L’ancien secrétaire général de la Confédération générale des travailleurs du Bénin (Cgtb), Pascal Todjinou exprime ses regrets quant à la gouvernance du régime de la Rupture dont il estime avoir contribué à amener au pouvoir. Face à la menace qui plane sur les libertés fondamentales au Bénin, l’ancien syndicaliste appelle les leaders syndicaux actuels à poursuivre la lutte sans aucune crainte.
…dans le discours annonçant l’année 2024, le Président de la République a annoncé que ce serait une année hautement sociale. Je constate que c’est une année hautement répressive parce qu’on réprime les conducteurs de taxi-motos communément appelés zémidjans, les taximans et on vient réprimer les travailleurs qui ne sont pas armés, qui n’ont rien cassé dans la rue. Comme si cela ne suffisait pas, on les envoie à la Brigade criminelle, là où on envoie ceux qui ont commis de crimes“ a déploré l’un des anciens bouillants syndicalistes du pays, dans une interview accordée au quotidien “Le matinal“. Et de poursuivre : “…je ne peux pas avoir lutté au prix de ma vie pour que ce régime arrive et fasse ce qui se passe actuellement“. Plus important, Pascal Todjinou dit ne pas comprendre qu’on s’en prenne aux marches, la seule arme de protestation ou de revendication qui reste aux syndicalistes après l’interdiction des mouvements de grève.
“Le préfet du Littoral est un homme de droit. Il fait partie de ceux qui ont lutté avec nous pour l’avènement de ce régime. Il est donc totalement inconcevable que ce qui s’est passé le samedi, 27 avril 2024, arrive…Je voudrais souligner qu’au Bénin, la marche n’a pas besoin d’une autorisation. Elle est purement déclarative“ déplore-t-il. Evoquant l’attitude de la police républicaine, Pascal Todjinou estime que les policiers ont violé un principe élémentaire, la franchise de la Bourse du travail en interdisant aux travailleurs d’y accéder.
“La police, elle est avant tout républicaine et non pas pour une autorité donnée“ a-t-il martelé avant de déplorer des lois “très répressives“ initiées par le régime de la Rupture pour contraindre les citoyens, syndicats au silence. “…si quelqu’un bouge, si ce n’est pas le tribunal, c’est la brigade criminelle ou la Criet…Il y a la loi portant Code du numérique. Pendant que la police encourage la coproduction de la sécurité publique pour dénoncer les malfaiteurs, la même police envoie les gens au tribunal pour être punis parce qu’ils ont filmé un malfaiteur“ regrette Pascal Todjinou.
La cherté de la vie et le contexte international : Un prétexte ?
“Il y a des pays qui nous entourent et qui sont en crise mais ils arrivent à juguler l’inflation. Le Bénin n’a rien fait pour l’atténuer. Par exemple, le prix du gari a presque quadruplé. Avec le maïs, c’est la catastrophe. Je prenais l’autocar au marché à 3500Fcfa. J’ai voulu en payer il y a deux semaines, c’est devenu 9500Fcfa. Cela fait 6000Fcfa supplémentaires. Sous d’autres cieux, on aurait pu trouver rapidement un mécanisme pour éviter cela. Vous voyez que ce n’est pas une question de conjecture internationale. C’est une question de responsabilité au niveau national. Et les moyens pour atténuer la vie chère n’en manquent pas“, réplique Pascal Todjinou à la question de savoir s’il faut imputer la responsabilité de la cherté de la vie au gouvernement.
“En mon temps, la grève n’était pas encadrée“
A la question de savoir si les marches n’étaient pas réprimées avant l’avènement de la Rupture, Pascal Todjinou a confié que la réalité est loin d’être similaire. “En mon temps, la grève n’était pas encadrée. Vous déposez votre motion de grève en bonne et due forme et vous exercez votre droit de grève“ a-t-il précisé même s’il admet qu’au cours d’un sit-in sous le régime Yayi, les manifestants avaient été gazés. “On était heureux d’avoir quelqu’un comme Patrice Talon qui a promis beaucoup de liberté et même en 2024, il a promis une année hautement sociale. Mais c’est dommage ce que nous avons constaté le samedi, 27 avril 2024“ regrette Pascal Todjinou. Aux leaders syndicaux, ils demandent de continuer la lutte et de ne pas avoir peur. “…Le peuple béninois notamment les travailleurs sont des moteurs diesels. On les brime, on les fait taire, mais quand ça dépasse les normes, ça réagit et vivement“ a-t-il laissé entendre.
A.B