Michel Alokpo, vous êtes membre du Comité de pilotage de l’audit du fichier électoral, un comité mis en place il y a quelques mois seulement. Mais déjà, des bruits de bottes se font déjà entendre. Au cours d’une émission télévisée, vous avez porté les accusations publiquement contre la Commission de recrutement des experts. Pensez-vous qu’on devrait déjà en arriver là?
Je pense que c’est pour prévenir l’échec de l’audit en cours que je suis intervenu pour apporter quelques éclaircissements sur le processus de recrutement qui est en cours au sein du Copil. C’est que j’ai dénoncé des irrégularités graves et j’ai dénoncé quelques fraudes…En tant que rapporteur, j’ai décidé de ne pas signer le rapport parce qu’il y a eu des décisions qui ont été prises à mon absence, des décisions contraires aux critères d’éligibilité que nous nous sommes choisis et je me suis retiré pour le moment de ce comité…Et suite au dépôt de ma plainte à l’ARMP, l’Autorité de régulation des marchés publics, nous avons été invités ce matin (mercredi, 30 avril) pour que chacun clarifie ce qu’il est en train de reprocher aux autres membres du comité de pilotage, surtout du comité de recrutement des cadres techniques devant accompagner le comité de pilotage dans sa mission. Je crois que, sur la base des discussions que nous avons eues, il y a un terrain d’attente qui est en train de se dégager.
Le président de l’ARMP a fait le point des discussions que nous avons eues. Il est dans la dynamique d’un rapprochement entre les différents acteurs du comité de pilotage. Il est dans la dynamique d’apaiser les uns les autres, mais dans un cadre d’un compromis.
Il a demandé qu’on recherche le consensus. C’est ce qui me réjouit davantage… Donc, nous allons revoir le rapport qui a été soumis à l’approbation du superviseur.
Il y a beaucoup de hic dans ce rapport. Je ne vais pas revenir là-dessus. Nous allons corriger ce qu’il faut corriger et pour que la paix revienne en notre sein. Je profite vous dire que je ne négocie pas sans l’application des critères d’éligibilité que nous nous sommes choisis. Je ne suis pas dans la dynamique de frauder ou de valider un dossier flou, un dossier qui ne répond pas aux critères de sélection, mais nous allons trouver un compromis entre nous.
- Michel Alokpo, vous êtes déjà effectué une sortie médiatique. Vous avez même cité le Président de la Commission de recrutement, M. Moudachirou Bachabi. Vous avez déclaré, je cite : “Ils savaient qui allaient postuler. Le raccourcissement du délai vise à favoriser des amis déjà informés. Ne pensez-vous pas qu’il s’agit déjà des accusations suffisamment graves ?
Je n’accuse personne. J’ai souligné le fait que, après l’étude du dossier, c’est prévu dans la note de service qui a été signée par Jean-Baptiste Elias, qu’il y ait eu un entretien. C’est l’entretien qui va dégager le meilleur candidat. Nous l’avons eu à le faire pour le PRMP.
Nous avons fait l’étude du dossier. Nous sommes allés à l’entretien et le candidat qui a eu la forte note est sorti. Et c’est le même candidat qu’ils ont repris dans leur rapport. C’est pour tout ça que je dis que c’est une partie du rapport que nous allons remettre en cause pour reprendre le processus. Ce qui est mal fait doit être corrigé. Ce qui est bien fait, on le maintient. Et c’est là le compromis que je propose à mes amis et que nous avons tous apprécié. Je n’accuse personne. J’ai juste dit la vérité.
J’ai juste fait des remarques sur le processus en cours et j’ai demandé que la vérité soit dite et que nous puissions retrouver la paix entre nous. Et les uns et les autres sont d’accord qu’on se retrouve pour trouver un compromis et que les choses se passent selon les règles de l’art. Parce que je ne suis pas… Je suis pour la transparence et non pour valider le faux dossier qui a été soumis à l’appréciation des membres du Copil.
- Alokpo, nous allons toujours revenir par rapport à votre démarche. Est-ce que vous ne pensez pas en fait que l’idéal serait d’aller échanger d’abord avec le président Elias avant de porter ses accusations publiquement?
J’ai demandé aux membres du comité de recrutement à la première séance du 22 avril quand j’ai vu qu’il y a beaucoup de maldonnes, j’ai exigé que Elias Jean-Baptiste soit présent à la rencontre qui suit. Le 23, au moment où ils ont soumis le rapport, Jean-Baptiste Elias n’était pas là. Jean-Baptiste Elias est membre du comité de recrutement. Il est le superviseur. Mais pourquoi, en tant que superviseur, il n’est pas présent?
Est-ce que vous l’avez contacté pour faire part de ce que vous dénoncez?
Non, on n’a pas besoin de le contacter. C’est lui qui a convoqué la rencontre. C’est lui qui a signé la note du service qui invite les membres de recrutement à se réunir le 7 et le 11. Il est tenu d’être là et, surtout que son nom apparaît dans le rapport alors qu’il n’était pas là. Et voilà encore une autre irrégularité. Je n’ai pas besoin de le contacter. Je ne suis pas le président du comité de recrutement. Il y a eu maldonne. J’ai exigé que le superviseur vienne nous assister au cours de la séance qui suit, mais il n’est pas arrivé.
J’ai eu mes occupations. J’ai dit que je ne serais pas libre avant lundi. Le président du copil ou le superviseur m’aurait appelé pour dire qu’est-ce qui se passe ? Viens, on va se voir. Viens, le lundi…Il n’a pas fait. En tant que responsable, il doit le faire. Il n’a pas fait. Moi, je ne quémande pas un poste. Donc, j’étais clair…Donc, on est obligé de reprendre en partie ce qui est bon dans le rapport. Ce qui n’est pas bon, on l’éjecte.
- Alokpo, beaucoup se demande déjà pourquoi avoir fait l’option d’en parler déjà dans les médias alors que vous avez la possibilité de pouvoir saisir quand même des structures compétentes aux fins de faire annuler le processus en cours.
Merci, vous êtes gentil. L’ARMP est une des structures compétentes. L’ARMP n’est pas un tribunal…C’est dans le sens de nous réconcilier que j’ai saisi l’ARMP. Sinon, je pourrais saisir les tribunaux. J’ai dit, devant eux, aujourd’hui (mercredi), si on ne trouve pas de compromis, s’il n’y a pas consensus, je vais saisir la justice de droit commun pour que la justice soit dite.
Et ceux qui ont été sélectionnés premiers qu’on a recalé peuvent saisir la justice également. Puisque les critères d’élimination opposés à ce monsieur ne figurent pas dans les critères d’éligibilité des cas qu’on a proposés. Et voilà, je suis dans mes droits d’aller sur les réseaux sociaux pour opiner, pour alerter…Maintenant qu’on est en train de trouver une porte de sortie, je crois qu’on va s’assoir, on va discuter, on va trouver la porte de sortie.
De la séance avec l’ARMP, que doit-on retenir finalement ?
Pour couper court, nous devons nous revoir et trouver un compromis entre nous et que toute décision qui sera prise soit dans un esprit de consensus…Et je pense que comme je l’ai dit, le processus en partie va être repris. Il va être repris. Et nous allons donner la chance à qui a eu la chance d’être positionnés.
Est-ce que le Président du Copil, Jean-Baptiste Elias était présent à la séance avec l’ARMP ?
Il était présent. Il ne peut que défendre ses collègues. Il était présent. J’avais fait quelques remarques sur certains dossiers. Mais il n’a pas eu le courage de justifier ces dossiers, par exemple, des procès-verbaux qui ont été élaborés qui n’ont jamais été validés ni par le secrétaire ni par le Président, mais on se trouve où? J’ai dénoncé cela. Alors, je pense que la vérité, elle est amère. Elle est amère, il faut la dire.
N’avez-vous pas l’impression de vous retrouver seul contre tous ?
On est toujours dans la majorité même si on est un, on est avec Dieu. Quand tu es un avec Dieu, tu es toujours dans la majorité.
- Alokpo, vous êtes également membre du Cadre de concertation des confessions religieuses. Vous avez été reçu récemment par le chef de l’État. Vous avez sûrement échangé autour de la question de la relecture du Code électoral. Dites-nous qu’est-ce qu’on peut retenir concrètement à cet effet ?
Nous n’avons pas opiné sur la relecture du Code électoral…Parce qu’il sait qu’on a fait un plaidoyer pour la relecture du Code électoral dans le passé… il a souhaité qu’on ait une autre séance pour faire le débat sur la relecture du Code électoral…Nous avons dit ce que nous pensons. Laissons le politique gérer selon ce qu’il pense de la relecture du Code électoral. Mais nous pensons que cette relecture du code électoral…peut nous éviter le chaos en 2026. Mais nous, on s’arrête là. On ne peut pas imposer au chef de l’État de procéder à la relecture du Code électoral.
Il est premier magistrat. C’est lui qui détient le pouvoir. Tout le pouvoir lui appartient.
Donc, nous ne pouvons pas lui forcer la main…Je pense que tout ce qu’il faut pour nous en tant que confessions religieuses, c’est de prier pour que le peuple béninois ait la conscience et de faire un meilleur choix par rapport aux élections qui s’annoncent, que l’argent ne prime pas sur les valeurs éthiques. Voilà, c’est ce que nous pensons sur le Code électoral.
On n’en a pas débattu. J’y ai refusé. Mais le chef d’État a pris acte de toutes nos doléances et il va essayer dans la mesure du possible de répondre à nos préoccupations.
Les élections générales de 2026 sont imminentes, comment entrevoyez-vous l’ambiance électorale?
Je pense que parmi les doléances que nous avons fait au chef de l’État, nous avons prévu organiser un séminaire sur la contribution des confessions religieuses pour des élections transparentes, crédibles et libres en 2026. Et nous avons rappelé au chef de l’État qu’en 2005, c’est le séminaire de ce genre lancé par le gouvernement du feu Mathieu Kérékou, qui nous a permis de mettre en place le cadre de constatation des confessions religieuses et nous avons joué un rôle important, un rôle de sensibilisation, un rôle de conscientisation des peuples.
Nous avons élaboré le profil du candidat aux élections en 2005 en 2006. Nous l’avons fait à toutes les élections qui se sont succédées après. En 2016, nous l’avons fait en 2020.
Nous pensons que cette fois-ci nous allons être plus actifs. Et le chef de l’État est prêt à nous accompagner dans cet élan de crédibiliser les élections…
Nous avons demandé à la CENA de nous donner des badges pour être observateurs sur toutes les tendances du territoire national pour que nous puissions encadrer pour voir là où il y a des fraudes, que nous puissions les dénoncer et nous voulons que ces élections soient une fête et pour le bonheur de toute la population béninoise. Nous ne voulons pas qu’il y ait des élections comme en 2019 où il y a eu des morts. Nous ne voulons pas qu’il y ait des élections de 2021 qu’on a connues avec beaucoup de fraude…
Un message à lancer ?
Je veux le dire, je ne suis pas leur ennemi, nous sommes des amis. Je suis un citoyen comme eux, de considérer que ce que je dis c’est pour éviter…Il faut que le recrutement s’inscrit sur les valeurs, les critères que nous allons retenir…Je suis en paix avec eux.
Je ne suis pas un adversaire, je ne suis pas un ennemi. Je ne veux pas les abattre non plus, qu’ils reviennent à la normale…S’ils sont pour le consensus, je suis prêt.
Réalisation : Aziz BADAROU