La lutte contre les Violences basées sur le genre (Vbg) se révèle être une préoccupation majeure des gouvernants et de la société civile au Bénin. Si l’on peut se targuer d’un arsenal juridique et institutionnel renforcé pour faire reculer le fléau, des défis persistent. Alors que jusque-là, la répression focalise les attentions, la prise en charge des victimes est devenue une impérieuse nécessité, une préoccupation majeure ces dernières années. Et la mise en place des Centres intégrés de prise en charge des victimes et de survivants(es) de violences basées sur le genre (CIPEC-VBG) doit s’étendre à tous les départements du Bénin pour ne laisser personne de côté…
Le nombre de victimes des violences basées sur le genre reste davantage inquiétant ces dernières années au Bénin. Et ceci, malgré l’arsenal juridique dont s’est doté le pays pour prévenir et réprimer le fléau. De la loi n°2011-26 du 9 janvier 2012 sur la prévention et l’interdiction de la violence contre les femmes, couvrant la violence domestique et le viol conjugal, le harcèlement sexuel, la prostitution forcée, le mariage forcé, les crimes d’honneur, les mutilations génitales féminines et autres pratiques néfastes à la loi N°2021 – 11 du 20 décembre 2021 portant dispositions spéciales de répression des infractions commises à raison du sexe des personnes et de protection de la femme, le cadre légal semble bien approprié pour une éradication des Violences basées sur le genre au Bénin. Seulement, les données statistiques laissent encore perplexes.
De 2020 à 2023, 58 469 cas relatifs aux violences basées sur le genre ont été recensés, selon l’Observatoire de la femme, de la famille et de l’enfant (Offe) à travers son Système intégré des données relatives à la famille, la femme et l’enfant-Nouvelle Génération (Sidoffe-NG). La présente plateforme web dynamique pour la production, le traitement et la diffusion des données statistiques de l’action sociale au Bénin, renseigne qu’en 2020, 13 465 cas ont été recensés ; 12 120 en 2021 ; 16 261 en 2022 ; 16 623 en 2023 et 19421 à fin octobre 2024. Des données démontrant l’ampleur des VBG au Bénin.
Plus inquiétant, aucun département du pays n’est pas épargné et les statistiques à ce niveau préoccupent également. Sur la période de 2020 à 2024, selon les données du Sidoffe-NG, 3372 cas ont été recensés dans l’Alibori ; 3142 dans l’Atacora ; 6078 dans l’Atlantique ; 6392 dans le Borgou ; 5035 dans les Collines ; 4149 dans le Couffo ; 2393 dans la Donga ; 1504 dans le Littoral ; 4475 dans le Mono ; 7018 dans l’Ouémé ; 5289 dans le Plateau et 9590 dans le département du Zou. Pour le Directeur général de cet observatoire, Dr. Nassirou Kassoumou Hararou, la hausse du nombre de cas de VBG n’est pas forcément synonyme du fait que le fléau prenne davantage d’ampleur mais résulte d’une convergence des efforts ayant conduit à une augmentation du signalisation des cas de VBG enregistrés dans les structures de prise en charge. Il est donc évident que les dénonciations suivent désormais et les cibles (victimes) sont de plus en plus informées des voies de recours et des dispositions légales garantissant leur protection mais surtout leur prise en charge.
Des efforts de prise en charge des victimes…
Outre la répression des Violences basées sur le genre, les gouvernants béninois ont compris la nécessité de mettre en place un mécanisme de prise en charge des victimes. Conformément au décret 2012-228 du 13 août 2012 portant création, composition, attributions et fonctionnement des centres intégrés départementaux de coordination pour la prise en charge des victimes et survivants des violences basées sur le genre, le gouvernement a procédé à la mise en place des Centres intégrés de prise en charge des victimes et de survivants(es) de violences basées sur le genre (CIPEC-VBG). Et depuis, des efforts énormes sont consentis pour assurer une prise en charge effective des victimes de VBG au Bénin.
Selon les données statistiques du Sidoffe-NG, de 2020 à 2024, 58328 cas relatifs aux Violences basées sur le genre ont été pris en charge et 26 983 cas ont été reçus dans les structures de prise en charge avec à la clé, 7909 cas référés aux Officiers de police judiciaire ou au tribunal. 3871 cas ont été référés dans les formations sanitaires. Les lignes bougent visiblement.
Seulement, à ce jour, quatre (04) centres intégrés de prise en charge des victimes et survivants(es) de VBG ont été mis en place à Cotonou, Abomey et Parakou et récemment celui de Dassa avec l’appui de la coopération belge. Alors que le décret stipule qu’il est créé « dans chaque Centre Hospitalier Départemental (CHD), un centre dénommé ‘’Centre intégré Départemental de Coordination pour la prise“ ».
Chaque département, son CIPEC-VBG
« Surtout le CIPEC Cotonou est débordé actuellement. Jusqu’à il y a deux ans, on était à peine à 300 ou 400 victimes par ans. Cette année -2024, ndlr-, à fin novembre on était à 720 », confie Dr Guy Bio Yerima, dans un entretien accordé à un média local (lechasseurinfos). Et lors d’une visite de Lee-Anne Hermann, Ambassadrice du Canada au Burkina Faso et au Bénin et Josias Koularambaye, Représentant Adjoint de l’Unicef au Bénin, au Centre intégré de prise en charge des survivants (es) des violences basées sur le genre (CIPEC) de Cotonou en octobre 2023, il a été mentionné que le centre accueille davantage de victimes au fil des ans. De 110 victimes en 2018 à 494 victimes en 2022, ce chiffre a donc passé le cap des 700 victimes en 2024.
Et déjà en 2023, l’équipe du CIPEC et le directeur de l’hôpital ont plaidé pour la mise en place d’autres CIPEC sur l’ensemble du territoire national. En effet, il faut souligner que chaque CIPEC se doit de couvrir une zone plus large tant le nombre reste encore limité. Ainsi, le CIPEC Parakou gère les départements de l’Atacora, de la Donga, du Borgou et de l’Alibori. Celui d’Abomey doit couvrir le Zou, le Momo et le Couffo. Le CIPEC de Cotonou quant à lui, reçoit toutes les victimes de l’Atlantique, du Littoral, de l’Ouémé et du Plateau. Par contre, le CIPEC de Dassa ne couvre que le département des Collines.
Si cette large couverture géographique affectée à chaque CIPEC impose à des victimes un long parcours avant d’accéder au centre le plus proche de son département de résidence, il urge de rapprocher lesdits centres des victimes, admet le Directeur général de l’Offe, Dr. Nassirou Kassoumou Hararou. A l’en croire, la démultiplication des Cipec-Vbg sur tout le territoire national ne fera que renforcer la dynamique de dénonciations.
Face au fait, il se dégage la nécessité voire l’urgence de doter chaque département de son Cipec-Vbg. Et c’est d’ailleurs ce que stipule le décret 2012-228 du 13 août 2012 précisant que : « Les Centres Intégrés Départementaux de Coordination ont pour mission de coordonner la prise en charge des victimes et survivants (es) de violences basées sur le genre. Leur but est de recevoir, d’écouter, de conseiller et d’apporter des solutions promptes, coordonnées, adéquates et durables aux besoins sanitaires, sociaux, psychologiques et juridiques des victimes et survivants (es) de violences basées sur le genre, de manière à réduire considérablement le temps de la prise en charge sociale, sanitaire et surtout juridique, et accroître la potentialité de la satisfaction des victimes et des survivants (es) ».
L’extension des Centres intégrés de prise en charge des victimes et de survivants(es) de violences basées sur le genre (CIPEC-VBG) à tous les douze (12) départements du Bénin se révèle donc être une impérieuse nécessité pour une lutte efficace contre les Vbg au Bénin.
Aziz BADAROU