Sous réserve de la promulgation de la nouvelle loi organique sur le Conseil économique et social (Ces), les syndicalistes n’y siégeront plus. Après la décision de la Cour Constitutionnelle attestant de la conformité de la nouvelle loi organique, on s’aventure inexorablement vers une réalité inédite. S’il est évoqué comme raison, le défi d’efficacité de l’institution, la question est perçue diversement dans l’opinion. Certains observateurs y voient, un autre moyen de contraindre les confédérations et centrales syndicales au silence…
Les syndicalistes sont-ils devenus si gênants sous la Rupture ? Doit-on voir un règlement de compte à travers l’éjection des syndicalistes du Conseil économique et social ? Les syndicalistes paient-ils pour les dernières manifestations de protestation contre la cherté de la vie et la gouvernance Talon ? Tellement de questions taraudent les esprits des béninois depuis l’adoption de la nouvelle loi organique par le parlement béninois. En effet, après plusieurs années d’accalmie et malgré la restriction du droit de grève et des menaces sur les libertés fondamentales, les centrales et confédérations syndicales ont haussé le ton.
Plus important, il a été organisé une série de marches de protestation, pour la plupart réprimées par la police républicaine. Des secrétaires généraux des centrales syndicales ont été même arrêtés et gardés pendant de longues heures avant d’être relâchés. Intrépides, ces derniers étaient loin d’abdiquer et de renoncer à la lutte qui se voulait, celle du peuple, celle des travailleurs. Ce réveil, pourtant jugé tardif dans l’opinion, semble loin de plaire aux décideurs. S’il est difficile de faire le lien avec l’introduction de la nouvelle loi organique sur le Conseil économique et social au parlement, l’évidence est que la question a été agitée dans l’opinion quelques semaines seulement après les mouvements d’humeur des syndicalistes.
“Je ne fais pas du tout un lien avec dans la mesure où les organisations syndicales ne sont pas les seules organisations qui n’ont plus la possibilité de désigner un représentant au niveau du Ces“, laissait entendre Appolinaire Affewe, secrétaire général de l’Union nationale des syndicats des travailleurs du Bénin (Unstb) dans un entretien accordé à Le Matinal. Toutefois, il admet qu’aucun reproche n’a été fait fondamentalement aux syndicalistes représentés dans les anciennes mandatures du Ces. Pourquoi sont-ils alors exclus maintenant ? La question reste toute posée.
La quête d’efficacité comme raison d’exclusion…
Des interventions des syndicalistes, il ressort que la quête d’efficacité serait la raison ayant motivé la relecture de la loi organique sur le Conseil économique, donc de l’exclusion des syndicalistes et autres organisations de la société civile. Pour Anselme Amoussou, dans des propos rapportés par le quotidien du service public, les coupables de l’inefficacité du Ces doivent plutôt être recherchés ailleurs si tant est que l’efficacité est la raison motivant l’exclusion des syndicalistes. “L’efficacité dépend de l’implication de toutes les parties prenantes dans le jeu démocratique, telle qu’établie par la Constitution », indique Anselme Amoussou. Quant au secrétaire général de la Confédération générale des travailleurs du Bénin (Cgtb), il estime, selon ses propos rapportés par la même source, que l’efficacité de l’institution ne dépend pas de sa composante mais plutôt du respect des procédures et démarches de fonctionnement prescrites. C’est donc évident que la thèse de l’efficacité du Ces est loin de convaincre les syndicalistes.
D’ailleurs, le secrétaire général de la Confédération des syndicats autonomes (Csa-Bénin), Anselme Amoussou y voit “une sorte de planification qui a été faite pour exclure les organisations syndicales qui ont des voix dissonantes“. Le leader syndical semble bien y percevoir un nouveau moyen de faire taire les organisations syndicales. « Notre exclusion, je la perçois comme une tentative de limiter la participation de certains groupes au processus décisionnel ; ce qui peut entacher la crédibilité du Ces. En tant que membres du Ces, les syndicats peuvent participer à trouver des compromis acceptables pour toutes les parties. Et leur exclusion prive le Ces de sa capacité à prévenir et à gérer les conflits sociaux et par ricochet agir pour la paix sociale », affirme-t-il.
D’ailleurs, dans l’une de leurs premières déclarations à ce sujet, les secrétaires généraux de plusieurs centrales et confédérations syndicales avaient dénoncé une “énième forfaiture contre les organisations syndicales des travailleurs et le peuple après la dissolution du Conseil national du dialogue social, l’exclusion des représentants des syndicats des Conseils d’administration des organismes publics et parapublics, la fusion et/ou la suppression de plusieurs organes de dialogue social“.
De toute façon, il importe de s’interroger sur les réelles motivations d’une telle démarche et surtout se demander si la thérapie à l’efficacité de l’institution n’était autre que l’exclusion des organisations syndicales qui, faut-il l’admettre, restent un maillon clé dans la marche vers un véritable essor économique, social. Et le dialogue social pourrait bien en pâtir, selon certains observateurs.
“Suivant le rapport présenté par la Commission des Lois, depuis 32 ans, la structuration, la composition et le fonctionnement du Conseil économique et social ont progressivement érodé sa vitalité et sa visibilité. De plus, le rapport précise que l’évaluation de la loi n° 92-10 du 16 juillet 1992 portant loi organique du Conseil économique et social a révélé diverses insuffisances au regard de l’évolution de la société et qu’il s’est avéré impérieux de l’actualiser pour l’adapter aux nouvelles réalités de la société béninoise et la rendre plus dynamique et apte à exercer les fonctions constitutionnelles qui lui sont dévolues“ précise le quotidien du service public.
Notons qu’au terme de la nouvelle loi, le Conseil économique et social est organisé en conseils départementaux et en conseil national. Le Ces départemental est composé d’une personnalité désignée par chacun des corps de métiers ci-après : le corps des métiers du secteur agricole ; le corps des métiers du secteur de l’artisanat ; le corps des métiers du secteur du commerce et de l’industrie. Il est aussi composé de quatre personnalités désignées par l’Assemblée nationale à raison de sa configuration politique ; de deux personnalités désignées par le président de la République.
Au niveau national, le Conseil économique et social est composé: du président de chaque Ces départemental ; d’une personnalité désignée par le président de la République; de trois personnalités désignées par l’Assemblée nationale en tenant compte de sa configuration politique ; du président du patronat; du président de la Chambre de commerce et d’industrie du Bénin ; du président de la chambre des métiers et d’une personnalité du secteur des Arts et de la Culture désignée suivant les modalités fixées par décret pris en Conseil des ministres.
A.B