C’est par ces temps de forte fraicheur et de vent glacial en Ile-de-France, que j’emprunte RER puis tramway pour rendre visite à ce jeune artiste béninois installé en France depuis 2018. Il s’appelle Schadrac Aïsso.

Diplômé de la prestigieuse école « Les Compagnons du Devoir » et spécialisé en ferronnerie d’art, artiste-plasticien, sculpteur métallique, Schadrac Aïsso met en œuvre, depuis plusieurs années, des projets sculpturaux de petites et grandes dimensions en métal. Très renommé au Bénin, il y a régulièrement prouvé son talent et son savoir-faire hérité de son père, à travers plusieurs œuvres présentées à de nombreuses expositions, mais aussi grâce à des prestations de travaux métalliques au profit de clientèles réputées exigeantes.

Je le retrouve donc ce mardi du mois de février, au nord de Paris, dans les locaux imposants du centre de formation et d’apprentissage en BTP (CFA-BTP) de Saint-Denis. C’est l’une des sept antennes de cette association régionale de l’Ile-de-France qui, depuis 1970, développe des espaces modernes d’apprentissage, offrant aux jeunes « un large éventail de formations pour répondre à toutes les aspirations professionnelles ». Et grâce à l’alternance entre formation et entreprise, les apprentis acquièrent « des savoirs et des compétences solides pour obtenir un diplôme et s’insérer durablement dans le monde du travail ».

Et voici trois décennies que le site de Saint-Denis existe et accomplit cette œuvre salutaire pour la formation de la jeunesse. Placée actuellement sous la direction de Matthieu Pon, l’institution accueille et accompagne des jeunes gens ayant quitté la scolarité régulière pour un cursus de formations diplômantes dans des métiers pratiques et techniques comme la plomberie, l’électricité, la peinture, la menuiserie, le gros-œuvre, la maçonnerie ou la métallerie. C’est justement à l’atelier de métallerie, dirigé par Schadrac Aïsso que me conduit Serge Adelbrecht, responsable à la communication du site. Schadrac est enseignant-formateur ici depuis mai 2024, suite à une sélection rigoureuse faite sur dossier. Lunettes spéciales et casque de soudage au front, les mains enfouies dans deux gants de cuir sombres, «Shado» (comme je l’appelle familièrement) m’accueille avec une joie explosive, dans une longue accolade, marquée par quelques salamalecs en fongbé (langue du Bénin). Il est entouré d’une dizaine d’apprentis très attentifs. Pédagogue, méthodique et fier, il dit « leur enseigner l’art de traiter le métal et la maitrise des différentes techniques pour travailler la matière » : comment couper, souder, tordre, redresser, percer, fondre ou amincir le métal, pour en tirer des objets utiles dans la vie de tous les jours, dans la construction de bâtiments ou ailleurs. Et pour cela, l’atelier est bien doté en acier, inox et aluminium. Des outils de pointe et des machines programmables (presse plieuse, cisaille guillotine, cintreuse) y côtoient des postes à souder pour des rendus de haute qualité et des finitions parfaites.

Nous sommes ensuite rejoints à l’atelier par une délégation de la chambre ivoirienne des métiers et de l’artisanat, conduite par la franco-béninoise, Généreuse Quenum, déléguée générale de l’association française Emploi Mission Action (EMA). Elle aussi est une identité remarquable : titulaire d’un double master en psychologie du travail, ingénierie et conseil en formation, elle a travaillé pendant plus de 10 ans dans deux groupements patronaux du Mouvement des entreprises de France (MEDEF). A travers plusieurs missions d’accompagnement des entreprises dans divers domaines, elle a su développer ses compétences à l’international, notamment en Côte d’Ivoire.  Et c’est à juste titre qu’elle a organisé au profit de cette délégation ivoirienne, des visites d’entreprises et de CFA en Ile-de-France, pour leur permettre de scruter, observer et s’inspirer des méthodes d’apprentissage et de formation technique mises en place ici. Arrivés donc à la métallerie, chez Schadrac Aïsso, les visiteurs ivoiriens avaient des étoiles plein les yeux et des questions à fleur de langue. L’artiste explique le sens et la portée de son travail et la séquence s’achève en applaudissements.

Un peu plus tard, le maitre métallier conduit ses élèves en classe, face au tableau, pour des notions de mathématiques, de géométrie et de physique, mais aussi pour « la transmission de compétences sur la gestion d’entreprise, l’innovation, l’initiation aux machines modernes », précise-t-il.

C’est déjà l’heure du déjeuner. Schadrac m’invite à déguster en même temps que ses collègues formateurs, une bonne assiette de riz avec un bol de poulet croustillant et charnu. Quelques blagues et plaisanteries, des éclats de rire, une limonade, un café et hop ! C’est le départ !

Je quitte le CFA BTP de Saint-Denis, heureux et fier, convaincu que Schadrac Aïsso y défend dignement les couleurs du Bénin grâce à son talent, ses compétences et son travail acharné. En me raccompagnant, il évoque l’espoir de voir le Bénin se doter un jour « d’un cadre adéquat et propice à l’apprentissage des métiers », à l’instar des CFA-BTP, avec « des formateurs compétents, des modules adaptés et des outils de pointe ». C’est en tout cas le rêve de Schadrac Aïsso pour son pays d’origine.

Par Sergent Markus T. Djaho

(depuis la France)

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici