Aucune fracture d’os ne lui résiste. Bien au contraire, Tahirou Adamou est souvent le dernier recours là où le plâtre de la médecine moderne et ses spécialistes ont échoué…

Calme et serein à l’œuvre. Tahirou Adamou inspire confiance à ses patients. Il sonnait à peine 8h ce lundi 11 novembre 2024. Mais déjà, la cour de la concession qui  sert à ce guérisseur traditionnel de centre de traitement est bondée de monde.

Qui pour se faire soigner son bras cassé, qui son pied, qui sa colonne vertébrale. Des cas graves au moins graves, tout se gère dans l’enceinte de cette maison située dans la commune d’Abomey-Calavi qu’il dit avoir louée pour ses prestations.

Des pleurs, des cris se font entendre ici aussi. Des larmes coulent au fur et à mesure que les mains du Sexagénaire masse la partie du corps engagée.

De l’histoire d’une petite fille de 7ans qui est tombée dans un puits de profondeur environ 10 m, pour cet homme victime d’un accident de circulation, vieux, jeunes, adolescents et même enfants ; hommes comme femmes, écrivent une partie de leur histoire en ces lieux.

Que le traitement dure deux mois voire sept et bien plus, tout dépend de la gravité de la fracture. Si, certains malades font des allers retours de chez eux pour le centre, des chambres sont également mises à la disposition de ceux qui ont parcouru de longs kilomètres pour bénéficier des services du guérisseur de Bassila qui a posé ses valises à Abomey-Calavi.

A cet endroit où des individus de tous horizons se rencontrent, les infortunes se racontent. Déjà, la plupart sont victimes d’accident de circulation et proviennent des hôpitaux où ils ont essuyé des désillusions. Après donc des mois de plâtre tombés à plat, ils se tournent vers le vieux Adamou.

Une assurance certaine

« J’ai fait un accident et j’ai eu une fracture au pied. On m’a plâtré pendant trois mois. Mais quand ils ont enlevé le plâtre au moment indiqué, ils ont réalisé que c’était mal fait. Ils ont dit qu’ils vont reprendre.  C’est ainsi que je me suis retrouvé ici », conte à nos oreilles un des patients du guérisseur qui manifeste désormais une méfiance à l’égard des médecins béninois.

D’autre part, aux dires des uns et des autres, le coût est élevé dans les centres publics alors qu’ici, témoignent-ils, c’est moins cher et les résultats sont patents. On peut constater fait à fait la guérison.

Victime lui aussi d’accident de circulation un samedi, L. S. va se rendre aux soins. « Je me suis rendu à l’hôpital. Mon bras droit était mal en forme. J’ai réalisé la radio. Mais on m’a dit de revenir mardi, jour où je pourrai avoir les résultats et rencontrer le spécialiste. Qu’adviendra-t-il de moi durant ces jours d’attente ? …».

Et, c’est la réponse à cette question, qui l’a amené, relate-t-il, à se renseigner auprès de gens qui ont vécu des fractures. Lesquels lui ont conseillé cette option de la médecine traditionnelle que,  même si l’Oms ne reconnaît pas encore, marche très bien, poursuit-il.

Tahirou Adamou l’homme aux mains de plâtre

Loin d’un don, son métier, Tahirou Adamou l’a appris auprès de son père. « C’est notre papa qui nous a appris ça.  Il exerce lui à Bassila. Avant, papa restait à Cotonou. Mais comme sa maman est encore vivante, papa est retourné là-bas », confie-t-il.

Son  intervention consiste à passer premièrement à l’aide d’un tissu, du bain chaud préparé à base de feuilles sur la partie où l’os est fracturé. Ensuite, place est faite au massage avec une pommade dont il nous garde de la composition. Un moment capital où la douleur des patients est vive. Ça ne dure que quelques minutes puis après, le spécialiste traditionnel enduit la partie d’un  produit pâteux. L’odeur repousse, le temps que ça se sèche pour qu’enfin l’on passe au bandage. Certains cas nécessitent la pose de tiges de bois avant le bandage. Une poudre noire est également passée sur les plaies pour une rapide et meilleure cicatrisation. Des produits qui, pour la plupart, lui proviennent de Bassila, une commune située dans le département de la Donga.

Un exercice qui se fait tous les jours au début notamment en matinée et s’espace au fur et à mesure que la guérison est manifeste. « On ne peut pas dire le nombre de mois sur lequel la guérison s’étend. Nous ne donnons pas de mois. Si les os sont soudés et que les personnes commencent à marcher, qu’il n’y a plus de douleur, on apprécie », explique Tahirou Adamou.

Dans l’ouvrage, il se fait accompagner par de jeunes qui parfois, l’aident à maîtriser des malades qui, en proie à la douleur, ne lui rendent pas la tâche facile. Et, depuis 2012 qu’il exerce son activité, il éprouve une certaine satisfaction à guérir ses semblables. Mieux, il vit de son métier. Le prix du traitement peut aller de 80 000 F Cfa à 200 000 F cfa. Tout dépend de la gravité de la cassure de l’os, laisse-t-il entendre.

Et, grâce à ses économies, l’homme a pu s’acheter une parcelle. « C’est maintenant qu’on a construit notre carré. Bientôt, on va déménager », annonce-t-il. Le traitement des fractures est l’apanage de la famille de Tahirou Adamou et la relève se prépare bien avec des ramifications à Glo ( son petit frère ) et à Cotonou ( son beau-frère ).

La main tendue vers l’Etat

Reconnaître à la médecine traditionnelle ses mérites et aider les praticiens à évoluer dans des conditions optimales. C’est le cri de cœur de Tahirou Adamou à l’État.

Celui-là dont les mains et la thérapie ont sorti et ministres,  et médecins, et forces de l’ordre… du gouffre, sollicite le soutien du gouvernement béninois. Fatigué des promesses sans lendemain des personnalités qu’il a guéries. « Il y avait des ministres… Ils ont dit qu’ils allaient nous aider pour que le gouvernement nous trouve une place mais quand ils s’en vont, je ne les revois plus », révèle-t-il.

 Un metier à risque, le spirituel pèse dans le game

Des interdits,  les patients de Tahirou Adamou sont contraints de les observer. Pour un prompt et efficace rétablissement, ils doivent par exemple, se passer durant le traitement, de la glace, de l’oeuf, du haricot, du sexe, des boissons alcoolisées…

Si, affirme-t-il, il n’y a rien de spirituel caché derrière ces interdits, il n’en demeure pas moins que lui, son côté spirituel doit être aiguisé. A l’œuvre,  Tahirou Adamou jeûne la plupart du temps ; s’abstient du plaisir sexuel et se prive aussi de certains aliments. Musulman fervent, il fait également de la prière une véritable arme de combat.

 En réalité,  va-t-il dévoiler,  nombre de ses patients doivent leur fracture à des mauvais sorts, à l’adversité. Pour éviter donc de recevoir  »les balles perdues » en les traitant, il doit se prémunir. Selon ses propos, il lui est déjà arrivé d’assister à la mort d’un des leurs qui, après avoir guéri quelqu’un d’un envoûtement au pied, envoûtement qui devrait le conduire à la mort, est mort à sa place.

Des anecdotes

« Beaucoup de personnes plâtrées au Centre hospitalier universitaire Hubert K Maga viennent ici. On enlève les plâtres, on les jette et on fait notre traitement et ils guérissent », soutient le tradithérapeute.

Abordant un léger sourire, il raconte les aventures d’un chirurgien orthopédiste. « Oui. Il y a un docteur qui est venue ici. Elle-même, elle pose le plâtre à l’hôpital. Sa maman a cassé la jambe. Elle l’a emmenée ici. Quelques temps après, elle aussi a eu une fracture suite à un accident. Je les ai toutes traitées et elles ont été guéries », raconte-t-il fièrement.

Comme pour dire que le Bénin est riche de ses traditions. Ses plantes et feuilles tant spirituelles que thérapeutiques. Pourvu que les décideurs au plus haut niveau, cessent de raser les murs et un jour, portent avec audace et promeuvent, la médecine traditionnelle béninoise. Dans tous ses aspects, loin des discours creux et engagements amnésiques.

Fifonsi Cyrience KOUGNANDE

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