(Tout sur la participation de Ouidah à la traite transatlantique)
Fait surprenant à la Place Chacha à Ouidah dans la nuit du dimanche 02 au lundi 03 juin 2024 ! Le grand arbre de la Place aux enchères a été déraciné par la pluie qui s’est abattue sur la ville. Émoi et inquiétude se notent chez la population. Les autorités centrales et communales rassurent cependant quant au redressement et à la restauration de l’arbre, source de devises au plan touristique du fait de son rôle prépondérant dans la traite transatlantique.
Racine principale défoncée, arbre fendu en deux troncs, l’un tombé en direction du Palais Chacha et l’autre dans le sens contraire. C’est l’aspect que présente le grand arbre de la Place aux enchères de Ouidah, déraciné par la pluie qui s’est abattue sur la ville. « J’étais venu voir ma sœur avec qui je discutais quand autour de 22h30-23 heures, j’ai vu l’arbre se fendre, produisant un bruit sec avant de tomber », raconte Geoffroy Zèkpa qui affirme s’en être approché, mais n’a rien découvert d’étrange à l’intérieur du tronc fendu. Il se dit surpris par cet évènement inédit : « C’était une grande surprise pour moi car cet arbre existait bien avant ma naissance et même avant la naissance de mes grands-parents », fait-il remarquer. Si Geoffroy Zèkpa plaide pour le redressement de l’arbre, compte tenu de son rôle prépondérant dans l’histoire de Ouidah en général et de la traite transatlantique en particulier, G. B. lui voit, dans la position dans laquelle les deux troncs sont tombés, une source de menace pour la population : « La position dans laquelle il est tombé n’augure pas de belles perspectives. C’est un arbre multiséculaire qui a vu couler le sang de nos compatriotes sur des siècles », a-t-il déclaré. Une thèse que semble confirmer le fâ consulté car, selon les informations rapportées, un informateur ayant requis l’anonymat, après consultation du fâ, il a été révélé que la chute de l’arbre est due aux mésententes qui règnent entre des dignitaires de la ville. La fissure en deux troncs est interprétée comme signe de division.
Pas de perte en vies humaines, mais des dégâts matériels
S’il n’y a pas eu de perte en vies humaines, il faut signaler cependant que la chute de l’arbre a causé d’importants dégâts matériels aux alentours. « Le quai rond entourant l’arbre a été partiellement détruit par le fût tombé vers le nord et touché légèrement par celui tombé vers le sud. Le banc public près de l’entrée principale du palais a été partiellement endommagé. La toiture en tulle de la façade de l’entrée principale du palais a été abîmée par les branches. Le lampadaire solaire, propriété des jardiniers du site et installé sur la toiture du palais, a été détruit », selon les constats faits par le commissariat de Ouidah. Des mesures de sécurité ont été prises autour du périmètre de l’arbre déraciné en attendant une restauration éventuelle.
La place Chacha
La Place Chacha (ou place des enchères) – Chacha étant le surnom de Francisco Félix de Souza représentant du roi d’Abomey à Ouidah-, est une place publique située dans la ville historique de Ouidah au Bénin. Encore appelée marché des esclaves, la place Chacha était le lieu où se tenaient les enchères publiques pendant lesquelles les esclaves destinés aux Amériques étaient troqués contre des marchandises.
Ouidah et la traite transatlantique
Même si la première rencontre entre Ouidah et les Européens eut lieu au cours du XVIe siècle sous le règne du Roi Kpassè, ce n’est qu’à la fin du XVIIe siècle que les marchands européens commencèrent à acheter des esclaves au royaume de Xwéda en quantité, en établissant des forts et des comptoirs dans la ville de Gléxwé.
Ce commerce assurait la prospérité du royaume de Savi jusqu’au moment de son invasion militaire, en 1727, par le royaume du Dahomey.
Ouidah était isolé du reste du royaume du Dahomey afin de garantir le monopole royal (érigé par le roi Kpengla 1774-1789) de la traite négrière.
Ce monopole royal était animé par un grand dignitaire de l’État le Yovogan qui assurait l’interface commerciale avec les négriers européens. La traite des esclaves à Ouidah fut extrêmement intense vers le milieu du XVIIIe.
Participation de Gléxwé (Ouidah) à la traite
Ouidah a été l’un des principaux points d’embarquement des esclaves vers les Amériques. En effet, après l’implantation des forts en 1671 et sous le contrôle du Yovogan, Ouidah était devenu l’interface commerciale entre les négriers européens et le royaume d’Abomey. Dans cette entité relativement centralisée mise en place par le roi Agadja d’Agbomè (1708-1740), la traite négrière fut érigée en monopole royal par le roi Kpingla (1774-1789). Les esclaves étaient rassemblés sur la place Chacha pour y être vendus. Enchaînés, ils parcouraient les quelques kilomètres qui séparent cette place de la plage de l’embarquement : la porte du non-retour. Toujours enchaînés les uns aux autres, les esclaves montaient dans des canots pour être entassés dans des cales des navires. Persuadés que les négriers blancs allaient les manger, certains esclaves, lors du transport en canots se jetaient à la mer et mouraient noyés.
Organisation de la traite à Ouidah
Dans le but de mieux faciliter les échanges, les Européens avaient installé des comptoirs le long des côtes africaines. Des rabatteurs parcourent l’intérieur du continent et ramènent, parfois après plusieurs mois d’absence, des caravanes d’esclaves vers les comptoirs.
Ces rabatteurs de toutes origines ne vendent pas eux-mêmes les Noirs. Ils passent par l’intermédiaire de courtiers. Les esclaves sont emmenés et mis dans une prison puis ramenés dans une place publique comme la place Chacha à Ouidah. Ils sont présentés tout nus aux capitaines négriers qui les font examiner minutieusement par leur chirurgien avant de les acheter. Les plus beaux spécimens sont appelés « pièce d’Inde ». Le prix est réglé et les femmes valent un quart ou un cinquième moins que les hommes. En échange des esclaves, les négriers offrent des étoffes, des armes (fusils démodés, sabres), de l’alcool de très mauvaise qualité, de la quincaillerie très variée (miroirs, clochettes gobelets etc). L’année 1818 vit l’installation à Ouidah de Francisco Félix de Souza, grand dignitaire de l’État négrier d’Abomey.
La traite négrière était alimentée par de périodiques razzias aux marges du royaume du Dahomey.
Environ 60% sur les deux millions d’Africains envoyés vers le nouveau monde sont partis de la baie du Bénin à partir de Ouidah ou de Lagos (Nigéria), sur les onze millions d’Africains exilés par la traite négrière.
Le commerce négrier déclina vers la fin du XIX siècles lors de la prise de conscience des gouvernements européens de l’injustice de ce commerce.
Rôle de l’arbre de la Place Chaha dans l’organisation de traite à Ouidah
Selon les explications de Florisse Adéossi guide du tourisme, c’est un arbre qui était planté depuis 1727 et qui abritait le marché des esclaves. Les échanges s’y opéraient donc : « Là où l’arbre était plantée, c’est la place où l’échange des esclaves se faisait contre des objets sans valeur. Sous l’arbre, quand les négriers venaient, ils amenaient leurs objets sans valeur, des miroirs, des tissus qui sont échangés sous cet arbre contre les esclaves », a-t-elle signifié. À l’en croire, le nom reconnu pour la place est celui de la Place aux enchères en raison du marché des esclaves qui s’y animait. Elle est également dénommée Place Chacha, en référence au négociant don Francisco de Souza. Très dynamique, il est surnommé Chacha qui signifie en langue française, quelqu’un qui agit avec rapidité. D’où le nom Chacha a lui attribué, rapporte Florisse Adéossi. L’arbre est aussi appelé en langue fon Tohounkada, parce que, tel que le fait remarquer la guide du tourisme, l’arbre est unique en son genre dans la ville de Ouidah. Il ne peut plus être retrouvé copie ailleurs dans cette ville, peut-être en dehors.
L’arbre est par ailleurs surnommé Dantin, ajoute t-elle, en raison des cérémonies en l’honneur de la divinité serpent (Dan en langue fon) qui s’organisent là dessous.
Des conséquences sur le tourisme local
Selon les indiscrétions de certaines personnes interrogées sur place ayant requis l’anonymat, l’arbre contribue à la reconstitution de l’histoire dans sa globalité et son absence risque d’effacer un pan de cette histoire. Car reconnaissent t-elles, si des mesures ne sont pas prises pour son redressement, « une partie de l’histoire se serait effacée, puisqu’on ne parlera plus de l’arbre au cours de la narration de cette histoire aux touristes en visite aux Bénin ».
Source des informations http://www.ugdofrance.com/index.php/la-ville-de-ouidah/
Réalisé par
Thomas AZANMASSO