(Une opinion du Dr Elvis Abou)
06 avril 2016 – 06 avril 2025 ; cela fait exactement 09 ans que notre pays a entrepris sa nouvelle marche sous la gouvernance de la rupture. L’heure des grands bilans n’est pas encore venue. Mais pour celui qui veut être porté en triomphe à la fin de son mandat, il est temps de porter la lumière sur quelques silences du peuple.
Il est indéniable que le Bénin a fait du chemin. Les infrastructures et plusieurs réformes ont pris corps et portent la marque et le goût du Président de la République. La beauté de la plupart des réalisations n’a d’égal que l’élégance même du Chef. Le Centre Hospitalier International de Calavi, le C.H.I.C, porte vraiment son nom. Il est tout simplement chic. L’Amazone dressée majestueusement à Cotonou a refait le visage de la ville et a repositionné la vitrine du Bénin comme l’une des villes les plus visitées en Afrique de l’Ouest. Presque tout le pays est en chantier à tel point que le béninois lambda est devenu familier au terme technique de l’asphaltage. Les réformes dans l’administration portent leur fruit. Désormais, en un seul clic on peut avoir par exemple son passeport ou se faire établir son casier judiciaire en 24h. Que dire alors des belles fresques qui en ajoutent à la beauté artistique de Cotonou.
Reconnaissons-le ! Notre Président aime le beau et la classe. Il est racé et son élégance transparait dans ses réalisations.
Malheureusement, toute cette débauche d’élégance ne suffira pas pour lui assurer un sommeil tranquille alors qu’il aborde la dernière ligne droite de son mandat. Il n’y a rien de plus tumultueux pour un chef que la fin d’un règne. Dans ce dernier couloir vers la fin, les masques tomberont un à un. Les loups restés longtemps tapis dans les habits d’agneaux commenceront à manifester leur inconfort. Alors le chef découvrira avec stupeur qu’il mangeait avec des monstres. C’est en ces temps là que le chef se demandera qui il faut craindre le plus : les faux amis qui passent leur temps à le flatter ou les vrais ennemis difficiles à discerner.
Mais le dernier virage vers la fin est surtout périlleux à cause des voix du silence : la voix de ceux qui ne parlaient pas, la voix des brimés, la voix du peuple, seul détenteur du pouvoir que le chef exerce. Le peuple commencera a parlé. Le peuple finira par parler pour demander des comptes. Le chef sera alors seul face à la dure réalité de l’employé qui doit rendre compte à son employeur. Le chef découvrira la face impassible et implacable de son employeur qu’est le peuple. En ces moments de vérité face au peuple, le C.H.I.C a beau être chic, il ne parlera pas en faveur du chef. L’Amazone a beau être majestueuse, son ombre ne couvrira pas la nudité du chef.
Le salut est possible. Mais le chef ne se sauvera pas en multipliant les discours et les menaces ou en élevant les murs. Le seul chemin du salut réside dans l’écoute des silences du peuple.
Contrairement à ce qu’il a pu dire dans son adresse sur l’état de la nation le 20 décembre 2024, le chef gagnerait à s’arrêter pour écouter et déchiffrer les supplications, les râlements et les menaces diffuses. Ces supplications et ces râlements portent la voix du silence du peuple. L’élégance et la classe du Président de la République sont incompatibles avec le refus de l’écoute de ces plaintes. L’écoute dans l’humilité est le seul chemin qui puisse lui assurer un sommeil tranquille et un triomphe final.
Elvis ABOU
Sociologue
elvisabou@gmail.com