Fréjus Attindoglo : « Un Etat ne peut pas organiser l’enlèvement d’un de ses citoyens »

 Landry Adelakoun : « son arrestation ne peut être faite que par les autorités togolaises »

Le chroniqueur politique connu sous le nom « Frère Hounvi » a été interpellé au Togo précisément à Lomé puis remis à la justice béninoise. Alors que des voix s’élèvent pour condamner la répression d’une voix critique par le régime de la Rupture, la thèse de l’enlèvement ou encore de kidnapping du chroniqueur reste abondamment évoquée dans l’opinion. Doit-on parler d’un enlèvement ou d’une arrestation au regard des faits, tels que relatés jusqu’ici ? Votre quotidien donne la parole à deux juristes notamment Fréjus Attindoglo et Landry Adelakoun. Lire leurs analyses !

Entretien avec Fréjus Attindoglo : « Un Etat ne peut pas organiser l’enlèvement de l’un de ses citoyens »

Doit-on parler de kidnapping ou d’arrestation du Frère Hounvi au regard des faits décrits ?

Il est difficile de se positionner face aux nombreuses informations qui circulent sur Internet. Il est tout aussi imprudent de se fier aux rumeurs, même lorsqu’elles semblent être validées par certains acteurs politiques. Nous devons faire preuve de prudence et de rigueur face à ces situations.

Ce qui est certain, c’est qu’un État responsable et sérieux ne peut pas organiser un enlèvement contre l’un de ses citoyens, même si celui-ci réside à l’étranger. L’État dispose de moyens juridiques pour appréhender tout citoyen ayant commis une infraction, et ces moyens sont encadrés par le Code de procédure pénale en vigueur au Bénin. Le kidnapping est une méthode illégale et un acte répréhensible, utilisé par des hors-la-loi, des voyous. Il est donc clair qu’il s’agit d’une interpellation. Cependant, il est important de vérifier si toutes les conditions légales ont été respectées : la procédure habituelle a-t-elle été suivie ? La personne a-t-elle été effectivement arrêtée sur un territoire étranger ? Ce sont des questions pour lesquelles nous n’avons pas encore de réponses. Ce qui rend difficile toute analyse objective à ce stade.

Mais si on s’en tient aux informations qui circulent, cette manière de faire ressemble à tout sauf à une arrestation.

Bénéficiant d’un statut de réfugié selon nos informations, est-il possible d’interpeller un tel citoyen dans le pays d’accueil comme cela a été fait ? Quelle devrait être la démarche ?

Un réfugié n’est pas un <<citoyen roi>>, il n’est pas au-dessus des lois dans son pays d’accueil. Lorsqu’il est soupçonné d’avoir commis une infraction prévue et réprimée par les lois de ce pays d’accueil, il peut être arrêté par les autorités locales, mais non par celles de son pays d’origine. Cette distinction est capitale, car une personne ayant obtenu le statut de réfugié a démontré que sa liberté ou sa vie est menacée dans son pays d’origine, ce qui la protège contre toute arrestation par les autorités de ce pays.

De plus, selon le principe de non-refoulement, qui est un pilier du régime de protection des réfugiés, les pays d’accueil ne peuvent pas renvoyer un réfugié vers son pays d’origine si sa vie ou sa liberté y seraient en danger.

Mieux, les réfugiés bénéficient d’une protection spéciale contre l’extradition vers leur pays d’origine, en particulier si cela mettrait leur vie en péril. Dans le cas présent, si cet individu bénéficie véritablement du statut de réfugié, il ne peut être arrêté que s’il commet une infraction dans son pays d’accueil, et seulement par les autorités de ce pays. En aucun cas, il ne peut être extradé vers son pays d’origine.

Peut-on voir une certaine complicité à travers le silence des autorités togolaises ?

Cette question est complexe et relève des règles diplomatiques qui encadrent les relations entre États. La diplomatie est avant tout une affaire de discrétion.  Alors, il est peu réaliste d’attendre des réactions immédiates et publiques de la part des autorités togolaises. Il est également important de permettre aux États de traiter ces questions de manière appropriée, dans le cadre de leurs échanges diplomatiques.

Cependant, il est évident qu’un État ne peut, en vertu du principe de non-refoulement, permettre qu’un réfugié soit interpellé sur son territoire par des inconnus en dehors de toute procédure légale, et en violation de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et de son Protocole de 1967.

Comment expliquez-vous également le silence des organismes internationaux protégeant les réfugiés politiques ?

Je pense qu’il est légitime de s’interroger sur la manière dont un citoyen béninois, bénéficiant du statut de réfugié sur un autre territoire, a pu être interpellé et ramené dans un pays d’origine, réputé dangereux pour lui, ce qui justifie justement son statut de réfugié. Bien qu’il soit vrai que l’interpellation d’un réfugié peut être légale si elle respecte les lois nationales du pays d’accueil et intervient en cas de commission d’une infraction, le cas d’espèce soulève néanmoins des questions.

Au nom du droit à l’information, il est important que les autorités compétentes fournissent des explications officielles sur ce qui s’est réellement passé.

Propos recueillis par Aziz BADAROU

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