(Des miettes de l’Occident à une plus value à Cotonou)
Les fripes, ces vêtements de seconde main qui cartonnent, font partie d’un grand échange international. Importés des pays occidentaux, ces habits souvent moins chers sont vendus et revendus au Bénin et dans la sous-région.
« Je me suis installé ici, il y a bientôt huit ans. J’ai fait dix ans dans le marché de friperie avant », explique d’un air méfiant Rodolphe, le gérant du Niveau, une boutique d’articles de seconde main située dans l’Avenue de la Victoire à Cotonou. Entre 2020 et 2022, les exportations dans ce secteur ont triplé dans le pays selon l’Institut national de la statistique et de la démographie. D’un peu plus de 804 millions de francs CFA de friperies exportées, le Bénin est passé à 2 493 millions de francs. Dans le même temps, les importations ont dépassé les 40 000 millions de francs. Un engouement qui a pu aider cet ancien vendeur ambulant à devenir patron de deux friperies. Entouré d’une ribambelle de chaussures et de quelques chemises de marque, il accepte de révéler les dessous du circuit de la fripe.
Des miettes de l’étranger
Les vêtements, accessoires et souliers de seconde main qui atterrissent au Bénin viennent principalement d’Europe, d’Asie et d’Amérique du Nord. « La plupart vient de l’Angleterre, de l’Allemagne, la Suisse, la Belgique », estime le connaisseur. Une partie de ces marchandises est vendue par des entreprises de collecte de vêtements. C’est par exemple le cas du Relais, une société solidaire et coopérative française notamment chargée de collecter, trier et revendre les vêtements déposés gratuitement par des particuliers. À leurs arrivées, ces produits ont alors déjà subi un premier écrémage : il ne reste plus que des habits défectueux, de moins bonne qualité ou passés de mode. « En France, ils utilisent trop », confirme simplement Rodolphe.
Pour éviter les déceptions, des grossistes et revendeurs béninois commandent et se déplacent directement à l’étranger. « Parfois, je vais à Lomé pour chercher parce qu’au Bénin les trucs ne sortent pas comme il le faut. Et puis, il y a des trucs qui sont trop portés, alors qu’au Togo ou au Ghana c’est encore en bon état. Il y a les invendus, les fins de série », explique ce passionné de la mode. Esprit commerçant, il vise en priorité « les trois pays proches [Togo, Ghana et Nigéria] où le transport ne va pas revenir trop cher ».
Georges Mensah, vendeur depuis quinze ans au marché de friperies de Missèbo, s’approvisionne en Turquie et en Chine. La marchandise met ensuite deux à trois semaines à arriver par bateau. Pour un sac de 500 kilos, ce trentenaire paie une taxe de douane de 30 000 euros. Une opération qu’il répète « deux à trois fois » par an.
Tous revendeurs
Qu’ils aient traversé les océans ou les routes, les vêtements se retrouvent tous dans ce labyrinthe de vêtements à l’extrême Est du cinquième arrondissement de Cotonou. Là où il n’est pas possible de passer une minute sans que l’on vous montre des sacs, lunettes ou sandales ; les vendeurs en boutique, au marché et revendeurs de rue se fournissent. Le second plus grand marché de la ville accueille même certains étrangers, attirés par la possibilité d’acheter et surtout de revendre, une fripe différente.
« Ils viennent souvent de la Côte d’Ivoire, du Nigéria, Mali,l et Guinée équatoriale », affirme Georges Mensah, assis sur un banc en bois, devant sa petite échoppe. Si ses clients sont d’abord béninois, il assure que « les nigériens viennent payer ici beaucoup, même la Côte d’Ivoire ». Celui qui a « commencé sous le soleil, au bord de la voie », leur vend principalement des jeans confectionnés. C’est-à-dire des jeans avec des superpositions de rapiècement qu’il crée lui-même. En plus de ces pièces originales, il vend des pantalons de marque comme Levis.
Après de longues minutes d’essayage en plein air, Godfroyd, un client de 25 ans, en achète justement quelques-uns. Résultat des courses : 15 000 francs pour quatre jeans et un t-shirt. « C’est un bon marché pour moi si je devais aller prendre ces choses-là dans une boutique ce serait le double », estime cet habitué.
Fayola Dagba (Stag)