À Donwari Peul, l’impossibilité du mariage des enfants induit un changement positif dans cette communauté. Grâce aux Comités de veille villageois (Cvv) qui luttent contre le mariage précoce en sensibilisant et en soutenant l’éducation des filles, de nombreux villages de cette région sont désormais certifiés exempts de mariages d’enfants.

 Après avoir négocié avec les parents de la fille, nous sommes allés voir l’Imam de notre village de Donwari Peul. Il nous a demandés d’apporter les actes de naissance des enfants. Nous les avons apportés. Mon enfant avait 20 ans, la fille avait moins de 18 ans. L’Imam n’a pas célébré le mariage. Il m’a expliqué que selon la loi, qu’il ne pourra pas célébrer ce mariage-là. Alors que nous avions déjà apprêté tout ce qui était nécessaire pour le mariage. Nous avions préparé, nous avions tout fait et ça ne restait que la célébration », se remémore avec amertume, Gorobélou Addou. Sexagénaire, ce père de famille originaire de Donwari Peul, un village situé dans l’arrondissement de Donwari, Commune de Kandi (Alibori), n’a pas ainsi, comme il l’extériorise, réussi à faire marier son jeune garçon à une fille mineure. Comme ce cas l’exprime, au Bénin, selon les résultats provisoires de l’Enquête par Grappes à Indicateurs Multiples (Mics 2021), parmi les femmes âgées de 20 à 24 ans, une fille sur dix entre en union avant d’avoir 15 ans et trois sur dix avant l’âge de 18 ans. Selon la même source, le taux du mariage d’enfants est plus élevé dans les départements du Borgou et de l’Alibori. Dans le Borgou, il est de 33,2% contre 40% en 2014, tandis que dans l’Alibori, ce taux est de 36,6% contre 53% en 2014. Si cette pratique de mariage précoce consenti ou forcé a souvent été la chose la mieux partagée à Kandi et dans bien d’autres régions du pays, depuis quelques années, les habitudes changent.  L’Imam, autrefois au cœur de cette violation flagrante des droits des enfants n’est plus emballé dans les attraits des familles qui elles, tentent vaille que vaille de célébrer ces mariages lactescents, avec des filles ou garçons communément mineurs.

Les Cvv, pour renverser la tendance…

À la base de ce retournement de situation qui s’observe depuis quelques années dans cette communauté et qui met à nu toute velléité de mariage précoce ou forcé, l’avènement des Comités de veille villageois (Cvv). Né de « Cash plus Care », un programme du gouvernement béninois soutenu par l’Unicef et mis en œuvre par Dedras Ong et Educo, il s’agit d’une dynamique communautaire innovante qui regroupe toutes les composantes de chaque village. Ces composantes sont généralement de sept membres dont le délégué comme premier responsable du village et en même temps président du comité de veille, le relais communautaire qui généralement font office de secrétaire au niveau du comité de veille, l’Imam du village, le représentant des jeunes, une représentante des femmes. Ces Cvv jouent un rôle central en sensibilisant la population, en effectuant des formations sur les droits des enfants, et en surveillant les cas de mariages précoces. Ces comités, soutenus par des ressources éducatives, mènent également des campagnes et des ateliers pour promouvoir l’éducation des filles et les effets néfastes du mariage précoce. « Ces Cvv sont formés. Leurs capacités sont continuellement renforcées par les facilitateurs et après, ils font des sensibilisations, ils tiennent des rencontres mensuelles au cours desquelles ils échangent sur les difficultés qu’ils ont rencontrées ou qu’ils remontent. Ils font le référencement des cas, ils ont été suffisamment formés sur les différents mécanismes de référencement. Donc, ils font les référencements des cas vers les centres de prise en charge et on suit aussi en tant qu’Ong, la prise en charge des cas avec eux. Au niveau scolaire, on a les mécanismes de veille scolaire aussi où il y a des enseignants coachs, l’association des parents d’élèves ou l’association des mères, des élèves », renseigne Caleb Ichola, Directeur du projet Cash and Care Kandi. À Donwari Peul, c’est cette dynamique positive qui s’observe, renforçant ainsi l’engagement communautaire dans cette lutte et débouchant sur ces cas de mariages forcés et précoces déjoués. A en croire Brice Cakpo Codjo, chargé de protection de l’enfant à l’Unicef, des statistiques récentes soulignent que 31% des filles au Bénin sont mariées avant 18 ans, avec des taux particulièrement élevés dans les départements du Borgou et de l’Alibori. « En réponse à cela, le gouvernement et l’Unicef ont lancé la campagne Tolérance Zéro au mariage d’enfants. Le programme Cash Plus Care dans le village de Donwari Peul Commune de Kandi, vise donc à lutter contre le mariage des enfants grâce à des transferts monétaires pour maintenir les filles à l’école et promouvoir leur bien-être », va-t-il indiquer.

Place à l’optimisme… 

Malgré les progrès notés dans la lutte contre le mariage d’enfants dans ces deux régions, beaucoup de défis restent à relever pour donner plus de chance aux filles pour leur bien-être. « Donwari Peul fait partie d’un village modèle où on a noté un fort engagement de la communauté, une bonne dynamique pour cette lutte et qui nous fait aujourd’hui honneur à travers le témoignage de tout ce qui a été fait depuis que ce programme est en train d’être déroulé. Et dans leurs interventions, il y a un volet communautaire à travers les Cvv. Ici et au sein de ces communautés, comme ils l’ont bien dit, on retrouve les grandes composantes du village, les leaders d’opinion et les femmes, les jeunes, pour pouvoir en faire une lutte commune », renseigne à nouveau Brice Cakpo Codjo. Après deux ans de mise en œuvre, des résultats probants sont à toucher du doigt. Des mariages d’enfants sont ainsi facilement déjoués avec une approche qui fait ainsi cas d’école. Au terme de ce processus, le Chargé de protection de l’enfant à l’Unicef se sent fier d’indiquer que sur les 46 villages qui ont été évalués sur le dernier volet, 44 ont été certifiés zéro mariage d’enfants. Cela vient conforter, dit-il, les efforts de tout le monde. « Mais la lutte continue parce qu’on va faire en sorte qu’il n’y ait plus du tout de cas de mariage d’enfants, qu’il n’y ait plus de violences faites aux enfants au niveau des communautés, que les enfants, les filles puissent vraiment aller à l’école et contribuer véritablement au développement », promet-il. Et pour y arriver, Unicef a tout prévu. Avec son bras opérationnel dans la Commune, Dedras Ong, le champ s’élargit. D’après Caleb Ichola, après certification de 36 villages en deux ans avec l’Ong Autre Vie, Dedras Ong est venue et avait pour objectif de conduire les autres villages restants, c’est-à-dire 46 autres villages vers la certification. « À l’issue du processus, on peut quand même rendre grâce à Dieu. Il y a eu 44 villages qui ont pu être certifiés. Donc aujourd’hui Kandi compte 80 villages sur 82 certifiés exempts de mariages d’enfants », se réjouit-il.

Autre vie, autre mœurs…

Avec presque tous les villages de Kandi certifiés exempts de mariage d’enfants, c’est toute la communauté qui se voit emballée dans cette dynamique communautaire. Après le mariage précoce de son fils déjoué, Gorobélou Addou s’est à son tour engagé dans cette initiative salutaire. « Depuis qu’on m’a expliqué que le mariage n’était pas possible, je me suis engagé à sensibiliser mes proches et la communauté, sur les conséquences de cette pratique », va-t-il annoncer. Malgré ces réussites, il reste encore des défis à relever pour garantir l’éducation des filles et éradiquer les cas de mariages forcés et précoces. Il est donc important de continuer à sensibiliser et former les communautés pour maintenir les progrès réalisés et garantir un avenir meilleur pour les filles au Bénin.

Janvier GBEDO, avec le soutien

de l’Unicef

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