(Des statistiques davantage inquiétantes)
La lutte contre les violences basées sur le genre focalise les attentions au Bénin ces dernières années. Toutefois, il se révèle des violences “à peine perceptibles“ dont sont victimes les femmes : les violences psychologiques. Malgré les efforts consentis par les gouvernants et la société civile, les statistiques renseignées sur les violences psychologiques restent davantage inquiétantes et montrent qu’elles restent les violences les plus récurrentes, subies par les femmes…
“Mon mari n’a jamais levé la main sur moi mais il ne manque aucune occasion de me torturer moralement. A la moindre dispute, il me rappelle d’où je viens bref, des propos vraiment dévalorisants…Je reste parfois pensive des heures durant et je déprime…Je pense que c’est pire qu’une violence physique“ témoigne Alida (nom d’emprunt), la trentaine environ et mère de trois enfants. Celle qui rejoignait son mari, il y a une dizaine d’années, ne pouvait s’imaginer faire face à une telle situation traumatisante. “C’est un enseignant au collège et je me suis dit qu’il devrait avoir beaucoup de respect pour la femme“, laisse-t-elle entendre, désespérée mais pour ses enfants, elle se dite prête à continuer à subir.
Dame Valérie, la trentaine également, a renoncé à son mariage, il y a bientôt deux ans. En cause, des insultes et humiliations de la part de son conjoint. “Il arrivait même qu’il me dise qu’à peine mes parents s’offrent trois repas par jour ou qu’il me compare à la femme de son frère…Le jour où il m’a dit qu’il ne sait à quoi je sers dans sa vie, j’ai décidé de partir mais je continue de passer voir mes enfants. J’ai souffert des années durant en silence et dans une indifférence totale sous mon toit conjugal“ témoigne-t-elle avant de souligner qu’en réalité les femmes victimes de violences basées sur le genre ne sont pas que les femmes battues.
Elles sont de plus en plus nombreuses, ces femmes victimes de violences psychologiques mais il se révèle que ces violences sont à peine “perceptibles“. Elles affectent les victimes et pourraient avoir des conséquences dévastatrices voire irréversibles sur ces dernières.
Selon l’Observatoire de la famille, de la femme et de l’enfant (Offe), les violences psychologiques se définissent comme étant le fait de soumettre toute personne à des agissements ou paroles répétées ayant pour objet ou pour effet, une dégradation des conditions de vie susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité […]. “C’est aussi un acte ou une négligence portant préjudice à la stabilité psychique, un abandon, une inattention réitérée, une jalousie excessive, des insultes et humiliations, une dévalorisation, une marginalisation, un manque d’affection, des comparaisons destructives […], autant de situations pouvant amener la victime à sombrer dans la dépression, à s’isoler, à perdre l’estime de soi, voire se suicider“ clarifie Dr. Nassirou Kassoumou Hararou, Directeur de l’Observatoire.
Des statistiques inquiétantes
Selon les données du Système intégré des données relatives à la famille, la femme et l’enfant-Nouvelle Génération (Sidoffe-NG), de janvier 2020 à septembre 2023, 94001 cas de violences basées sur le genre ont été recensés et pris en charge et 86,17% des victimes sont des femmes et filles.
Plus inquiétant, les violences psychologies se révèlent être la forme majeure de manifestation des Violences basées sur genres soit 47,06 % de cas recensés contre 15,71% de violences physiques et 12% de violences économiques. “ Les violences psychologiques avec 44235 cas (47,06%) restent pour les cas reçus et pris en charge, la forme majeure de manifestation des VBG dans les 12 départements du Bénin“ renseigne une communication du Directeur de l’Offe. Et seulement en 2023, 11 425 cas (plus de 18 ans) de violences psychologiques ont été recensés avec plus de 1000 cas dans chacun des départements de l’Atlantique, du Mono et de l’Ouémé. Et du 1er janvier au 30 juin 2024, 4253 cas (plus de 18 ans) ont été enregistrés et 874 cas de moins de 18 ans.
Faisant une analyse des données statistiques, Dr. Nassirou Kassoumou Hararou note un recul des formes de violences pour lesquelles des actions de lutte soutenues ont été menées (violences physiques et sexuelles notamment) mais déplore une hausse des cas de violences psychologiques pris en charge.
Le nombre de victimes des violences basées sur le genre notamment des violences psychologiques reste davantage inquiétant ces dernières années au Bénin. Et ceci, malgré l’arsenal juridique dont s’est doté le pays pour prévenir et réprimer le fléau. De la loi n°2011-26 du 9 janvier 2012 sur la prévention et l’interdiction de la violence contre les femmes, couvrant la violence domestique et le viol conjugal, le harcèlement sexuel, la prostitution forcée, le mariage forcé, les crimes d’honneur, les mutilations génitales féminines et autres pratiques néfastes à la loi N°2021 – 11 du 20 décembre 2021 portant dispositions spéciales de répression des infractions commises à raison du sexe des personnes et de protection de la femme, le cadre légal semble pourtant bien approprié pour une éradication des Violences basées sur le genre au Bénin.
Aziz BADAROU (Collaboration avec l’Alliance Droits et Santé)