(Quid de l’unanimité de vote à la Cedeao ?)

Les critiques contre le droit de veto dont disposent les 5 membres permanents du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies (Onu) ne datent pas d’aujourd’hui. De tout temps, ce privilège accordé, dès la création de l’Onu, à la Chine, la France, le Royaume-Uni, la Russie et les Etats-Unis, est perçu comme un blocage pour la prise de décisions courageuses. Le Bénin de Patrice Talon pense qu’il est temps de réformer le droit de veto et que l’Afrique doit aller au-delà des questions de sièges permanents.

« Tant que le droit de veto sera en place, même si l’Afrique a 5 places ou 10 places au Conseil de sécurité, ça ne servira à rien ». Ainsi s’exprimait le Ministre des Affaires étrangères, Olushegun Bakari, à la commémoration, vendredi 25 octobre dernier, du 79e anniversaire des Nations Unies. Devant la Coordinatrice résidente du Système des Nations Unies, Aminatou Sar, le corps diplomatique accrédité au Bénin, Olushegun Bakari, sans langue de bois, a mis le doigt là où ça fait mal. « Le multilatéralisme qui va dans un seul sens ne permet pas une équité dans le monde, et aujourd’hui nous avons besoin d’un multilatéralisme qui soit réellement équitable face aux défis sécuritaires, aux défis mondiaux auxquels nous devons faire face. En cet anniversaire du système des Nations Unies, je me permets de le dire, de rappeler le fait que pour nous au Bénin, la vraie réforme est celle qui va jusqu’à la réforme du droit de veto, qui permette de promouvoir un système multilatéral dans lequel le consensus devient la nouvelle règle et la nouvelle norme, et que nous ne soyons pas simplement dans un multilatéralisme où certaines puissances imposent leur desiderata en utilisant leur droit de veto. C’est important que nous le fassions, c’est important si nous voulons que le multilatéralisme soit accepté par nos peuples, soit accepté par cette jeunesse vibrante que nous avons en Afrique et au Bénin et qui attend de nous des résultats » a laissé entendre Olushegun Bakari. Nul besoin ici de rappeler que, comme la plupart des opinions contre le droit de veto, la jeunesse africaine trouve cela tellement injuste à l’égard d’une population de 1,4 milliard d’habitants, soit 18 % du total mondial. En faisant sien ce combat, le gouvernement du Bénin est en symbiose avec les aspirations de la jeunesse africaine, laquelle n’a de cesse d’appeler à des réformes courageuses pour sortir les organisations sous-régionales et internationales de la léthargie dans laquelle elles végètent depuis des lustres et qui les empêche de faire bouger les lignes dans le bon sens. Et l’une des organisations sous-régionales décriées a nom, Cedeao.

Et si on regardait d’abord tout près

Si on convient tous de la justesse de la réforme du droit de veto, la même logique devrait guider l’action du Bénin au sein de la Cedeao. D’aucuns diront que le Bénin, avant de vouloir influencer, dans le bon sens, une organisation internationale qui compte 193 pays membres, devrait commencer par une organisation sous régionale qui compte seulement 15. Et les raisons ne manquent pas. L’une des reproches souvent faites à la Cedeao, c’est la passivité dont elle fait montre par rapport aux questions de 3e mandat. Pourtant, ce n’est pas la volonté de régler la question qui manque. Lors d’un débat contradictoire initié par l’Institut des artisans de justice et paix (Iajp) sur le thème : « La Coopération sous-régionale et les problèmes d’insécurité et de terrorisme au Bénin », l’ancien ministre des Affaires étrangères, aujourd’hui député, Nassirou-Bako Arifari, a fait une confidence. Sur les causes de l’échec de la limitation des mandats dans l’espace Cedeao, le député laisse entendre que si l’institution sous régionale n’a pu se doter d’un instrument juridique qui exclut le 3e mandat, comme c’est le cas quand il s’agit de la prise de pouvoir par les armes, c’est à cause du principe qui veut que les décisions, pour être prises en compte, requièrent l’unanimité. « Nous avons proposé un texte à l’appréciation des chefs d’Etat et de gouvernement pour limiter le nombre de mandat à deux dans l’espace Cedeao. Mais les décisions se prennent à l’unanimité. Si un pays refuse, on dit ‘’OK’’ mise en attente. L’année 2014, deux pays s’étaient opposés : le Togo et la Gambie », laisse-t-il entendre. En 2021, le dossier est revenu dans le cadre de la réforme des instruments juridiques de la Cedeao. Il faudrait que le protocole sur la bonne gouvernance, les élections et la démocratie soit actualisé et que la limitation des mandants à deux soit ajoutée. Mais au grand étonnement de Nassirou-Bako Arifari, trois pays s’y sont opposés : la Côte d’Ivoire de Alassane Ouattara, le Sénégal de Macky Sall et le Togo de Faure Gnassingbé. Suivez le regard.

Donc, à la Cedeao, si trois pays s’opposent à une décision, la volonté des 12 autres, le plus grand nombre, ne compte pas. Par la faute de trois dirigeants qui nourrissent des envies de prorogation de mandat ad vitam æternam, la Cedeao a de la peine à prendre une décision qui range les 3e mandat au même rang que les putchs. Voilà un chantier plus près sur lequel le gouvernement de la Rupture est attendu. Le chef de l’Etat est connu pour ses réformes audacieuses. Certaines posent problème mais la pertinence d’autres est établie même par ceux qui ne parlent pas le même langage que la Rupture. C’est bien de vouloir impulser une nouvelle dynamique à l’Onu, ce serait encore plus pratique de commencer par la Cedeao. Même si ça ne porte pas, la jeunesse africaine saura que ce n’est pas la faute au Bénin de n’avoir pas essayé.

Bertrand HOUANHO

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