C’est l’un des avocats les plus médiatiques du professeur Joël Aïvo. Très actif dans l’entourage du constitutionnaliste depuis son arrestation le 15 avril 2021, il fit des sorties remarquées lors du procès en décembre 2021. Aujourd’hui, Jeacques Bonou a accepté de commenter en exclusivité le dernier avis du Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire. Avis rendu le 15 août dernier et dont l’avocat ressort les points clés et les conséquences pour l’avenir de son client. Et même si dans le cadre de cette interview, il tient à rester dans le rôle de l’avocat, Jeacques Bonou n’a pas été avare en commentaire sur Génération Aïvo et sur l’actualité du Cadre de concertation de l’opposition.

Matin Libre : Me Jeacques Bonou, comment va le professeur Joël Aïvo ?

Jeacques Bonou : Ecoutez, le professeur Aïvo tient plutôt bien le choc. Il se porte bien, physiquement et moralement. Ceux qui ont la possibilité de le rencontrer à la prison civile de Cotonou vous le diront. Il est dans un bon état d’esprit. Il est positif et optimiste malgré une détention qu’il sait illégale et injuste. Et le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire l’a récemment confirmé. Cette conclusion n’est pas une surprise pour les Béninois. Elle l’est encore moins pour tous ses conseils que nous sommes.

ML: Nous reviendrons à cet avis du GTDA. Mais quelles sont les ressources qui lui permettent de tenir alors qu’il perd gros dans cette détention ?

JB : Vous avez raison, le professeur Aïvo joue gros et les séquelles de cet emprisonnement sont, pour certains, irréparables. Et pourtant. Lui-même s’est préparé à ce type d’épreuve. Avant son dialogue itinérant, il disait à ses proches que son combat pouvait lui coûter la vie ou sa liberté. Il a préparé son épouse et ses enfants à cette triste réalité de la politique en Afrique. Mais vous convenez avec moi que se préparer psychologiquement à une tragédie et la vivre réellement, ce n’est pas la même chose. Cependant, sa famille et lui traversent chaque jour de cette épreuve avec une dignité extraordinaire et la foi que Dieu n’abandonne pas les justes.

Depuis plus de deux ans, le professeur Aïvo est physiquement et géographiquement coupé de sa petite famille. Son épouse fait admirablement front avec lui et se bat pour éduquer leurs deux enfants. Quant aux enfants, ils grandissent en l’absence de leur père. Le professeur Aïvo lui, ne peut plus faire son métier, c’est-à-dire enseigner. Il ne peut plus donner des conférences, ou passer du temps avec ses amis. Sa carrière est à l’arrêt. En quelque sorte, au regard de ses compétences et de son potentiel, Joël Aïvo est comme un avion neuf qu’on a cloué au sol et qui ne peut plus voler. C’est terrible, croyez-moi, qu’une ressource comme lui soit éloignée de la société et ne puisse pas profiter à notre jeunesse, à nos universités, à la Nation.

“Le professeur Joël Aïvo croyait que les prisonniers n’avaient été constitués que pour ne pas gêner le renouvellement du mandat du président Talon”

Sa situation attriste au Bénin et dans le monde. Mais nous parlons de Joël Aïvo. Il est combatif, il est résilient, et il est constructif. L’injustice n’a pas atteint ses valeurs fondamentales. Malgré les péripéties auxquelles il est aujourd’hui confronté, la privation de sa liberté et les dégâts irréparables dans sa vie et dans sa carrière universitaire, Joël Aïvo que vous avez connu, est demeuré un homme de modération et de conciliation. Il est sans rancœur. Il est sans rancune envers qui que ce soit. Les rares visiteurs qui le voient vous le diront.

Pour être direct, je vous dirai que Joël Aïvo tient le coup grâce au soutien des Béninois, à la détermination de ses militants, à l’amour de sa famille et à la présence continue d’un cercle de proches, restés à ses côtés, fidèles et solidaires par-dessus tout.

“Le professeur Joël Aïvo est sans rancœur et sans rancune envers qui que ce soit”

Vous savez, le Professeur Aïvo lui-même dit qu’il ne réalise pas avoir passé toutes ces années en prison alors qu’il était persuadé qu’après l’investiture du président Talon en mai 2021, les portes des prisons du Bénin allaient s’ouvrir pour tous les prisonniers politiques arrêtés pour ne pas perturber le renouvellement du mandat de Patrice Talon. Alors, une fois le président réinstallé, il s’attendait à ce que toutes ces procédures fantaisistes, faussement judiciaires s’arrêtent, que les gens retrouvent leurs familles et leur place dans la société. Mais rien de tout ça n’y fit. Il est vraiment stupéfait par cette détention qui se prolonge alors qu’il est de notoriété publique qu’il n’a commis aucun crime, n’a violé aucune loi. Et tout ça, ses juges le savent. Que voulez-vous faire dans ces conditions sinon être solide mentalement ? C’est ce que fait Joël Aïvo.

ML : Il y a quelques semaines, vous aviez signé un communiqué pour rappeler que la prison n’était pas un jeu. Cette mise au point était-elle nécessaire ?

Ah oui, elle était absolument nécessaire. Je vous explique. Depuis plusieurs mois, la situation du professeur Aïvo a été prise pour cible et sa détention a fait l’objet de tous les fantasmes. Que n’a-t-on pas dit ? Que n’a-t-on pas appris ? Un jour, Joël Aïvo va sortir, un autre jour, il aurait accès à tout, il serait choyé par je ne sais qui ou encore, on l’autoriserait à aller passer ses nuits chez lui à la maison auprès de sa femme alors même que son épouse et ses enfants ne vivent plus au Bénin. Je vous épargne les autres rumeurs les plus folles et les scénarios les plus improbables propagés à son sujet.

“Le sacrifice de cet homme est grand et lourd”

À un moment, la détention de Joël Aïvo était tellement enviée qu’elle était devenue le baromètre à partir duquel un prisonnier au Bénin pouvait mesurer si oui ou non, il est bien traité à la hauteur des conditions de détention de Joël Aïvo. Ces comparaisons qui masquaient une dénonciation déguisée sont déloyales, inélégantes et calomnieuses. Parce que tout ce récit était faux, il m’a paru pertinent de mettre chacun à sa place et de rappeler la seule vérité dans ce nuage d’affabulations : Joël Aïvo est bien en prison et ce n’est pas un jeu, la prison.

Il était temps de hausser la voix pour rappeler aux auteurs de ces manipulations que le sacrifice de cet homme est grand et lourd. Mais il accepte de payer ce lourd tribut pour ses idées et son pays. Et nous ne laisserons personne instrumentaliser sa détention à des fins personnelles ou politiques. Le faire, sous quelque prétexte que ce soit, relève d’un manque de classe que je ne peux pas accepter.

ML : Vous portez là des accusations lourdes. À qui pensez-vous en particulier ? Pouvez-vous donner un peu plus de précision ?

JB : Je pense qu’il n’est plus nécessaire de retourner le couteau dans la plaie. Il me semble qu’elle a commencé à cicatriser. Car, nous avons observé que les groupes de personnes qui avaient choisi d’essentialiser la situation de mon client en lâchant dans l’opinion des rumeurs infondées, font depuis lors, preuve de mesure et de sagesse. C’est pour cette raison que je ne souhaite pas trop m’étendre sur ces malheureux incidents, en espérant qu’ils ne se répèteront plus.

ML : Qu’à cela ne tienne, Me Bonou, comment le professeur Aïvo vit-il toutes ces agitations autour de sa personne ?

De quelles agitations parlez-vous ? S’il s’agit des actes dont nous venons de parler, le professeur Aïvo est serein. Après tout, sa vie a toujours été jalonnée de batailles. Les batailles qu’il choisit lui-même de faire et celles qui lui sont imposées par ses adversaires, et bien souvent par des personnes qui le prennent en concurrence.

“La démocratie doit être efficace et productive. C’est dans LA BOUSSOLE de Génération Aïvo”

Par contre, si en parlant d’agitations vous faites allusion à la mobilisation autour de « Génération Aïvo », ça, il la prend avec beaucoup de responsabilité. Vous savez, quand vous avez des millions de gens qui continuent de croire en votre projet, quand chaque weekend, l’écho des activités de vos compatriotes en faveur de vos idées vous parvient, vous vous sentez forcément responsable d’eux. Ces mobilisations sont une motivation supplémentaire pour lui. Elles nous montrent tous que l’homme du Dialogue Itinérant ne s’est pas engagé en vain et que, pour toutes ces personnes, le professeur Aïvo a l’obligation d’aller bien, là où il se trouve.

Vous le savez, le professeur Aïvo a marqué l’échiquier politique béninois d’une empreinte incontestable par l’originalité et la clarté de son discours, un discours énergique et compréhensible par tous. S’il était déjà assez clair pour les béninois, aujourd’hui, le projet politique du professeur Aïvo apparaît plus actuel et plus pertinent que jamais.

Au Bénin aujourd’hui, on sait qu’il y a d’un côté ceux qui pensent qu’au nom du développement, il faut mettre en veilleuse les libertés fondamentales et restaurer un ordre politique autoritaire voire monolithique. Les tentations d’un retour au parti unique sont là et plus actuelles que jamais. En face d’eux, il y a ceux qui pensent que la démocratie suffit à tout et qu’un pays peut tourner en rond et gaspiller ses ressources, l’essentiel étant d’être en démocratie. Cette conception laxiste ou pagailleuse de la démocratie fait du tort à tous les démocrates car elle contribue à faire passer la démocratie comme un système incapable de générer de la discipline, de la croissance économique et du progrès social. Entre ces deux courants d’idées, il y a effectivement celui que défend le professeur Aïvo. En effet, les partisans du professeur Joël Aïvo sont convaincus que la démocratie est la finalité de toute société moderne. Elle est intégrée au progrès d’un peuple. Mais la démocratie n’est viable que si elle est efficace. Elle doit donc être productive pour être durable. Cette idée est inscrite dans LA BOUSSOLE, le Projet du professeur. Il y est inscrit que la démocratie n’est pas l’ennemie du développement et que la mise en œuvre du régime démocratique ne doit pas faire entrave à l’efficacité de l’Etat, à la transformation d’un pays et à la modernisation de ses infrastructures. «Nous développer dans la démocratie », c’est le cœur du projet politique que promeut le professeur Aïvo.

ML : La semaine écoulée les médias ont relayé un avis du GTDA des Nations Unies sur la situation du professeur Aïvo. L’avis stipulait notamment que « les violations des droits de M. AÏVO sont d’une gravité telle qu’aucun procès n’aurait dû avoir lieu ». Selon plusieurs juristes, les experts onusiens sont allés très loin dans leurs recommandations. Vous attendiez-vous à ça ?

JB : Vous voulez que je vous dise la vérité ?

Évidement qu’on s’attendait à de telles conclusions. Vous savez, moi j’ai plaidé le dossier Aïvo. Je le connais comme je connais sur le bout des doigts les faiblesses de l’enquête et les gros trous dans ce qui est présenté comme une procédure judiciaire. L’avis 21/2024 du 15 août 2024 est sans précédent au Bénin. Je vous l’explique en quelques points précis.

Premièrement, le GTDA a souligné l’illégalité de l’arrestation du professeur Aïvo et conclu au caractère arbitraire de sa détention. Pour comprendre la démarche intellectuelle des experts du Groupe de travail, il faut bien se souvenir qu’une procédure de fragrant délit avait finalement été renvoyée en session criminelle après trois mois de détention, tout ceci en violation des dispositions du code de procédure pénale.

Deuxièmement, le procès du professeur Aïvo a cruellement souffert d’absence de faits et de preuves. Attention, on parle d’une procédure criminelle, or, le juge d’instruction et le Procureur spécial n’ont jamais été en mesure de produire le moindre élément de preuve, pas même un début de preuve, encore moins un faisceau d’indices mettant en cause la responsabilité du professeur Aïvo. Et au bout d’un procès expéditif d’une demi-journée, un honnête citoyen est renvoyé derrière les barreaux pour dix ans. Ce type de procès irrégulier, à bien des égards, ne peut être validé par aucune instance sérieuse où l’on applique le droit et les principes judiciaires.

Pis, les supposés co-accusés ont affirmé à la barre n’avoir jamais connu, ni vu le professeur Aïvo, mais ils ont été condamnés. Sur quelle base ?

Troisièmement, l’avis du GTDA admet la punition politique infligée à Joël Aïvo en raison de ses opinions. En termes clairs, Joël Aïvo n’a été arrêté, détenu et condamné qu’à cause de ses opinions politiques. Qui en doutait encore au Benin ? Personne.

Quatrièmement, et c’est le plus important, les experts des Nations Unies considèrent que le professeur Joël Aïvo n’est pas qu’un citoyen ni qu’une personnalité politique. Ils le considèrent comme un défenseur des droits humains en raison de son parcours et de ses activités précédentes. Car, il est de notoriété publique que le professeur Aïvo s’est beaucoup investi durant ces quinze dernières années dans la diffusion du droit et pour la consolidation des acquis démocratiques au Bénin et en Afrique. C’est pour cette raison que le Groupe de travail a décidé de renvoyer son dossier à la Rapporteuse Spéciale de l’ONU sur les défenseurs et défenseuses des droits humains. Et ça, C’est un point distinctif très rare dans les avis du GDTA.

La cinquième raison qui est un autre point fort de l’avis, c’est que le Groupe de travail constate avec courage que dans le cas du professeur Joël Aïvo, aucun procès n’aurait dû avoir lieu. C’est un cinglant camouflet pour la CRIET qu’un organe de ce niveau de sérieux en vienne à constater que vous avez jugé un homme qui n’aurait jamais dû comparaître devant un juge en procès. Dans ces conditions, que fait cet honnête homme en prison ? Je laisse chacun à sa conscience.

Enfin, à l’issue de tout ceci, le GTDA conclut que la victime, le professeur Aïvo, doit obtenir réparation des préjudices subis, que les auteurs de son calvaire doivent être identifiés, et que l’État béninois doit prendre à leur encontre les mesures que leurs actes appellent.

Au regard de ces dysfonctionnements, il n’est pas exagéré de dire que le procès de Joël Aïvo est une honte pour le Bénin. C’est un drame judiciaire et tous ceux qui y ont contribué porteront l’entière responsabilité devant l’histoire. Je rappelle que le collectif des avocats du professeur Joël Aïvo, dirigé par le Bâtonnier Robert Dossou, avait relevé tout ce qui est énoncé aujourd’hui dans cet Avis.

Malheureusement dans la procédure devant le GTDA, le gouvernement béninois, interpellé pour apporter ses éléments de preuve et pour faire ses observations, a brillé par son silence et son absence.

ML : Justement, selon vous, pourquoi le gouvernement aurait boycotté la procédure devant le GTDA ?

JB : C’est une question à adresser au gouvernement. Cependant j’oserai avancer deux hypothèses qui, je le pense, seront difficilement contestables. La première tient à la qualité de la victime. La victime de cette injustice, vous la connaissez et le gouvernement de notre pays la connaît très bien. Il s’agit de Joël Aïvo. C’est un éminent juriste, un constitutionnaliste chevronné qui connaît les rouages du droit et maîtrise mieux que quiconque les systèmes de défense des droits de l’homme. On connaît Joël Aïvo le constitutionnaliste, mais le grand public méconnait Joël Aïvo l’internationaliste qui enseigne au Bénin et à l’étranger, le droit international. C’est dire que cette procédure est sa procédure et mieux que quiconque, Joël Aïvo connaît la partie de son épée qui est capable de mettre à terre son adversaire, dans un combat judiciaire loyal.

“Le gouvernement avait peu de chance de s’en sortir devant le GTDA.”

La deuxième raison est liée à la personne du professeur Ludovic Hennebel. C’est l’avocat qui a coordonné la défense internationale du professeur Aïvo. Avant d’être avocat, Ludovic Hennebel est professeur de droit international des droits de l’homme à l’Université d’Aix-Marseille et en Amérique latine. Le professeur Hennebel est simplement ce qui se fait de mieux dans les procédures devant les organes régionaux et onusiens de défense des droits de l’homme. Je n’en connais pas beaucoup aussi compétents que lui en ces matières.

Vous voulez que je vous dise ? Je crois que les juges de la CRIET avaient déjà scellé le sort judiciaire de ce dossier par les violations graves qu’ils ont multipliées et grâce auxquelles ils ont arrêté, condamné et détiennent encore aujourd’hui le professeur Joël Aïvo.

Enfin, pour emprunter au registre familier, les juristes du gouvernement savent reconnaître les bagages qui sont lourds. Face à Joël Aïvo et Ludovic Hennebel qui ont techniquement verrouillé cette procédure, le gouvernement avait peu de chance de s’en sortir. On ne mène pas tous les combats. Le gouvernement l’a compris et a décidé de tirer sa révérence. C’est mon analyse, et je trouve leur attitude plutôt sage.

“L’avis du GTDA est un avis sans précédent au Bénin. C’est aussi un avis décisif pour l’avenir”

Vous me permettrez de remercier et de féliciter tous les avocats du professeur Aïvo et principalement mon estimé confrère, Ludovic Hennebel du Barreau d’Aix-Marseille pour sa contribution décisive à l’avis rendu par GTDA.

ML : En tant qu’Avocat, que signifie cet avis pour votre client ?

JB: Cet avis est un avis décisif pour l’avenir. L’avis 21/2024 du 15 août 2024 est sans précédent au Bénin. Je le répète, cet avis est sans précédent. Les conclusions du GTDA viennent remettre les pendules à l’heure et le droit à sa place. Car un honnête citoyen ne peut pas accepter que ses adversaires lui accrochent au cou la médaille du criminel sans se battre pour laver son honneur. L’honneur du professeur était déjà socialement et politiquement sauf parce que personne n’avait jamais cru à la sentence politique de la CRIET. Aujourd’hui, l’honneur du professeur Aïvo est juridiquement sauf aussi bien au Bénin que sur le plan international. Et comme les hommes sont de passage et que seul l’État est éternel, cet avis est opposable à l’Etat béninois en raison de ses engagements internationaux.

ML: Quels sont les principaux enseignements qu’on peut tirer de cet avis ?

Comme je venais de vous le dire, c’est un avis sans précédent pour les raisons que j’ai évoquées plus haut. Ce n’est pas un avis de plus, comme je l’ai lu dans certains journaux. C’est un avis qui est rendu pour l’avenir et rien ne peut l’effacer. Cet avis vient conforter la posture qui est la nôtre. Le principal mis en cause l’a dit et redit pendant et après sa condamnation. Il l’a fortement répété à la CRIET : « l’Etat m’a abandonné ». Il a précisé qu’il ne revenait pas à la CRIET d’arbitrer un différend politique. À la fin, il s’est offert à la CRIET de faire de lui ce qu’elle voudra. Cela en disait long sur ce qu’il ressentait en tant que professeur de droit face à ce qui n’avait rien d’un procès.

Vous savez, le Bénin n’est pas la Corée du nord. Il a signé des engagements internationaux ratifiés par le législateur. Lesquels engagements doivent être respectés. Tout ce qui est fait à l’interne est suivi par d’autres partenaires avec qui notre pays a signé des traités et bénéficie parfois des financements et d’appui techniques. Il revient maintenant aux autorités de revenir sur le bon chemin du droit. C’est ce que je conseille humblement au président Talon.

Qu’il vous souvienne qu’avant de prendre les commandes de notre pays, le chef de l’Etat lui-même a dû s’en remettre à des juridictions inter-étatiques qui lui ont rendu justice contre son propre pays. Je me souviens également qu’avant d’être porté à la tête de l’Etat, le président Talon s’offusquait de la situation de notre pays qui n’exécutait pas les décisions de justice.

ML : Justement, Me Bonou, qu’attendez-vous aujourd’hui de l’Etat béninois ?

JB: Tout simplement, j’invite l’État de mon pays à se conformer à cet avis comme à ceux qui avaient préalablement été rendus dans d’autres cas.

Je formulerai trois doléances à l’endroit du président de la République : d’abord, je voudrais inviter le président Talon à ordonner la libération du professeur Joël Aïvo. Ensuite, qu’il envisage la réparation des préjudices qui découlent de cette longue détention arbitraire, et enfin, que l’Etat utilise les moyens en sa possession pour remédier aux causes et facteurs qui ont conduit les autorités en charge de la justice à infliger un tel supplice à un citoyen.

ML : Parlons un peu de vous, Me Bonou, et de votre engagement. Il y a quelques semaines, on vous a vu prendre la parole dans un meeting politique. Faut-il continuer à vous voir comme un simple avocat ou comme un militant politique ?

Non, je suis avocat et complètement engagé pour la défense du professeur Joël Aïvo. Il est clair que nous partageons les mêmes valeurs démocratiques et œuvrons tous pour laisser à nos enfants un pays modernisé, économiquement fort et socialement juste. Mais, mon engagement aux côtés du professeur Aïvo est d’abord basé sur la reconnaissance et la loyauté à un homme dont la confiance m’honore.

En fait, plusieurs personnalités, de divers horizons, africains et européens, canadiennes proches du professeur Aïvo m’ont fait l’amitié et la confiance de me confier la présidence du collectif que nous avons mis en place dès son arrestation pour assurer sa défense internationale. C’est donc en tant que président du Collectif des Amis et Soutiens du Professeur Aïvo (CASPA) que j’ai été invité à prendre la parole lors de ce rassemblement des militants de « Génération Aïvo » dans le 1er arrondissement de Cotonou. Le CASPA est un creuset qui organise le plaidoyer et le lobbying pour la libération du professeur Aïvo. Nous œuvrons aussi bien au Bénin qu’à l’étranger, auprès des décideurs qui comptent.

“Génération Aïvo a décidé de faire de la libération de son leader, la priorité de ses priorités.”

J’ai l’honneur de le présider et de coordonner tous les efforts des amis du professeur qui ont cru dès le début à son innocence et travaillent sans relâche pour obtenir sa libération et celle de tous les autres.

ML : Il y a une dizaine de jours, plusieurs partis et forces politiques de l’opposition ont lancé un Cadre de concertation dont l’absence des soutiens du professeur Aïvo a été remarquée. Qu’est-ce qui fonde cette absence ?

Je crois que Madame Barkatou Sabi Boun, la Déléguée Générale de « Génération Aïvo est mieux outillée pour vous donner la réponse la plus précise et la plus complète à cette question.

Ceci étant dit, il faut avoir conscience que Génération Aïvo est la seule des organisations politiques majeures du pays dont le leader est en prison. Et donc, quand vous jouez la vie d’un homme dans chacune de vos décisions, si vous êtes des responsables, vous y réfléchissez à plusieurs reprises avant d’agir. Des échanges que j’ai eus avec les responsables de l’organisation, je déduis que Génration Aïvo a décidé de faire de la libération de son leader, la priorité de ses priorités.

J’ai aussi compris que Génération Aïvo s’est donnée deux priorités : la première est de se concentrer sur son implantation à travers le pays et dans toutes les couches de la société. La deuxième priorité étant de préparer le futur immédiat du Bénin. J’en conclus que l’absence de Génération Aïvo de ce Cadre de concertation de l’opposition n’est pas un jeu politique, mais un choix dicté par les intérêts stratégiques de l’organisation et l’avenir du pays.

Mais, une fois encore, je suis sûr que la Déléguée Générale de Génération Aïvo vous en dira davantage.

ML : Me Jeacques Bonou, cet entretien touche à sa fin. Qu’auriez-vous à ajouter pour le conclure ?

D’abord, permettez-moi de vous remercier pour l’opportunité que vous m’offrez de réagir plus sereinement sur l’Avis 21-2024 du GTDA. J’espère avoir apporté un peu plus d’éclairage sur les points-clés de cet important avis, sur ses conséquences et sa portée.

Ensuite, j’adresserai ma gratitude à nos concitoyens pour le soutien qu’ils apportent à nos autres compatriotes encore en prison ou en exil. Je sais qu’ils sont nombreux, nos compatriotes de toutes obédiences politiques, qui souhaitent que la température politique du pays baisse et que nous retrouvions la concorde sans la laquelle tout choix politique reste fragile et précaire.

Je m’associe à cet élan et appelle le chef de l’Etat à tendre la main à ses frères et à ses sœurs, afin qu’ensemble nous sortions de cette situation délétère et bâtissions l’avenir sur des bases consensuelles et solides.

Notre pays le mérite.

Propos recueillis par Matin Libre

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