Conformément aux dispositions constitutionnelles, Patrice Talon a prononcé au parlement, vendredi 20 décembre 2024, son avant-dernier discours sur l’État de la nation. Contrairement à ce que beaucoup avaient imaginé, le Chantre de la Rupture et du Nouveau départ dans son adresse s’est beaucoup plus préoccupé du passé que des perspectives, comme si 2026 était déjà dans son champ de mire.
Et de huit pour Patrice Talon à l’Assemblée nationale ! Devant l’institution parlementaire, le Président de la République a été une nouvelle fois convié à se prononcer sur l’État du pays qu’il dirige depuis avril 2016. Alors qu’il était beaucoup plus attendu sur son bilan ainsi que les perspectives, le Chef de l’État même s’il n’a pas dérogé à cette règle, a profité de la tribune pour sembler s’en prendre à ses opposants. Sur un ton martial, Patrice Talon dégageait et exprimait une envie de dédain et de honte pour ce que le Bénin a été jusqu’à son arrivée. Comme il est de coutume sous son régime, son discours laissait clairement entrevoir que ce passé devrait disparaître pour laisser place à une certaine fierté que dégage, d’après lui, le présent. « Le Bénin notre pays a trouvé son chemin et cela est irréversible, peu importe l’opinion et le souhait des nostalgiques en quête d’un retour à notre passé honteux. Finie l’usurpation du pouvoir politique par des vendeurs d’illusions incompétents et mal intentionnés. Aucune supplication, aucun aboiement, aucune menace ne nous fera reculer. Aucun compromis politique préjudiciable à notre développement ne sera concédé, pour plaire à qui que ce soit ou pour satisfaire un quelconque consensus politique », disait entre autres Patrice Talon, dans son discours. Si ces portions de phrases considérées comme des piques à l’endroit de ses contradicteurs ne passent toujours pas dans l’opinion, c’est parce que beaucoup considèrent que l’homme, d’un moment à un autre, a fait partie de ce passé qu’il rejette aussi radicalement. Pis, déjà que beaucoup de réformes surtout celles politiques sous son règne ont été plus dégradantes causant ainsi des décès et l’incapacité de ses contradicteurs à se présenter aux élections, il faut de ce pas se demander pourquoi le Chef de l’État est si collé aux régimes précédents après presque neuf ans de pouvoir. Faire toujours recours au passé alors que l’on est déjà à quelques encablures de sa fin de règne révèle-t-il d’un stratagème tout pensé par la première fortune du Bénin ? À tout point de vue, oui. Les élections générales étant prévues pour 2026, il n’est pas illusoire que chacun fasse tout pour tirer le drap de son côté. Même s’il demeure constitutionnellement forclos, Patrice Talon a le devoir moral de préparer le terrain pour son dauphin. Il a peut-être imaginé qu’il est temps de remémorer le passé aux béninois en faisant un zoom sur seulement ce qui a été mal fait à ses yeux. Ceci, afin donc de légitimer ses actions et par ricochet susciter l’engouement autour de celui ou celle qu’il va oindre quant à ces joutes électorales majeures que constitue la présidentielle à venir. Sinon, se préoccuper du passé alors que tous les Béninois pensent déjà à l’après Patrice Talon ne peut que relever d’une stratégie bien pensée. Lui marchera-t-il ? Reste à savoir.
J.G