(Avoir une nouvelle naissance, c’est avoir un nouvel emploi et un nouvel engagement face à l’humanité)

La campagne 2024 de soutien à l’allaitement maternel s’est tenue du 1er au 07 août 2024. Le thème de cette campagne est : ‘’combler l’écart : soutien à l’allaitement maternel pour toutes’’. Ce soutien, selon l’Organisation mondiale de la santé (Oms), porte entre autres sur des politiques et attitudes qui valorisent les femmes et l’allaitement maternel. Pourquoi cet intérêt pour l’allaitement maternel ? Fiacre Alladaye, agro-nutritionniste, répond.

Matin libre : Monsieur Alladaye d’entrée, pourquoi une semaine complète pour célébrer l’allaitement maternel ?

L’allaitement maternel est au début de toute l’humanité. Plus qu’une simple question d’alimentation du nouveau-né, il s’agit de donner à un individu, dès les premiers mois de sa naissance, le nécessaire voire l’indispensable pour mener une vie active, saine, et très productive. L’allaitement maternel est un facteur incontournable de développement durable. Ceci se traduit d’ailleurs par le thème retenu cette année au niveau mondial « Allaitement maternel, source de développement durable ».

C’est donc au vu de l’importance de l’allaitement maternel combien de fois capitale dans la vie d’un être humain et de la société que l’Organisation mondiale de la santé (Oms) a décrété la semaine du 1er au 07 août de chaque année pour célébrer, promouvoir, et soutenir l’allaitement maternel.

Quels sont les avantages de l’allaitement maternel et en quoi peut-il être source de développement durable ?

La durabilité du développement dépend d’une économie efficace, socialement équitable et écologiquement soutenable. Le lait maternel est une ressource naturelle, inépuisable, disponible, et accessible dans tous les ménages. Sa production est gratuite. Elle ne dépend d’aucune industrie et ne produit aucun déchet de fabrication. L’allaitement maternel se déroule sans concurrence et ne constitue pas un obstacle à la productivité. Les avantages de l’allaitement maternel continuent d’être découverts. Toutefois, on remarque déjà qu’il est bénéfique aussi bien pour le nouveau-né, la maman, la famille que pour toute l’humanité.

Pour le nouveau-né, l’allaitement maternel apporte en quantité et en qualité suffisantes, l’essentiel pour son bien-être jusqu’à l’âge de six mois. Le lait maternel est le meilleur vaccin et le médicament idéal pour le nouveau-né. Il renforce le système immunitaire de l’enfant par les anticorps transmis de la mère à l’enfant et protège le nouveau-né contre les infections gastro-intestinales, les infections respiratoires, les pathologies chroniques (obésité, diabète…) et autres maladies infantiles. Il contient tous les éléments nutritifs nécessaires pour le bon développement physique et intellectuel du bébé.

On y trouve les protéines, les glucides, les lipides, les vitamines, et les sels minéraux ainsi que l’eau en quantité suffisante. Pour la mère, l’allaitement maternel réduit les risques de saignement post-partum, les risques de cancers des ovaires, des seins, et les risques d’obésité. Il faut aussi rappeler que l’obésité est un facteur de risque facilitant le diabète, les maladies cardio-vasculaires, l’hypertension artérielle, l’ostéoporose… L’allaitement maternel rend les mamans plus confiantes, calmes, et moins anxieuses.

Il est aussi le moyen idéal, le plus naturel pour espacer les grossesses. Il retarde l’apparition des menstrues. L’allaitement maternel est prouvé par les scientifiques et même recommandé par l’Oms comme contraception naturelle. Pour la famille et la société, il est, par excellence, le canal par lequel, le bébé communique avec sa mère. Il crée donc un lien affectif entre la maman et son enfant. L’allaitement maternel ne pèse pas sur le budget des familles. Il protège l’environnement.

On ne dénote, en effet, aucune forme de pollution induite par la production, le transport, la préparation du lait. Par ailleurs, l’allaitement maternel préserve les ressources naturelles. On n’observe pas de gaspillage d’eau, ni de combustibles… L’allaitement maternel est donc un facteur de lutte contre les effets du changement climatique. Il assure la sécurité alimentaire et nutritionnelle et garantit un développement durable et certain.

Nous avons constaté que la richesse et les bienfaits de l’allaitement maternel semblent être méconnus. Malgré les multiples efforts consentis par le gouvernement en collaboration avec les partenaires techniques et financiers, la population béninoise ne se rend pas compte de cette richesse ou l’exploite mal. Selon le rapport de l’enquête démographique et de santé du Bénin (Edsb-IV, 2011-2012), seulement un enfant sur deux est mis au sein l’heure qui suit la naissance (50,4%) ; près d’un enfant sur cinq reçoit des aliments avant d’être allaité (18,1%) ; et seulement un tiers des enfants de moins de six mois sont exclusivement allaités (32,5%). Or, les enfants non allaités ou mal allaités constituent une source énorme de dépenses pour leurs familles. Ils sont prédisposés à des maladies, sources de gaspillage de fortunes et accusent un grand retard de croissance.

Le Bénin, jusqu’à nos jours, compte plus d’un enfant sur trois atteints de retard de croissance avec des conséquences irréversibles. Ses statistiques, s’expliquent par les pesanteurs socio-culturelles qui empêchent les mères béninoises de bien allaiter leurs enfants. Pire, de nombreuses mères ne savent pas pourquoi allaiter, comment allaiter, comment contourner les pesanteurs socio-culturelles, la durée de l’allaitement maternel, et d’autres détails très utiles.

Parlant de ces pesanteurs, nous avons par exemple, le poids des belles familles ou autres qui imposent aux mères de donner très tôt des tisanes, bouillies, etc, aux nouveau-nés alors même que tout ce qui est consommé par la mère, le nourrisson reçoit sa part par le biais de l’allaitement. C’est aussi courant d’entendre que l’enfant qui s’accroche trop au lait maternel devient paresseux. Ce sont en réalité des considérations qui vont en désavantage de la croissance de ce dernier. La situation est aggravée par les hommes qui ne se sentent pas concernés par l’allaitement maternel, toute chose qui décourage les mamans et conduit à un allaitement maternel mal exécuté.

Comment donc allaiter ?     

Le lait doit être directement sucé des seins de la mère de l’enfant pour éviter toute forme de contamination. Mais certaines situations obligent les mamans à tirer le lait et parfois à le conserver. Toutefois, aucune étude scientifiquement approuvée ne certifie les différentes durées de conservation. Néanmoins, la conservation du lait maternel nécessite des conditions d’hygiène et de matériels adéquats qui ne sauraient être réunis que dans les laboratoires.

Certains auteurs conseillent la conservation du lait maternel pendant plusieurs jours (au réfrigérateur) même jusqu’à quatre mois (au congélateur) mais nulle part, ils n’ont mentionné la composition nutritionnelle du lait après ces durées de conservation. Concernant la montée du lait, la succion parfaite par le bébé reste le meilleur mode d’excitation qui déclenche la sécrétion du lait maternel. La montée normale du lait survient après 48 à 72 heures, durée de conversion du colostrum en lait maternel. Par ailleurs, pour une bonne montée du lait, l’adoption des bonnes positions d’allaitement est nécessaire.

Généralement, trois positions sont admises (Ndlr : voir images) : position «berceau » ou de la «madone », position «couchée», et celle du «ballon de rugby». L’essentiel est que la maman et son bébé soient en positions correctes pour ne sentir aucune douleur. La position la plus classique est celle de la «madone». Le  bébé est face à sa maman, ventre contre ventre, l’avant-bras de la maman est contre le dos du bébé et la paume sous ses fesses. L’oreille du bébé ne touche pas son épaule et sa tête est légèrement inclinée en arrière. Avec la 2ème main, la maman peut insérer le sein dans la bouche de l’enfant. La bouche doit envelopper la grande partie de l’aréole. Le menton du bébé doit toucher le sein et le nez un peu dégagé.

Votre mot de la fin

Le lait maternel ne peut être reproduit d’aucune manière artificielle. Il est unique dans sa composition et dans sa fonction à commencer par le colostrum. Le lait maternel est le seul aliment et médicament du nouveau-né jusqu’à six mois d’âge sauf prescription contraire d’un médecin. Notamment, en cas d’absence ou d’insuffisance de montée laiteuse (Ndlr : voir Matin Libre du mercredi 08 juin 2016). Après l’âge de six mois, il est conseillé d’introduire les aliments de complément et ceci, en continuant l’allaitement maternel jusqu’au 23ème mois d’âge de l’enfant. L’allaitement maternel doit être exclusif pendant les six premiers mois de la vie et se poursuivre jusqu’à l’âge de deux ans pour l’enfant. Chères mamans, avoir une nouvelle naissance, c’est avoir un nouvel emploi et un nouvel engagement face à l’humanité.

Propos recueillis par Cyrience Fifonsi KOUGNANDE

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