Une violation flagrante des principes généraux édictés par la procédure pénale
Qu’attend le Parlement pour interpeler le gouvernement ?
Octobre 2024, ils viennent de boucler 14 années de détention dans des maisons d’arrêt du Bénin. D’Abomey-Calavi à Missérété en passant par la prison civile de Cotonou, Codjo Cossi Alofa et Donatien Amoussou semblent tomber dans un oubli collectif tant des autorités judiciaires que de l’Etat béninois garant de la Justice et des Libertés individuelles. Leurs propres géniteurs ne vendent plus chère leur liberté d’aller et venir tant leurs droits à un procès digne d’un Etat de Droit sont inespérés.
Si la Cour constitutionnelle s’est déclarée incompétente quant à leur demande de mise en liberté formée devant la Cour d’appel de Cotonou, elle a en revanche déclaré contraire à la Constitution, leur longue détention sans procès alors même que les principes généraux de la procédure pénale au Bénin posent clairement le droit pour toute personne suspectée de se voir statuer définitivement dans un délai raisonnable, sur les faits mis à sa charge.
Une procédure sans fin
Courant mois d’Aout 2010, la Fédération des syndicats des travailleurs des Finances signale la disparition dans la nuit du mardi 17 août vers 21 h, d’un cadre nommé Pierre Urbain Dangnivo, alors qu’il rentrait de service à bord de sa voiture, une Audi 80 immatriculée AC 2223 RB.
Dans la foulée des contestations et suivant l’enquête de Police, les sieurs Codjo Cossi Alofa et Donatien Amoussou seront interpellés, inculpés et placés sous mandat de dépôt.
Sur enquête de police, un corps sera déterré le 27 septembre 2010, dans la cour de la maison où habitait Alofa au quartier Womey Sodo. Le macchabée ne sera pas reconnu par la famille Dangnivo comme le corps de son fils disparu alors que les voix autorisées indiquaient ‘’une excellente piste’’. Dans la foulée des contestations, des grèves perlées et des mouvements sociaux, des tests d’ADN seront proposés pour confronter les parents du disparu. Des Experts internationaux seront même sollicités sans succès, tant la contestation était vive. Le dossier sera enrôlé en Cour d’assises. Une série d’audiences interminables, avec des révélations à couper le souffle, des dépositions de témoins dont certains qui n’ont la vie sauve que grâce à la prompte réaction des forces de l’ordre, alors présentes à la Cour d’Appel de Cotonou ce jour-là. Une suspension sera prononcée suite à une question préjudicielle. Par la suite, l’opinion a été informée d’un simulacre d’évasion soldé par le transfèrement de l’évadé Alofa, lequel déclare à la barre, ne s’être jamais évadé et s’être rendu de lui-même à la Police togolaise, apprenant qu’il était activement recherché. Enrôlé à nouveau en session d’assises, le dossier connaitra la même finalité : une suspension alors que la Présidente de céans s’apprêtait à prononcer le verdict, elle n’a pu le faire, tant les vices de procédure sautaient à l’œil. Les accusés seront conduits à nouveau en maison d’arrêt.
L’opinion retiendra que le père du disparu Pierre Urbain Dangnivo, reçu en audience avec quelques membres de sa famille par l’ancien Chef d’Etat Boni Yayi, n’a jamais accepté faire le deuil de son fils, avant de passer lui-même l’arme à gauche. Et depuis, plus rien… !!!
Codjo Cossi Alofa et Donatien Amoussou croupissent dans les maisons d’arrêt sans une suite à leur procédure. Des sessions criminelles s’enchainent à la faveur de la réforme du système judiciaire au Bénin, sans que les deux co-accusés ne sachent si un jour, ils auront droit à un procès juste et équitable, qui fasse entendre leur cause.
Alofa et Amoussou : les oubliés pénitentiaires
Si la Cour constitutionnelle s’est déclarée incompétente statuant sur la requête de mise en liberté introduite par les sieurs Alofa et Amoussou, la même Cour, dont les décisions sont sans recours, statuant le 23 janvier 2020 a jugé que ‘’la longueur de la détention sans que le tribunal ait déterminé la culpabilité des prévenus, constitue une violation du droit d’être jugé dans un délai raisonnable’’.
Saisie en effet d’une requête en date du 18 mai 2021 dans laquelle Codjo Cossi Alofa a dénoncé la non-exécution de la décision DCC 20-029 du 23 janvier 2020 ; il a demandé à la Cour Djogbénou d’intervenir pour sa libération. Les 07 sages de la Cour constatant qu’aucune suite n’a été donnée à leur décision par la Chambre, a jugé contraire à la Constitution, la détention de Codjo Cossi Alofa, présumé assassin de Pierre Urbain Dangnivo. ‘’Cette détention est une violation à la constitution du Bénin au regard des dispositions des articles 35, 124 alinéas 2 et 3, 114 et 177 de la Constitution et 34 de la Cour constitutionnelle.’’
Ce bref rappel effectué, on est en droit de se demander à quelle sauce seront finalement mangés les co-accusés dans ce dossier totalement flou.
Le principe du délai raisonnable prévu dans le Livre préliminaire du Code de procédure pénale béninois est déjà bafoué par 14 années de détention sans procès, alors même que les droits de la défense reconnus par les instances internationales et des Droits de l’Homme, l’exigent.
A quand donc la fin de cette procédure qui voit s’éteindre dans nos maisons d’arrêt, une jeunesse qui réclame justice, au nom de l’Etat de droit et du respect des Droits de l’Homme. Le Bénin joue aussi sa crédibilité en rendant Justice.
Les partenaires sociaux sont aussi interpellés afin que la cause des co-accusés Alofa et Amoussou soit finalement entendue…