suisse » du Cachemire, se sont récemment transformées en un lieu d’horreur inimaginable lorsque des terroristes ont abattu 26 touristes innocents, dont un citoyen népalais. Cet attentat a secoué non seulement l’Inde, mais le monde entier.
Des survivants racontent des détails glaçants. Avant d’ouvrir le feu, les assaillants auraient exigé des victimes qu’elles récitent des versets islamiques ou, dans de nombreux cas, les auraient forcées à se déshabiller partiellement pour vérifier leur circoncision, identifiant ainsi clairement leur religion avant de les exécuter. Les touristes non musulmans ont été séparés et abattus sans pitié devant leurs familles, les tueurs ordonnant aux survivants de « prévenir Modi », en référence au Premier ministre indien.
Un groupe militant obscur, « La Force de Résistance » (TRF), connu comme une couverture de Lashkar-e-Taiba (LeT), une organisation terroriste désignée par l’ONU, a initialement revendiqué le massacre via son compte X (anciennement Twitter). Les autorités indiennes ont depuis publié les portraits de quatre hommes soupçonnés d’être à l’origine de l’attaque : Ali Bhai alias Talha, Asif Fauji, Adil Hussain Thoker et Ahsan. Deux d’entre eux, Ali Bhai et Asif Fauji, seraient des ressortissants pakistanais infiltrés en territoire indien.
Cette attaque brutale est la plus meurtrière visant des touristes au Cachemire depuis 2000. Historiquement, les groupes militants évitaient de s’en prendre aux touristes, conscients du rôle crucial de ce secteur dans l’économie du Cachemire. Cependant, cette fois, c’est le pilier même de l’économie du Cachemire qui a été délibérément touché.
La question demeure : pourquoi maintenant ?
Le tourisme au Jammu-et-Cachemire, la région administrée par l’Inde, a connu un essor extraordinaire au cours des dernières années. De 16 millions de touristes en 2018, le nombre est passé à plus de 23 millions en 2024. La contribution économique du tourisme au PIB de la région—estimée entre 223 et 255 millions de dollars par an—a constitué un pilier essentiel de la reprise post-COVID. À l’inverse, le Cachemire administré par le Pakistan s’effondre sous le poids de manifestations quotidiennes concernant des besoins fondamentaux comme la nourriture, l’électricité et les infrastructures. Ce contraste flagrant n’est pas passé inaperçu.
L’attaque semble viser le sabotage de la stabilité et la prospérité croissante du Cachemire sous gouvernance indienne, en perturbant le secteur touristique en plein essor.
Au-delà de la tragédie immédiate, l’attaque de Pahalgam s’inscrit dans un schéma plus large. L’objectif semble être d’instiller la peur, de déstabiliser la région et de provoquer une réaction tout en maintenant une dénégation plausible. Le moment est également critique, coïncidant avec une profonde crise interne au Pakistan.
Aujourd’hui, le Pakistan fait face à de graves défis existentiels. L’économie est paralysée, la direction politique est sans cap, et les mouvements séparatistes au Baloutchistan et au Khyber Pakhtunkhwa prennent de l’ampleur. Parallèlement, les politiques du Pakistan consistant à soutenir des groupes terroristes se retournent contre lui, avec des organisations comme Tehrik-i-Taliban Pakistan (TTP) et l’État islamique au Khorasan (ISKP) lançant des attaques sur le sol pakistanais.
Confronté à un effondrement intérieur, l’establishment militaire semble, comme par le passé, se tourner vers le Cachemire pour détourner l’attention et raviver un élan nationaliste. Historiquement, chaque période de tension entre civils et militaires au Pakistan a coïncidé avec une intensification des activités au Cachemire.
À cela s’ajoute le rôle du général Asim Munir, actuel chef de l’armée pakistanaise. Connu pour ses positions radicales, Munir a récemment réaffirmé l’engagement obsolète du Pakistan envers la « théorie des deux nations », qualifiant le Cachemire de « veine jugulaire » du Pakistan et appelant à l’endoctrinement des générations futures avec une idéologie islamiste. Sa rhétorique reflète les discours extrémistes et laisse présager un retour stratégique à l’aventurisme militant.
Ce positionnement idéologique ne se limite pas aux discours. Plus tôt cette année, une conférence à Rawalakot organisée par Lashkar-e-Taiba et Jaish-e-Mohammed a réuni des leaders du Hamas qui ont lié la « lutte » du Cachemire à la cause palestinienne, dans une tentative d’internationalisation et de radicalisation du conflit. L’un des intervenants a insisté sur la nécessité de mener en Inde des attaques similaires à celle du 7 octobre perpétrée par le Hamas.
Le Pakistan a assoupli ses réglementations en matière de lutte contre le terrorisme après avoir été retiré de la liste grise du GAFI en 2022. Un contrôle moins strict sur les madrassas et les flux financiers a redonné un souffle aux groupes terroristes, permettant aux efforts de radicalisation de prospérer sans réelle surveillance.
La réaction du Pakistan a été prévisible. Islamabad a rapidement qualifié l’attaque d’« opération sous fausse bannière » prétendument orchestrée par l’Inde elle-même. Cette accusation est totalement dénuée de sens : pourquoi le gouvernement indien, qui s’efforce de projeter une image de normalité au Cachemire et qui promeut activement le tourisme dans la région, entreprendrait-il une action qui compromettrait entièrement ces efforts ? D’autant plus qu’aucune élection n’est imminente. Cette accusation ne tient donc pas.
Il est intéressant de noter que The Resistance Front (TRF), qui avait revendiqué l’attentat sans hésitation, est ensuite revenu sur sa déclaration, affirmant, sous pression apparente, que son compte sur les réseaux sociaux avait été « piraté ». Ils ont également affirmé dans leur communiqué qu’il s’agissait d’une « opération sous fausse bannière », s’alignant ainsi sur la position officielle du Pakistan. Ce revirement brutal n’a fait que souligner la relation de marionnette que TRF entretient avec l’establishment pakistanais.
Cette attaque a déclenché une réaction sans précédent au Cachemire indien. Pour la première fois, des manifestations de masse contre le terrorisme ont éclaté, avec des habitants brandissant des drapeaux indiens et des commerçants fermant volontairement leurs boutiques en solidarité avec les victimes.
Le gouvernement indien a pris une série de mesures de représailles, notamment l’annulation de tous les visas délivrés aux ressortissants pakistanais, la réduction du personnel de l’ambassade du Pakistan à New Delhi, la fermeture de la frontière et la mise en suspens du traité des eaux de l’Indus (IWT). Le Pakistan a annoncé des mesures similaires, y compris la fermeture de son espace aérien aux compagnies aériennes commerciales indiennes. On s’attend à ce que l’Inde entreprenne une action militaire, au moins de manière ciblée, contre les infrastructures terroristes situées sur le territoire pakistanais dans les prochains jours. Cependant, étant donné que les deux pays sont des puissances nucléaires, la probabilité d’une guerre totale entre eux reste faible.