En huit ans de Rupture, le gouvernement Talon rend compte pour la seconde fois aux populations. La première fois en 2021, le chef de l’Etat briguait un second quinquennat. Ça faisait donc sens. Mais la tournée gouvernementale actuellement en cours, sans doute engendrée par le sentiment d’insatisfaction sociale, de désaffection politique et de lassitude des populations, semble avoir des allures de campagne électorale anticipée et d’opération sauvetage dans l’opinion publique, exécutée par des équipes de ministres, de députés et de personnalités politiques de la mouvance présidentielle et qui paraît plutôt hors-sujet face aux préoccupations populaires de l’instant.

Cette tournée semblait pourtant avoir bien démarré. Par la voix de la souvent taciturne Vice-présidente de la République, un réquisitoire de l’époque du très populiste Yayi nous a rappelé qu’on n’avait pas besoin de venir célébrer devant les populations, les acquis qui étaient déjà une réalité dans leurs quotidiens : gratuité de la césarienne, gratuité de la scolarisation des filles, microcrédits aux plus pauvres, etc. Malheureusement, c’est à la résurrection du même passé critiqué qu’on a assisté avec une succession sur les médias classiques et les réseaux sociaux, de plusieurs ministres réduits pendant huit ans au silence par l’exposition débordante du porte-parole du gouvernement. De fait, ils ont versé dans une peinture excessivement satisfaisante du Bénin d’aujourd’hui et des mois à venir. Pêle-mêle, le spectre du 3ème mandat est réapparu, nos villes qui deviennent Paris, nos hôpitaux qui sont équipés comme nulle part au monde et pour tout couronner, Modeste Kérékou, fils de son père, ex-député Ubf, ex-ministre de Yayi et actuel ministre de Talon, qui maudit d’un ton très « républicain », toutes les gouvernances qui ont précédé celle de la Rupture. Comme quoi, le rasage de la résidence des filaos a produit l’effet recherché, un jardin et une mémoire…très modestes.

Talon a sans doute fait un diagnostic chirurgical de l’état de l’opinion de ses compatriotes à un moment où, à peine sortis d’une crise avec le Nigeria, ils en vivent une nouvelle avec le Niger et doivent tout de même « bomber le torse » comme dit la Vpr Talata, en tant que citoyens d’un pays modèle et rigoriste sur le respect des principes démocratiques, de bonne gouvernance et d’orthodoxie financière. Mais il semble que la thérapie proposée en réponse de ce diagnostic n’est pas la bonne. A l’analyse, tout comme l’a rappelé la colistière du chef de l’Etat s’agissant de l’époque Yayi, aucun Béninois n’a besoin qu’on lui rappelle ce qui est déjà un acquis et un changement, en exécution des engagements préalablement pris par le candidat Talon en 2016 et en 2021. Les Béninois veulent en plus voir changer ce qui ne l’a pas été depuis 2016 et trouvent risqué de l’espérer d’un poulain ou dauphin de celui qui ne l’a pas fait en dix ans.

Il s’agit surtout de la trop longue longévité des collaborateurs de Talon aux postes depuis huit ans, dans un pays où la rotation a toujours eu un double-effet de connexion avec le pouvoir politique et de bonification des « fils du village ». Par ce statu quo, la Rupture aura gelé bien des évolutions et carrières pendant près d’une décennie et très peu pourraient se targuer d’avoir amélioré leur curriculum vitae sur cette période. La longévité aux affaires de tous ceux qui font le tour des communes pour vanter les réalisations du gouvernement Talon était-elle si indispensable à l’atteinte des résultats de Talon, le seul que les populations ont élu pour 10 ans ? Si oui, pourquoi ses ministres limogés ou démissionnaires après sept années de collaboration, quittent son navire les uns après les autres et sont en campagne pour nous dire que « ça va mal dans les poches des Béninois » ? Le président Talon devrait donc inventer une recette supplémentaire pour effacer de la perception de ses concitoyens, que cette tournée gouvernementale n’aura pas été qu’une récréation aux frais du budget national, un ballet de rassasiés aspirant à poursuivre leur vie de pouvoir, plutôt qu’une reddition de compte qui paraît inopportune, en plein cours de second quinquennat.

Angéla IDOSSOU

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