(La Rupture face au dilemme d’une politique efficace)

Vers une réforme du plus vieux métier du monde au Bénin ? Depuis quelques jours, les travailleuses du sexe sont dans le collimateur de la Police républicaine. A Cotonou et à Parakou, des dizaines de prostituées sont en garde-à-vue et seront présentées au Procureur. Elles feront face à des chefs d’accusation d’atteinte à la pudeur, de racolage, de proxénétisme, de violence et voie de fait, pour d’autres.

Sur sa page Facebook, la Police républicaine a essayé d’éclairer l’opinion publique nationale sur les tenants et aboutissants de cette opération. « Cette opération contre le racolage s’inscrit tout d’abord dans une démarche de préservation des valeurs morales de la société. En intervenant sur le terrain, les autorités visent à promouvoir un cadre de vie respectueux des normes éthiques et familiales, fondamentales pour le bien-être collectif. Ensuite, l’objectif visé est de contribuer à la prévention des risques sanitaires. Le racolage est souvent associé à des pratiques sexuelles à risque qui peuvent favoriser la propagation des infections sexuellement transmissibles (IST) », lit-on sur la page Facebook de la Police républicaine. Mais quant au but visé par la Police en enclenchant une telle opération, il y a une zone d’ombre. La Police veut-elle interdire la prostitution ou la réguler ? « La lutte contre le racolage vise à renforcer la sécurité publique. La présence visible des travailleuses de sexe dans les espaces publics, induit un foisonnement de dealeurs dans les environs qui au prétexte de la protection de ces belles de nuits profitent pour écouler des produits psychotropes. En régulant cette activité, les forces de l’ordre œuvrent pour garantir un environnement plus sûr pour tous les citoyens, notamment les familles et les enfants ». En lisant cette autre portion du communiqué de la Police, deux notions apparaissent. On parle de lutte contre le racolage et de régulation de l’activité de prostitution. Lutter contre un fléau, n’est-il pas l’interdire ? Comment alors peut-on interdire quelque chose et la réguler en même temps ?

A première vue, ce qui pose problème et qui, sans doute, est à la base de l’opération de la Police, c’est le racolage qui prend de l’ampleur sur les principales artères de Cotonou, notamment les nouvelles routes construites et bien éclairées. Dans un précédent article, Matin Libre avait fait le constat que le gouvernement accorde une attention particulière aux nouveaux axes routiers alors que les anciens sont à peine éclairés. La lutte contre le racolage suit cette même logique, débarrasser lesdits axes de tout ce qui fait ombrage à leur esthétique, les travailleuses de sexe y comprises. Mais la prostitution est un fléau aux ramifications lointaines et profondes. Avec la cherté de la vie, le manque d’emploi décent, l’extrémisme violent qui sévit dans la sous-région, le phénomène a pris de l’ampleur dans les principales villes du pays. Les zones réputées pour être les coins des prostituées sont de véritables lieux de non droit. Les potentiels clients subissent la loi des jeunes désœuvrés qui s’érigent en protecteurs des prostituées. Ils violentent et volent les potentiels clients qui ne peuvent se plaindre à personne. Les produits psychotropes et même la drogue sont vendus à ciel ouvert. Ces zones constituent des repères où les hors la loi peaufinent les plans afin d’attaquer des paisibles populations. Il faut donc agir.

Mais comment ?

Il serait illusoire de penser qu’on peut interdire la prostitution. Si l’interdiction des médicaments de rue, des sachets plastiques, des boissons alcoolisées en sachet n’a pas faire disparaître ceux-ci, le plus vieux métier du monde ne disparaitra pas parce qu’une loi a été prise pour l’interdire. Tout ce qui est interdit par la loi, mais qui, pour certains, restent le seul moyen de survie, entre dans la clandestinité. Et là, ce qu’on dénonce, à savoir le fait que ces lieux servent d’abri pour les malfaiteurs où tout passe, où les potentiels clients subissent toute sorte d’abus, va s’amplifier

Vers des maisons closes

Elles existent déjà mais dans une sorte de clandestinité. Aujourd’hui, la plupart des bars ont des chambres de repos communément appelées chambres de passage. Dans ces lieux, les services de prostituées existent et sont proposés aux clients. A la différence de la rue, une certaine sécurité est garantie aussi bien pour la travailleuse du sexe que le client. Et c’est le promoteur du bar qui en est garant. Puisque son objectif est de faire le plus de chiffre d’affaires, il n’a aucun intérêt qu’un client, en quête des services d’une travailleuse de sexe, soit violenté dans son bar. Ce qui reste, c’est le côté sanitaire, le proxénétisme et le fait que des mineures soient obligées de s’adonner à cette activité. Si donc le secteur est régulé, une loi prise dans ce sens, il reviendra à la Police de veiller sur cela, par des descentes régulières dans ces maisons closes déjà connues et recensées. On pourrait alors suivre les prostituées, leur faire bénéficier des soins adéquats pour éviter les Infections sexuellement transmissibles, s’assurer qu’elles n’hébergent pas les malfrats recherchés pas la Police. Dans ces conditions, celles qui s’entêtent à rester sur les principales rues de Cotonou et d’ailleurs subiront la loi.

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