La situation politique au Bénin depuis 2016 est marquée par des inquiétudes croissantes quant au respect des droits politiques. La récente sortie de Patrice Talon, mettant déjà son dauphin dans la peau de son successeur, renforce les interrogations sur la transparence des futures élections et leurs implications sur la gouvernance démocratique.
Optimiste béat ! C’est le sentiment qui caractérise désormais le Chef de l’État, à chacune de ses sorties médiatiques relatives notamment à sa succession. La dernière en date est son interview accordée à Jeune Afrique et dans laquelle, l’actuel locataire de la Marina est entre autres, revenu sur son dauphin. « Le prochain président du Bénin sera mon président, celui de mon pays, de ma famille, de ma communauté et de tout ce qui m’est cher. Il est évident que je serai attentif à ce qu’il n’ait pas pour projet de déconstruire les réformes que nous aurons accomplies en dix ans grâce aux efforts et aux sacrifices de tous les Béninois. Mon choix, mon action et mes prières seront orientés vers le meilleur des candidats », a-t-il argué. De ses propos, il faut, sans ambiguïté, retenir que Patrice Talon affiche une totale certitude quant au fait que son successeur ne provienne d’un autre bord politique, que le sien. Tellement convaincu, il n’a ainsi aucune réserve à l’affirmer.
Sur quoi compte Patrice Talon ?
À l’ère du renouveau démocratique, les béninois dans une élection transparente et inclusive n’ont jamais admis qu’il leur soit imposé un dauphin. Il n’est donc plus nécessaire de rappeler que depuis 1991, un parti au pouvoir n’a réussi, quel que soit son bilan, à rempiler à la tête du pays, à travers un successeur désigné. L’on pourrait ainsi se demander sur quoi se fonde cet optimisme de Patrice Talon chaque fois qu’il s’agit de son dauphin. Mieux, le Chef de l’État affirme au cours du même entretien qu’il retardera son choix le plus tard possible, afin de ne pas perturber inutilement l’action gouvernementale. Alors que le Bénin est à un an des échéances, continuer de faire table rase sur le candidat de la mouvance conforte davantage cette certitude du Chef de l’Etat. Autrement, même si le Chef de l’État désigne son candidat à quelques jours du dépôt des candidatures sachant l’imprévisibilité parfois des électeurs dans les urnes, celui-là qui n’aura même pas le temps nécessaire de se faire découvrir par les béninois comme ce fut le cas de Patrice Talon lui-même, passera haut les mains.
Des signes annonciateurs…
Quand on suit beaucoup d’observateurs internationaux, on se rend compte, à tort ou à raison, que le pays fait face depuis quelques années à une concentration du pouvoir. Laquelle fait dire à certains que la démocratie béninoise a perdu de plumes. L’absence curieuse et les quiproquos toujours autour de la participation de l’opposition aux élections depuis 2016 renforcent, bon gré mal gré, cette thèse qui n’a auparavant jamais caractérisé le pays. Déjà que cette centralisation ne se limite pas à la désignation d’un dauphin, mais s’accompagne de réformes politiques qui diminuent la pluralité politique, cette opposition éprouve désormais des difficultés à organiser des événements et meetings. Ce qui crée un environnement hostile et nuit au débat démocratique, aggravant le fossé entre les dirigeants et les citoyens. Pis, les préoccupations autour du code électoral actuel, qui n’est pas revu, alimentent la méfiance envers le processus électoral, suggérant une manipulation des élections futurs, au profit du pouvoir en place. Si la Société civile et l’opposition alertent sur le risque de désengager les électeurs et de compromettre la légitimité des élections, rien n’est envisageable pour pallier ces doutes pourtant fondés. Curieusement, tous ces cas proches et isolés dressent le lit au dauphin du Chef de l’Etat devant qui, un boulevard semble s’ériger pour 2026. Est-ce pour toutes ces imperfections notoires qui n’arrangent que le candidat du pouvoir que le Chef de l’État est-il si confiant quant à son dauphin ? Énigme !
J.G