Komi Koutché ne croyait pas si bien dire quand il affirmait que « la dictature est comme un système de freinage. Quand ça finit de bouffer le patin, ça bouffe le disque ». Tout comme lui, des siècles avant, Martin Niemöller (1892-1984) écrivait ceci : « Quand ils sont venus chercher les socialistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas socialiste.
Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste. Quand ils sont venus chercher les Juifs, je n’ai rien dit, je n’étais pas juif. Puis, ils sont venus me chercher. Et il ne restait personne pour protester ». La situation du député Abdoulaye Gounou ressemble bien à ces allégories.
En temps normal, les inquiétudes du député par rapport à sa sécurité personnelle méritent la compassion de tous. « M le président, je voudrais pour finir prendre tout le peuple béninois à témoin sur ma sécurité personnelle. Parce que suite à l’incident et à l’attaque, j’ai été approché par des capitaines, des commandants et colonels de police, même de l’armée, même de la douane qui m’ont dit Yaya est un agresseur. Son premier réflexe serait de te faire agresser. Il va te faire du mal. Ça, on m’a averti de toute part. Je prends les miens à témoins, je prends l’Assemblée nationale à témoin, je prends tout le peuple béninois à témoin sur ma sécurité personnelle », a dit le parlementaire, après avoir répondu au Directeur général de la police républicaine qui l’avait accusé d’excès de vitesse. Si donc un député peut avoir peur pour sa sécurité personnelle, juste en tenant des propos à l’Hémicycle, quand est-il du béninois lambda ?
C’est qu’il vit depuis 2016 et depuis que le Parlement monocolore, auquel a appartenu le député du Bloc républicain Abdoulaye Gounou, a voté des lois liberticides. Qui parle encore dans ce pays ? Sur la tête des opposants et de tout béninois qui ne partage pas le mode actuel de gouvernance plane en permanence l’épée de Damoclès. Ça peut prendre la forme d’un « blanchiment de capitaux », de « terrorisme » ou même de « harcèlement par le biais des moyens de communications électroniques ». C’est comme cela que le pays fonctionne depuis 2016.
Sois tu te tais et tu restes au pays, ou si tu tiens à donner ton opinion, l’exil ou la prison s’offre à toi. Les exemples sont légion. Des gens ont connu la prison, d’autres l’exil pour avoir juste dit « 5 ans, c’est 5 ans ». Ces lois sont, pour la plupart, votées par le Parlement monocolore auquel le député Br Abdoulaye Gounou a appartenu. L’a-t-on entendu jusque-là se plaindre de la misère faite aux opposants ou simplement à toute voix discordante ? Non ! il a fallu qu’à son tour, il se sente en insécurité pour hausser le ton et prendre le peuple béninois à témoin.
Comme le disent les ivoiriens « yakoo » au député Gounou. Mais ce sont nombre de Béninois qui se sentent en insécurité tous les jours, avec la peur d’être enlevé en pleine circulation pour un oui ou un non. Evidemment, on ne se sent pas concerné quand ce sont les autres qui subissent. Jusqu’à ce que la machine qui broie tout sur son passage se retourne contre ceux qui l’applaudissent.
M.M