À l’horizon 2030, conformément aux Objectifs de développement durable (Odd), le Bénin, ambitionne d’éliminer le paludisme. Afin d’être à ce grand rendez-vous, le Programme national de lutte contre le paludisme (Pnlp) et ses partenaires travaillent à réduire les milliers de cas enregistrés chaque année de cette maladie qui demeure encore l’une des principales causes de mortalité infantile. Malgré les progrès réalisés au cours des trois dernières années, le défi reste grand pour les acteurs mobilisés qui appellent à un engagement de tous.

 « Le paludisme, maladie évitable et guérissable continue d’être un problème majeur de santé publique de par son ampleur et sa charge de morbidité et de mortalité au sein de la population, malgré les efforts et les énormes investissements consentis par la communauté internationale pour son contrôle et son élimination ». Ces propos du Ministre de la Santé, le Professeur Benjamin Hounpkatin tenus à l’occasion de la célébration de la journée mondiale du paludisme à Allada le 24 avril 2024, témoigne une fois encore, des efforts supplémentaires qui restent à faire pour arriver à bouter hors des frontières du Bénin cette maladie.

Selon l’annuaire statistique sanitaire de 2023, les nouveaux cas de paludisme dans la population en général représentaient 17% chez les adultes et 39% chez les enfants de moins de cinq (05) ans avec un taux de mortalité d’environ 106 décès pour 100.000 enfants. Un tableau préoccupant qui met au défi la santé publique malgré les efforts consentis en vue de son élimination. Or, selon les engagements pris au plan international, le Bénin, d’ici 2030 et ce conformément aux Objectifs de Développement Durable (Odd) vise à éliminer ce fléau. Conscient de l’enjeu, le Bénin ne cesse de multiplier des stratégies pour renforcer la lutte contre cette maladie, avec des actions à fort impact sur le terrain.

Au nombre des goulots d’étranglement auquels le Bénin faisait face, figure la mobilisation des ressources domestiques. Car, selon le Plan Stratégique Intégré orienté vers l’Élimination (PSNIE) du Conseil National de Lutte contre le VIH/Sida, la Tuberculose, le Paludisme, les Hépatites, les IST et les Épidémies (CNLS-TP) sur la période 2020 à 2024, il faut mobiliser 130.595.864.000 FCFA pour une lutte efficace. Avec les partenaires techniques et financiers qui contribuent à eux seuls plus de 80 % des ressources mobilisées par an, il y a un gap de financement estimé à 33.150.937.000 FCFA, soit 42% du budget du PSNIE sur les trois ans. Mais, avec une volonté politique affichée et un engagement renouvelé du gouvernement, ce défi a été relevé. La part contributive du budget national est passé d’une moyenne des cinq dernières années d’un milliard trente-neuf millions neuf cent un (1.039.901.000) francs CFA en 2022 à deux milliards cinq cent millions (2.500.000.000) francs CFA pour l’année budgétaire 2023. Fier de cette augmentation qui constitue un acquis majeur et un exemple dans la sous-région, l’ex Coordonnateur national du Programme national de lutte contre le paludisme (PNLP), Dr Cyriaque Affoukou, n’avait pas caché sa satisfaction à l’annonce de la dernière augmentation enregistrée pour le compte du budget 2023. « Je me réjouis de l’augmentation exponentielle de la contrepartie budgétaire nationale dans le cadre de la lutte contre le paludisme au Bénin pour le compte de l’année 2023. Ce progrès considérable est le résultat d’efforts menés conjointement avec les partenaires techniques et financiers, les parlementaires, les acteurs de la société civile, du secteur privé, des médias et leaders communautaires », avait-il déclaré.

Un engagement inédit du secteur privé et des OSC engagés

En dehors des ressources mobilisées par le gouvernement, le Bénin bénéficie depuis environ trois ans, d’une contribution remarquable du secteur privé. Grâce à l’initiative « Zéro Palu, les entreprises s’engagent » lancée par Speak Up Africa, plus de 70 entreprises du secteur privé et trois chefs d’entreprises faits champions, ont décidé de soutenir les efforts de mobilisation des ressources endogènes.

En effet, mise en œuvre au Bénin depuis 2021 par Ecobanck en collaboration avec le partenariat RBM et Speak Up Africa, cette initiative a permis de mobiliser les entreprises du secteur privé dans la lutte contre le paludisme en Afrique en vue de son élimination d’ici à 2030.

Au total, près de 70.000.0000 de FCFA ont été mobilisés pour alimenter le fonds mis en place. Se réjouissant de cette contribution, l’ex Coordonnateur du Pnlp, Dr Achille Batonon, a soutenu que la lutte contre le paludisme n’est plus seulement l’affaire des acteurs du secteur de la santé et des partenaires. « C’est la première fois qu’on a une implication active et effective du secteur privé dans la lutte contre le paludisme », a-t-il martelé. Il a ajouté que malgré tous les efforts faits dans la mise en œuvre des stratégies dans la prévention, la prise en charge, la surveillance épidémiologique et entomologique, il y a toujours des gaps. En cela, soutient-il, l’engagement du secteur privé reste précieux pour accélérer l’atteinte de l’objectif d’élimination.

À l’image du secteur privé, les OSC qui depuis plusieurs années sont aux côtés du gouvernement, ont aussi renforcé leur contribution avec l’appui de Speak Up Africa et d’autres partenaires. Leur engagement se traduit par des actions concrètes de sensibilisation dans les communautés favorisant l’engagement des leaders communautaires, des élus locaux, des groupements féminins. De plus, leurs actions ont permis d’engager aussi les acteurs des écoles à travers la mise en place des clubs scolaires anti-paludisme. Avec plusieurs résultats édifiants, l’action des OSC sur le terrain constitue un véritable coup de pouce aux interventions du ministère de la santé.

Maintenir le cap pour un Bénin sans palu d’ici à 2030

Malgré la mobilisation de tous les acteurs et des ressources domestiques additionnelles, des efforts restent à fournir pour atteindre l’objectif d’élimination du paludisme d’ci l’échéance de 2030. Dans leur ensemble, les acteurs soutiennent qu’il faut maintenir les acquis mais surtout les renforcer. Pour le médecin-pédiatre de la polyclinique St Vincent de Paul, Dr Roland Agossou, très engagé dans cette lutte périlleuse, si les efforts sont maintenus et renforcés, l’élimination du paludisme d’ici 2030 est possible. Il souligne que « la lutte contre le paludisme au Bénin nécessite une approche multisectorielle, avec une forte implication du secteur privé qui pèse déjà énormément dans la lutte, une sensibilisation accrue des populations et une adhésion de tous aux mesures préventives ». Il ajoute que « plus le secteur privé sera impliqué dans la lutte, plus l’objectif de zéro paludisme d’ici à l’an 2030 sera atteint ». Cependant, la Présidente de la Plateforme Médias et Santé, Juliette Mitonhoun, alerte sur la nécessité de redoubler les efforts par une forte implication du secteur privé.  Elle appelle à maintenir le cap et à travailler encore plus à mobiliser des ressources domestiques. « C’est ensemble que nous allons atteindre l’objectif zéro paludisme d’ici à l’an 2030 » confie-t-elle. Pour le chirurgien à la Clinique les Grâces, Dr Johnson Philippe, « l’éradication du paludisme est un travail collectif ». Pour lui, le succès de cette lutte passe par la salubrité et le respect du protocole de traitement du paludisme par le corps médical conformément aux dispositions de la nouvelle politique nationale communautaire. « C’est l’individu qui est au cœur de l’éradication du paludisme et ce à 70% », signale-t-il avant d’appeler les populations à maintenir leur cadre de vie propre.  Il exhorte également tous les acteurs du secteur privé à adhérer à l’initiative « Zéro palu ! les Entreprises s’engagent » afin de ne pas baisser la garde.  C’est à ce prix que le Bénin, à l’instar du Cap vert, de l’ile Maurice et de l’Algérie pourra rejoindre le rang de ces 3 pays certifiés exempts du paludisme dans la région africaine par l’OMS.

Alain TOSSOUNON (Coll.)

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