L’œuvre attire la curiosité des amoureux de l’histoire du Danxomè, en l’occurrence celle des Amazones. Les témoignages pleuvent déjà sur la qualité de la Bande dessinée « Tata Adjatchè ». Son auteur, Tiburce Adagbè, livre ici ses motivations, l’histoire derrière « Tata Adjatchè » et l’accueil à elle réservé par le public. Interview…
Matin Libre : Présentez-vous à nos lecteurs
Tiburce Adagbè : Je suis Tiburce Tolidji Adagbè, homme des médias, analyste politique, amoureux de culture et d’histoire.
Vous venez de sortir un nouvel ouvrage intitulé « Tata Adjatchè ». Pour quelqu’un qui connait votre niveau d’écriture, on se demande pourquoi avoir choisi le genre Bande dessinée pour cette œuvre ?
Ce genre m’a paru le plus approprié par rapport à l’objectif que je me suis fixé et qui est de rendre notre histoire disponible à un public plus large. Vous n’êtes pas sans savoir que mon ouvrage « Mémoires du chaudron » s’adressait beaucoup plus à l’élite, notamment la classe politique et un peu au-delà. Mais s’agissant du processus d’appropriation de notre histoire par les populations, je me suis dit qu’il fallait trouver un genre beaucoup plus ouvert et plus facile d’accès. Avec la Bande dessinée, même si vous ne voulez pas lire, vous pourrez au moins regarder les dessins. Le dessin étant le langage le plus universel que l’humanité ait inventé, cela permet de communiquer sans frontière. L’écriture est née du dessin.
Les hiéroglyphes étaient d’abord des dessins. Pareil pour les peintures rupestres dans les grottes. L’homme a dessiné avant d’écrire. Voilà la raison du choix de la Bande dessinée pour cette œuvre.
D’où est partie l’idée de la rédaction de cet ouvrage ?
Le déclic est parti de l’inauguration de la statue de l’Amazone. Je me rappelle encore la vague de polémiques suscitée sur les réseaux sociaux par l’identité de l’Amazone et surtout par la pertinence d’ériger ce genre de monument. Vous convenez avec moi que la place de l’Amazone a énormément de succès et est devenue un passage obligé pour tout visiteur de Cotonou.
Cependant, très peu connaissent l’histoire des Amazones. Quand vous faites découvrir cette place à un touriste et que vous n’êtes pas capable de lui raconter l’histoire des Amazones, ça pose un problème de cohérence dans votre démarche. Il était donc important de documenter l’histoire des Amazones. Je ne suis pas le premier à le faire. Mais j’ai voulu être le premier à utiliser une histoire vraie d’Amazone, pour ouvrir une fenêtre sur cette partie de notre histoire afin que désormais la statue de l’Amazone ait une vie et un visage humain.
De quoi parle concrètement l’ouvrage ?
L’histoire parle d’une Amazone de l’armée royale du Danxomè. Au départ jeune captive holli du village Ekpo, elle a, par ses exploits sur les champs de bataille dans le corps d’élite des Agoodjiés, attiré le regard du roi. Le monarque en a fait son épouse. Cette histoire m’a parlé, moi qui suis le produit d’une transculturalité assumée. Mon père est originaire d’Abomey avec des ascendants nagots de Kaboua, ma mère est des Collines et moi-même je suis né au Nord du Bénin où j’ai grandi. J’ai trouvé l’histoire de cette Amazone très intéressante pour corriger certains clichés qui ne nous rendent pas service.
Quand la statue de l’Amazone a été inaugurée, il y a eu quelques murmures. Mais la vérité est que l’image de l’Amazone a toujours transcendé les limites ethniques. Tata Adjatchè nous montre que les Amazones n’étaient pas que des femmes fons. La preuve, elle s’appelle Adjatchè, un nom qui situe ses origines géographiques dans la région de Ouémé.
Cette histoire nos montre que les interpénétrations culturelles ne datent pas d’aujourd’hui. Il est vrai que les efforts continuent et doivent continuer d’être faits dans ce sens. Mais quand on parle du royaume de Danxomè, ce n’est pas qu’une affaire de Fons. La dynastie des Agassouvis qui a régné sur cette partie du pays pendant trois siècles est Adja de Tado. Vous n’êtes pas sans savoir que de grands dignitaires du royaume du Danxomè étaient venus d’ailleurs. L’exemple des collectivités Djissa, Guèdègbé, Nondichao pour ne citer que ceux-là. Il y a des clichés que cette bande dessinée est appelée à corriger. Les Amazones ne doivent plus être vues comme des symboles ethniques. Beaucoup d’entre elles étaient Mahi, Nago, Houeda, Aïzô, Kotafon, Wachi…
Pourquoi avoir choisi ce titre ?
Tata Adjatchè est le nom de l’Amazone qui a été évoquée dans l’ouvrage. Ce nom lui a été attribué quand elle est devenue reine. Je l’ai conservé comme titre de la BD.
Quel est l’engouement que cet ouvrage a suscité ?
L’engouement est grand. Il y a eu une réaction du public au-delà de mes attentes. Il est vrai que le succès de la place de l’Amazone préfigurait l’intérêt qui serait accordé à un ouvrage sur la même thématique, mais j’ai été très surpris par la force de la demande.
A quel public est destiné cet ouvrage ?
C’est un ouvrage destiné à tout le monde Pas seulement aux enfants comme le pensent beaucoup de personnes. Nous avons différents types de BD. Il y a des BD pour enfants, des BD jeunesse, des BD pour adultes et puis des BD historiques. Ces dernières sont réalisées sur la base des documentations précises et d’histoires vraies. Tata Adjatchè a été écrit afin que les adultes et les enfants puissent s’y retrouver.
Votre mot de fin
Je suis satisfait de l’accueil réservé à cet ouvrage et j’espère avoir apporté en toute modestie ma pierre à la revisitation de l’histoire du Bénin de manière à la rendre utile pour le présent et l’avenir.
Transcription M.M