A Zinvié, commune d’Abomey-Calavi, ce samedi 20 juillet 2024, le ministre d’Etat Abdoulaye Bio Tchané s’est fendu d’une métaphore pour proposer à son auditoire, de rejeter le conducteur de Tokpa-Tokpa, auteur de multiples accidents hier. Celui qu’il faudra suivre en 2026, c’est celui que leur proposera Patrice Talon. Hélas, en se référant à ce mode de transport interurbain, son allégorie cache mal la faillite de Bénin-Taxi, ce projet qui, en bientôt dix ans de concurrence, à des initiatives privées plus ingénieuses et performantes comme Gozem, a montré trop de lacunes. Dès lors, Patrice Talon est-il toujours celui qui va indiquer le chemin à suivre ?
Si Patrice Talon a affirmé devant la presse que ses partisans devraient garder les bras religieusement croisés jusqu’à six mois de la Présidentielle de 2026, alors qu’il sait que l’Opposition se prépare sans désemparer pour lui succéder depuis sa percée lors des législatives de janvier 2023, ce n’est pas seulement parce qu’il pense être omniscient. S’il peut le dire sans hésitation, c’est qu’il sait que personne autour de lui, n’est assez courageux pour lui dire « Non ». A l’image du Ministre, ils sont donc nombreux, très nombreux à penser que Talon doit manger pour eux, digérer pour eux, penser pour eux, instruire pour eux, s’occuper d’eux et dessiner leur avenir pour eux ! Quand on en arrive à ce niveau de conscience, le premier dirigeant, en roue libre, peut conduire tout un pays dans n’importe quel décor. Pourvu qu’à la table, leurs places soient garanties. Ces politiciens béninois du 21ème siècle qui s’illustrent par leur incapacité à contrarier les désirs les plus fous du chef, y compris celui de se maintenir au pouvoir ou de leur imposer un successeur, avalent toutes les couleuvres, contre tout bon sens.
Code électoral sans avocat rupturien à Abuja
Plutôt que de les envoyer par cohortes successives à l’école du parti communiste chinois, c’est peut-être vers les Démocrates américains que A. Bio Tchané et J. F. Djogbénou devraient envoyer leurs personnels politiques respectifs, pour se former à l’art de dire fermement “NON” à leur leader bien-aimé. On a vu, il y a quelques mois, comment leurs députés ont en “colonnes-couvrez”, voté pour un code électoral qui a été immédiatement promulgué par son inspirateur, sans se poser des questions sur leur propre sort et surtout sur les conséquences néfastes de leur acte. Les appels à la sagesse lancés par les confessions religieuses appuyées par des experts locaux et internationaux en matière de droit et d’élections démocratiques, n’ont eu pour toute réponse qu’une surdité arrogante et l’imposition dudit code électoral au forceps. Ce serait naïf de croire que ces députés qui ont voté ce code l’ont même lu et évalué les conséquences pour leur pays.
Rien d’étonnant si les quatre honorables Nassirou Arifari Bako du Br ; Cécile Ahouamènou, Jérémie Adomahou et Issa Salifou de l’Upr sont restés muets comme des carpes, lorsque le même code électoral se faisait éventrer au parlement de la Cedeao, par le jeune député de l’opposition, Kamel Ouassangari, soutenu par le désormais très médiatique député et activiste politique sénégalais Guy Marius Sagna. Le silence, il est vrai, est parfois commode et vaut mieux que ce qu’on a envie de dire. Mais dans de telles circonstances, le silence s’assimile non pas seulement à une démission ou une grave capitulation, mais à une irresponsabilité notoire. Ainsi se construisent des gratte-ciel sur du sable mouvant. A force de tout imposer, le chef de l’Etat se rendra compte un matin que tout finira par s’écrouler.
Agbonnon et Atôtônons
L’Upr et le Br sont-ils vraiment des partis politiques ? On est en droit d’en douter quand on voit leurs dirigeants faussement silencieux sur 2026, attendant – sublime mensonge -, le mot d’ordre du père-fondateur, le grand magicien à qui tout réussit et qui, dit-on d’ailleurs, n’est membre ni de l’un, ni de l’autre des deux partis. Autrement dit, son avenir ne devrait pas dépendre de ces derniers, lui qui a affirmé urbi et orbi qu’il n’a besoin d’aucune protection politique après son retrait du pouvoir. En véritables couilles molles dont certains tutoient les quatre-vingts ans, ils sont prêts à sacrifier toute dignité et ramper devant les choix individuels de Patrice Talon. Face aux appétits de l’octogénaire Joe Biden, si ses partisans avaient adopté le même comportement, jamais le demi-Dieu qui promettait de battre Trump alors qu’il a perdu tout sens de la réalité, jamais Joe-le-dormeur n’aurait abandonné son rêve insensé. Ils auraient ainsi permis que les Usa oublient tous les crimes du personnage Trump.
Comment Talon tient-il sa mouvance pour que ses partisans soient à ce point convaincus que sa volonté individuelle primera sur celle du corps électoral béninois et sur l’intérêt général ? N’y a-t-il pas de chevaux dans son écurie qui lui ont servi depuis 2016 et qui méritent de sa part un recul respectueux à la Biden, lui pourtant son cadet de plus de 20 ans ? Il semble à vrai dire que l’homme qui avouait penser d’abord à lui-même quand il pense au pays, avait été des plus sincères et transparents sur sa nature et ses projets, face à ses partisans émasculés. Est-ce un secret aujourd’hui que le régime de Talon a atteint un niveau élevé d’impopularité ? Pourquoi donc, tout cet aéropage d’intelligences autour de Talon le laisse s’enfoncer ? Ou est-ce simplement le reflet du système installé par Talon et qui lui permet de ne tenir compte de rien, ni de personne ? Ont-ils oublié qu’ici, c’est le Bénin ? Dieu sauve ce Bénin !
Angéla IDOSSOU