Entre recul et statu quo

La Criet: une avancée, mais trop embrasse

Le Haut-commissaire à la prévention: est-ce l’homme qu’il faut ?

Cette année, la Journée africaine de lutte contre la corruption, célébrée le 11 juillet, a pour thème : « La protection des lanceurs d’alerte ». Où en est le Bénin par rapport à ce pan de la lutte ? Interrogé, le Président du Front des organisations nationales de lutte contre la corruption (Fonac), Dr Jean-Baptiste Elias, laisse entendre qu’actuellement au Bénin, c’est un vide qui est constaté en ce qui concerne la protection des lanceurs d’alerte. En cause, l’abrogation de la loi N°2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes en République du Bénin.

 Une marche lente, saccadée. A des moments, on avance un peu, à des moments on stagne ». L’évolution de la lutte contre la corruption au Bénin est ainsi jugée par Jean-Pierre Dégué, Secrétaire exécutif de Social Watch Bénin (Section nationale en formation de Transparency international). Pour soutenir son argumentaire, Jean-Pierre Dégué part du classement du Bénin sur l’Indice de perception de la corruption (Ipc). « En 2016, en termes de rang sur le classement de l’Ipc, le Bénin occupait le 95e rang. Mais il faut faire attention. Le Bénin avait, en ce moment sur la note de l’Ipc, 36 points sur 100. De 2016 à la dernière publication de l’Ipc en 2023, le Bénin a quitté le 95e rang pour se retrouver au 70e rang.

Ça veut dire quand même qu’il y a eu un effort dans le classement, 25 points gagnés. Pour les acteurs des médias et même pour les pouvoirs publics, c’est souvent le rang qui est pris en compte. Mais si on s’en tient à cela, c’est mauvais. Ce qu’il faut prendre en compte, c’est la note sur l’Ipc. En 2016, on avait 36 points sur 100. En 2023, on est à 43 points sur 100. Donc, on n’a progressé que de 7 points alors qu’en termes de rang, on a gagné 25 places ». Conclusion, le Bénin ne fait pas partie des pays qui ont fait des progrès spectaculaires sur l’Ipc de 2016 à aujourd’hui. On évolue en dents de scie, dira le Secrétaire exécutif de Social Watch Bénin. Même son de cloche du côté du Front des organisations nationales contre la corruption (Fonac).

Pour son président Jean-Baptiste Elias, depuis les 10 dernières années à savoir les 8 ans du président Talon et les 2 ans qui ont précédé, l’évolution de la lutte contre la corruption se fait en dents de scie. « Il y a des avancées, il y a des résultats en plateau, il y a dégringolade et puis, ça remonte. Autrement dit, depuis ce temps, nous avons eu, avec l’Indice de perception de la corruption de Transparency International des notes variant de 36 points sur 100 à 43 points sur 100. Ça veut dire que nous n’avons jamais eu la moyenne. Et ce n’est pas seulement le Bénin. Le classement nous a permis de nous mettre soit à la 95e place sur 180, soit à partir du 72e place sur 180 », laisse entendre Jean-Baptiste Elias. Pourtant, ce n’est pas la volonté de lutter contre la corruption qui a manqué. A chaque avènement d’un nouveau régime, le nouveau locataire de la Marina (Présidence du Bénin) affirme sa volonté de lutter contre ce phénomène, véritable gangrène pour l’économie nationale.

« Depuis l’époque coloniale au 1er août 1960, date de l’Indépendance de Dahomey devenu Bénin, jusqu’à ce jour, les gouvernements successifs de notre pays ont essayé de faire ce qu’ils ont pu dans le domaine de la lutte contre la corruption. Il est à rappeler que déjà en 1964, le président Justin Tomêty Ahomadégbé avait déjà commencé par annoncer la couleur en matière de lutte contre la corruption. N’oubliez pas qu’au cours de la période révolutionnaire, le président de la République a dit une phrase célèbre : je gagne 15f par mois, cela me suffit. C’est ma solde. Je veux que vous compreniez qu’à partir du 26 octobre 1972, s’il y a trois hommes qui gagnaient inutilement 25f par mois, à partir du 26 octobre 1972, les 75f resteront dans les caisses de l’Etat. C’est une révolution. Et au cours de cette même période révolutionnaire, il y a eu beaucoup de gens qui ont été radiés de la fonction publique pour des faits de corruption. A la période démocratique, le président Nicéphore Soglo est arrivé et a dit, je vais fait rendre gorge aux pilleurs de l’économie nationale. Le président Mathieu Kérékou II est arrivé et a mis en place la Cellule de moralisation de la vie publique que feue Anne Cica Adjaï a présidée. Quand le docteur Yayi Boni est arrivé, il a fait la Marche verte contre la corruption. Enfin, le président Patrice Talon est arrivé et il a déclaré je ferai de la lutte contre la corruption un combat de tous les instants », rappelle Jean-Baptiste Elias. Tout ceci pour montrer que tous les régimes qui se sont succédé ont toujours à cœur la lutte contre la corruption parce que c’est un élément important d’investissement. « Qui ne veut pas avoir de l’argent pour faire les programmes développement ? Tout le monde le veut. Tout dirigeant veut de l’argent, or la corruption fait envoler l’argent des caisses de l’Etat et donc il faut tout faire pour que l’argent de l’Etat reste dans la caisse de l’Etat et pour qu’on puisse s’en servir pour travailler », a poursuivi le président du Fonac. Revenant sur la volonté exprimée par le Président Patrice Talon d’abord quand il prenait le pouvoir en 2016, ensuite après sa réélection en 2021, le Secrétaire exécutif de Social Watch Bénin trouve qu’on ne peut s’en tenir aux mots. Il faut juger Patrice Talon par les actes.

Le cadre institutionnel secoué sous Talon : un recul

Tout comme le vide constaté dans la protection des lanceurs d’alerte, l’essentiel des reculs constatés ces 10 dernières années résulte de l’abrogation de la loi N°2011-20 du 12 octobre 2011 précédé de la dissolution de l’Autorité nationale de lutte contre la corruption (Anlc). A la demande des autorités de la République du Bénin, une équipe relevant de plusieurs départements du FMI (FAD, LEG et MCM) a conduit une mission de Diagnostic de la Gouvernance sur la période courant du 7 juin au 27 septembre 2022. La mission a rendu public un Rapport diagnostic de la Gouvernance. On y lit : « Le cadre légal et institutionnel de la lutte contre la corruption a été profondément modifié depuis 2020, avec l’abrogation de la loi de 2011 sur la lutte contre la corruption et la suppression de l’Autorité Nationale de Lutte contre la Corruption (ANLC). La lutte contre la corruption est désormais pour l’essentiel juridictionnalisée, au travers de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) créée en 2018, qui s’appuie sur la Brigade Economique et Financière (BEF). La publication des jugements de la CRIET et de statistiques sur son activité renforcerait toutefois son autorité et sa légitimité. Un Haut-Commissariat à la Prévention de la Corruption (HCPC), rattaché à la Présidence de la République, n’a pas encore été rendu opérationnel. L’abrogation de la loi de 2011, partiellement remplacée par des dispositions introduites dans le Code Pénal et par la loi HCPC, laissent subsister des lacunes par rapport aux bonnes pratiques et aux engagements internationaux souscrits par le Bénin : absence de protections suffisantes pour les lanceurs d’alerte, pas de régime juridique des conflits d’intérêt, un cadre très insuffisant pour les déclarations de patrimoine, qui ne prévoit notamment pas leur publication pour les personnalités de haut rang.

S’inspirant donc du Rapport diagnostic de la gouvernance du Fonds monétaire international, Social Watch Bénin soutient qu’il y a des pans de la loi N°2011-20 du 12 octobre 2011 abrogée qui ont été abandonnés. Exemple, la déclaration de patrimoine. En dehors des personnes qui sont assujettis du point de vue de la Constitution, le chef de l’Etat et les membres du gouvernement, cette loi a été élargie en 2020, à la faveur de la création du Haut-commissariat pour la prévention de la corruption. Aux dires de Jean-Pierre Dégué, « La disposition qui demande la déclaration de biens des élus et autres hautes personnalités est suspendue depuis 2020 jusqu’à ce qu’en Conseil des ministres, il y ait une nouvelle liste des personnes assujetties qui soit prise par décret. Jusqu’à ce jour, cela n’est pas fait. Déjà nous sommes dans un régime de déclarations. Les gens déclarent mais après, quel est le contrôle qu’on en fait, puisque les déclarations sont déposées au niveau de la Cour des comptes et aussi dans certaines juridictions. Déclarer les biens, d’accord mais quel contrôle on fait ? La personne a-t-elle fait une fausse déclaration ? Or, la fausse déclaration est punie. A Social Watch, déjà l’année dernière, nous avons dit que force est de constater qu’en dehors de la volonté politique, et de certaines réformes, parce qu’il faut reconnaitre la réforme de la Criet, nous avons dit que l’hydre de la corruption, tel un cancer, continue de gagner du terrain et de ronger l’économie et la qualité des services et des investissements, en témoignent les nombreux cas de corruption et autres infractions connexes qui, fort heureusement, ne sont pas étouffés par le politique et continuent de défrayer la chronique en dépit du dispositif répressif, en dépit de l’existence de la Criet. Ce qu’on peut saluer, c’est qu’il y a des cas qui ne sont pas étouffés par le politique mais on se surprend à se demander pourquoi les gens ont encore l’audace de poser des actes de corruption malgré l’existence de la Criet », laisse entendre le Secrétaire exécutif de Social Watch.

Pour le président du Fonac Jean-Baptiste Elias, l’abrogation de la loi 2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes en République du Bénin est un recul important. Il soutient qu’en abrogeant la loi, il y a les dispositions du Code pénal de 2018 qui ont pris en compte un certain nombre d’éléments et qui, malheureusement, ont réduit également un certain nombre d’éléments. A titre d’exemple, alors que la loi 2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes en République du Bénin a prévu des sanctions pour les conflits d’intérêt, dans le Code pénal, on retrouve très peu de place pour réprimer les conflits d’intérêt. « Et comme vous le savez aujourd’hui dans le pays, au niveau des municipalités, des directions générales, des directions techniques, des ministères et au niveau de la Présidence de la République, beaucoup de problèmes de conflits d’intérêts se posent. Et c’est un recul. Comme recul, il y a eu aussi des baisses de peines. Alors que la loi avait prévu des peines un peu plus lourdes pour les cas de corruption, le Code pénal a réduit les peines. L’autre recul important, c’est le délai de prescription des délits de corruption. Alors que dans la loi du 2011-20 du 12 octobre 2011, le délit de prescription était de 20 ans, et les 20 ans couraient à partir du jour où on a découvert l’infraction, dans le Code pénal de 2018, qui est en vigueur à ce jour, le délai de prescription pour un délit est de 6 ans. Donc il y a eu un recul. Les 6 ans courent à partir du jour où l’infraction a été commise. Autrement dit, si quelqu’un a la protection d’une manière ou d’une autre, et qu’il commet un délit de corruption, si on ne le prend pas avant 6 ans, on ne peut plus le poursuivre. C’est un recul également ».

Dans une communication sur l’évolution du cadre juridique de lutte contre la corruption au Bénin, l’expert en Gouvernance et Démocratie Gervais Loko a souligné que par la loi n°2011-20, le Bénin a internalisé l’essentiel des dispositions de la Convention des Nations unies contre la corruption et de la Convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption. A ses dires, depuis son avènement en 2011, cette loi a constitué le principal texte législatif qui porte à la fois les mesures de prévention, de détection, de répression et de coopération judiciaire sur la corruption et autres infractions connexes. « Mais depuis au moins 2018, l’adoption de nouveaux textes a progressivement repris la plupart des dispositions de la loi n°2011-20 au point de la dépouiller de sa substance avant son abrogation formelle par la loi n°2020-23 du 29 septembre 2020 modifiant et complétant la loi n°2012-15 du 18 mars 2013, modifiée, portant Code de procédure pénale en République du Bénin. Du fait de l’abrogation de la loi n°2011-20, le Bénin recule sur plusieurs acquis essentiels de sa politique anti-corruption. La plupart des dispositions de la loi n°2011-20 se trouvent écartelées entre plusieurs textes législatifs », souligne l’expert en Gouvernance et Démocratie, Gervais Loko.

La Criet oui, mais peut mieux faire

S’il y a une avancée dans la lutte contre la corruption sous le régime Talon, l’unanimité se fait autour de la Loi n°2018-13 du 02 juillet 2018 relative à la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme Criet modifiée par la loi n°2020-07 du 17 février 2020. Mais à des degrés divers. Aux dires du Secrétaire exécutif de Social Watch Bénin, la Criet occupe une place importante dans l’organisation judiciaire du pays parce qu’elle est en amont et en aval de la lutte contre la corruption. « Si les infractions sont commises, on voit que la Criet gère ça en un temps relativement court et les peines sont sévères », reconnait-il. Seulement, Jean-Pierre Dégué trouve qu’on a ajouté trop de charges à cette juridiction. « Par exemple, elle est compétente pour les questions de terrorisme. Aujourd’hui on mène une lutte contre la corruption et le blanchiment de capitaux ensemble. Elle est compétente pour les infractions commises par les moyens électroniques. On lui a encore ajouté les infractions à raison du genre. Je pense qu’on est en train d’ajouter trop de matières à cette Cour de sorte qu’on risque de ne pas avoir assez de lisibilité sur la lutte qu’elle mène réellement contre la corruption. En plus, pour que les dossiers de détournement de fonds soient de la compétence de la Criet, il faudrait, selon la loi qui modifie la Criet en 2020, un montant seuil de 10 millions FCFA d’abord. Donc tous les autres dossiers de détournement qui n’atteignent pas ce seuil, doivent pouvoir être gérés par les autres juridictions. La loi est claire. Mais il se peut qu’il y ait une confusion et quand c’est corruption seulement, on dit que c’est la Criet qui est compétente. Alors que les autres tribunaux sont encore toujours compétents pour connaitre des dossiers qui sont inférieurs à 10 millions FCFA. Mais dès lors que dans un dossier, l’officier de police judiciaire, dans son PV, va mettre blanchiment de capitaux, les autres tribunaux disent on n’est plus compétent. C’est pour cela que tout revient au niveau de la Criet », laisse entendre le Se Social Watch. Pour lui, la Criet embrasse trop de choses et cela risque de déteindre sérieusement sur son action en matière de répression de la corruption. De même, il estime que la Criet, contrairement à ses débuts, ne fait plus tellement peur. La preuve, tous ces dossiers de corruption qui ont encore cours. A ses dires, la cause est simple. « On a abrogé la loi sur la corruption ; le Code pénal a adouci les peines, en les réduisant. Nous avons encore un cas emblématique de la corruption, c’est le siège de l’Assemblée nationale qu’on est en train de démolir sans que personne ne soit poursuivie. Or, il y a eu un Conseil des ministres qui a dit qu’il aura des poursuites, qu’il aura des recouvrements. Mais jusque-là, qui est poursuivi ? Quel est le point périodique qu’on fait aux citoyens pour les informer de ce qui est fait, les personnes poursuivies, etc. Même si on dit la justice est muette, on voit le Procureur quand même sur certains dossiers. On sent qu’il y a une protection de certaines personnes et ça donne l’impression d’une impunité », soutient Jean-Pierre Dégué.

Quant à l’action même de la Criet, dans une communication intitulée : « Etat de la répression de la lutte contre la corruption au Bénin : cas de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme », le magistrat Edouard Cyriaque Dossa, président de la Criet, a fait le point des dossiers de corruption vidés par la Criet depuis sa création en 2018. On retient que de 2018 au 30 mai 2023, la Criet a connu 50 dossiers de corruption. Pour lui, ses chiffres démontrent l’intensité de la répression de la corruption à la Criet. Mais de là à dire que la Criet fait plus que les juridictions de droit commun en matière de répression de la corruption, le président du Fonac n’est pas d’avis. Même si Jean-Baptiste Elias reconnait que la création de cette juridiction spéciale est une avancée, on ne peut pas non plus lui décerner la palme d’or, en matière de répression de la corruption. « Nous avons pris des statistiques au niveau de la justice dans 14 tribunaux de première instance sur une période de 5 ans et nous avons pris également les statistiques au niveau de la Criet pour les cas de lutte contre la corruption. Selon le président de la Criet, entre 2018 que la Criet a été créée jusqu’à mai 2023, il y a eu à peu près 50 cas de corruption que la Criet a eu à connaître, puis quand nous comparons les 5 ans avant en matière de lutte contre la corruption déférée devant les 14 tribunaux de première instance à travers le pays, on a trouvé plus de 50 cas. Autrement dit, les gens ont été également condamnés mais on n’a pas l’information. La Criet se trouve à Cotonou et régit tout le Bénin alors qu’avant, les tribunaux de première instance qu’il y a à Natitingou, Parakou, Lokossa, Allada, Abomey-Calavi, Ouidah, Porto-Novo, etc. jugent des cas de corruption. Juste qu’on n’avait pas l’information et on croyait que les cas de corruption n’étaient pas jugés. C’était bien jugé par les tribunaux de première instance jusqu’à la création de la Criet qui, désormais, en matière de corruption et de délinquance financière juge sur toute l’étendue du territoire national », confie Jean-Baptiste Elias.

Nomination du Haut-commissaire à la prévention de la corruption

Après l’abrogation de la Loi N°2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes en République du Bénin, il a été pris la Loi n°2020-09 du 23 Avril 2020 portant création, organisation et fonctionnement du Haut-Commissariat à la prévention de la corruption en République du Bénin. Mais ce n’est que le mercredi 12 juin 2024 que le Haut-commissaire à la prévention de la corruption a été nommé. Il a nom, l’ancien bâtonnier Jacques Migan. Durant 4 ans, soit de 2020 à 2024, le Haut-commissariat à la prévention de la corruption est resté non opérationnel. Mieux vaut tard que jamais. Mais, le Haut-commissaire a-t-il vraiment les coudées franches pour travailler ? Jean-Baptiste Elias pense que non. « Il appartient à ce Haut-commissaire d’avoir les coudés franches pour travailler afin d’avoir des résultats concrets. Ce qui est certain, le Fonds monétaire international (Fmi) a fait un diagnostic sur le Bénin en matière de lutte contre la corruption, a déposé son rapport en février 2023 et a fait des recommandations à l’Etat béninois. Entre autres, il fallait revoir la loi créant le Haut-commissariat à la prévention de la corruption pour y mettre les éléments concrets devant se mettre en phase avec la Convention des Nations Unies contre la corruption. Pour être plus concret, donner l’indépendance réelle au Haut-commissaire et au Haut-commissariat à la prévention de la corruption parce que ce n’est pas le cas actuellement. On a dit qu’il est indépendant mais il n’est vraiment pas indépendant. Deuxièmement, il est nommé par le Président de la République. Troisièmement, il a prêté serment devant le Président de la République. Quatrièmement, le Président de la République peut le révoquer pour faute lourde. La faute lourde n’est pas définie dans la loi. On peut se lever un jour pour dire tu as fait ceci, c’est une faute lourde, je te révoque. Autant de choses qu’il faudrait clarifier dans une loi complémentaire au Haut-commissariat à la prévention de la corruption. Ensuite, il est dit que le personnel avec lequel il va travailler, c’est le gouvernement qui va lui donner ce personnel-là. Ça ne marche pas. L’indépendance est où ? voilà autant de problèmes que le Fmi a soulevés et qu’il faut corriger. Ensuite, les principes de Jakarta qui font bloc avec la Convention des Nations Unies contre la corruption. Il a été pris en novembre 2012 à Jakarta et a posé 16 principes dans lesquels l’indépendance de l’institution doit être garantie, la mise en place des finances pour faire le travail doit être garantie, pas d’immixtion dans le travail que doit faire la structure. Est-ce que tout ça est respecté pour le Haut-commissaire, j’en doute fort. Voilà autant de choses qui ont été bien précisées dans le rapport du Fmi », laisse entendre le président du Fonac Jean-Baptiste Elias.

Pour le Secrétaire exécutif de Social Watch, « La volonté politique, si elle est sincère, c’est aussi dans le choix des personnes appelées à diriger nos institutions. Dans le passé, on ne doit pas voir ces personnes comme des gens qui chantent les louanges du gouvernement, des défenseurs d’un camp. Ils doivent être des personnalités non marquées, non colorées. La lutte contre la corruption exige cette neutralité, cette impartialité. C’est vrai que dans la Convention, la prévention est la première étape. Elle est très importante. Maintenant, il faut l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. Il faut que ceux qu’on met à la tête soient des gens qui aient fait leurs preuves, que dans leur passé on voit qu’ils s’étaient engagés dans la lutte contre la corruption et la promtion de l’intégrité comme valeur. Ces gens doivent être reconnus comme tels par les différentes parties prenantes. La lutte contre la corruption est tellement sensible pour qu’on la confie à des gens qui auraient des relents de partisans. Il faut que les hommes nommés à cette tâche aient des profils et des expériences avérés et que ce soient des gens moins colorés politiquement. Des gens qu’on doit reconnaître comme des personnalités intègres.

Il est encore possible de corriger le tir

Pour les acteurs de la Société civile impliqués dans la lutte contre la corruption, l’abrogation de la Loi N°2011-20 du 12 octobre 2011 est un véritable coup de boutoir assené à la lutte contre la corruption, de telle sorte qu’il y a un doute sur la volonté politique exprimée. Tant la loi abrogée avait tout prévu pour une lutte efficace. Aux dires du Secrétaire exécutif de Social Watch Bénin, Jean-Pierre Degue, avec la Criet, s’il avait encore l’Autorité nationale de lutte contre la corruption et une bonne harmonie, l’Autorité était le bon moyen pour que la Criet ait des clients. Cependant, puisqu’il faut faire avec l’existant, il suggère la révision de la loi sur la Haute cour de justice. « Une véritable lutte contre la corruption au Bénin passe par la révision des textes de loi sur la Haute Cour de justice, elle qui doit pouvoir poursuivre les membres du gouvernement et les députés auteurs de crimes économiques mais qui s’est retrouvée immobile à cause des lois qui l’encadrent. Il faut réviser la loi pour faciliter son travail. Aujourd’hui, le ministre n’est pas inquiété tout simplement par ce qu’il aura commis, il ne craint pas la Haute Cour de justice. Les députés ne sont pas inquiétés. Et la Haute Cour de justice ne peut pas conduire un processus à son terme à cause des incohérences dans la loi qui l’organisent. C’est comme un chien qui aboie mais qui ne peut pas mordre. Pour Jean-Baptiste Elias, aucune structure ne peut réussir à elle seule à lutter efficacement contre la corruption. « C’est la conjugaison des trois structures à savoir les structures étatiques, les structures de la Société civile, les structures du secteur privé qui vont permettre d’atteindre les objectifs de lutte contre la corruption. Il faut revoir l’article 550 du code numérique qui porte sur le « harcèlement par le biais d’une communication électronique » et prévoit jusqu’à deux ans d’emprisonnement et/ou des amendes pouvant atteindre dix millions de francs CFA pour permettre que les médias fassent leur travail et que les citoyens qui ont des informations puissent les dénoncer comme c’est prévu afin que la lutte contre la criminalité financière d’une part, contre la corruption d’autre part, puisse marcher normalement pour le bien de la population béninoise », recommande le président du Fonac.

« Le Bénin peut mieux faire en matière de lutte contre la corruption. Il faut que la volonté exprimée par les uns et les autres soit sincère et non juste des mots qui n’engagent que ceux qui y croient. Ou on veut faire la lutte ou on ne veut pas la faire », déclare Jean-Pierre Dégué.

Bertrand HOUANHO

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