Feu vert du Préfet du département du Littoral à la marche pacifique de protestation de la Confédération syndicale des travailleurs du Bénin, prévue pour ce mercredi, 22 mai 2024. Après la répression de la marche du 1er mai dernier ainsi que l’arrestation des manifestants, les militants de la Cstb peuvent donc descendre dans les rues de Cotonou pour se faire entendre. Et l’autorisation préfectorale ne devrait point susciter de stupeur dans l’opinion. Et ce, pour plusieurs raisons…
Le Préfet du département du Littoral, Alain Orounla a-t-il finalement été contraint de céder, se retrouvant face au fait accompli ? En effet, si certains s’attendaient à une nouvelle répression de la marche de la Confédération syndicale des travailleurs du Bénin (Cstb) projetée pour ce mercredi, beaucoup semblaient s’attendre à une volte-face du préfet de Cotonou. Evoquant la lettre en date du 17 mai 2024 de l’autorité préfectorale, Alain Orounla notifiant l’autorisation de la marche au secrétaire général de la Cstb, Kassa Mampo, le secrétaire général adjoint de la Confédération syndicale, Norbert Kouto déclare ce qui suit : “ Le Préfet du Littoral, Alain Sourou Orounla a accusé réception de la lettre de déclaration de la marche pacifique du 22 mai 2024…Dans sa réponse, le Préfet a dû céder au droit de manifestation. C’est une grande victoire pour les travailleurs et l’ensemble du peuple. Nous avons, par multiples sacrifices, résisté aux répressions, aux tortures physiques et morales, aux arrestations, aux enlèvements, aux détentions et condamnations arbitraires pour faire de manifestations publiques…Bravo aux travailleurs et au peuple’’. Surprenant, pour certains mais pour beaucoup, il ne pouvait en être autrement. En réalité, après la répression de la marche du 1er mai dernier ainsi que l’arrestation des manifestants et la condamnation d’une vingtaine de militants à une peine d’emprisonnement avec sursis, très peu pouvaient s’attendre à revoir la Cstb revenir de sitôt à la charge pour annoncer une nouvelle marche dans la foulée alors que la panique semblait gagner les rangs des militants. Et ce fut une approche gagnante, une stratégie bien pensée au regard des faits.
La peur de la flagrance du “deux poids, deux mesures“…
27 avril 2024, quatre centrales et confédérations syndicales notamment la Confédération des syndicats autonomes du Bénin (Csa-Bénin), la Confédération générale des travailleurs du Bénin (Cgtb), l’Union nationale des syndicats des travailleurs du Bénin (Unstb) et la Confédération des organisations syndicales indépendantes (Cosi-Bénin) décident de descendre dans les rues de Cotonou pour protester pacifiquement contre la cherté de la vie. Malgré les formalités administratives accomplies, le Préfet Alain Orounla fera réprimer ladite marche et les secrétaires généraux de la Csa-Bénin, Anselme Amoussou, de la Cosi-Bénin, Noël Chadaré, Moudachirou Bachabi de la Cgtb, Apollinaire Affewe de l’Unstb et plusieurs manifestants seront arrêtés par la police républicaine avant d’être relâchés après de longues heures. Refusant d’abdiquer, lesdites confédérations syndicales projettent une nouvelle marche pour le 11 mai 2024. Contre toute attente, le préfet du Littoral notifie aux leaders syndicaux, l’autorisation de la marche. Ainsi, le 11 mai dernier, les militants des quatre confédérations syndicales ont pu exprimer leur mécontentement sans être inquiétés. Le comble, c’est que dans la foulée, le gouvernement a convié les syndicalistes aux négociations autour des revendications des partenaires sociaux.
Et pour beaucoup, la Cstb a bien su profiter de cette situation pour plonger le préfet du département du Littoral dans un véritable dilemme : Interdire à nouveau la marche de la Cstb pour faire face à de vives critiques en se faisant accuser dans l’opinion de faire du “deux poids deux mesures“ ou autoriser la nouvelle marche de la Cstb pour affronter des critiques le présentant comme dos au mur. Le quitus de l’autorité préfectorale semble donc loin d’être frappé d’un effet surprise. Comment pouvait-on justifier, pour les mêmes formalités accomplies et pour le même objet, l’autorisation d’une marche et l’interdiction d’une autre ? Comme diraient certains, on s’y attendait. Selon certaines analyses faites çà et là, la Cstb aurait abdiqué suite à l’arrestation de ses militants que ce qu’ils célèbrent aujourd’hui comme une victoire n’aura pas existé. Car, la déclaration d’une nouvelle marche de la Cstb aurait fini par mettre l’autorité préfectorale dans une situation inconfortable. Et la sage décision fut prise !
Et pourtant une autorisation n’était pas nécessaire…
Alors que la notification de l’autorisation du Préfet du Littoral aux initiateurs des marches pacifiques de protestation contre la cherté de la vie est toujours perçue comme une victoire, cette démarche semble à la limite dénuée de tout sens. Doit-on attendre une autorisation de l’autorité compétente avant toute manifestation désormais au Bénin ? A quelle logique répond cette autorisation du préfet Alain Orounla ? Autant de questions qui méritent bien d’être posées afin d’éclairer l’opinion publique quant au régime encadrant les manifestations pacifiques. Il importe de se demander si le Bénin est en train de basculer d’un régime de déclaration à un régime d’autorisation.
“…quand on parle des questions de liberté et de manifestation, liberté de réunion, le droit, le standard international qui l’encadre parle d’un régime d’information, d’un régime de déclaration. C’est-à dire que les organisateurs sont appelés à informer l’autorité compétente de ce qu’ils veulent organiser une manifestation à telle date sur tel itinéraire….C’est ce qui a été également toujours fait dans notre pays parce que le régime, il est déclaratif, il est un régime d’information, il n’est pas un régime d’autorisation…Vous avez juste à informer l’autorité…A l’heure où je parle, je n’ai pas connaissance d’un dispositif qui permet de dire qu’il faut une autorisation“ a clarifié Landry Adelakoun, juriste et spécialiste des questions de droits humains. Et au juriste Glory Hossou de souligner également que le droit de réunion pacifique est soumis à un régime d’information, un régime de déclaration.
Même son de cloche de la part de Fréjus Attindoglo, juriste, qui estime que l’on n’a pas besoin d’une autorisation pour manifester au Bénin. “Le régime juridique de la liberté de manifestation au Bénin est un régime déclaratoire, c’est le principe…Jusqu’à preuve du contraire nous n’avons pas besoin d’une autorisation pour manifester au Bénin ; nous avons plutôt besoin d’informer l’autorité communale ou préfectorale de notre intention de manifester avec une déclaration préalable“ a-t-il mentionné. Il urge d’apporter des clarifications pour éclairer l’opinion publique.
A.B