« Le droit de réunion pacifique est un droit de l’Homme fondamental ou un droit humain fondamental qui permet aux individus de s’exprimer collectivement et de contribuer également à modeler la société dans laquelle ils vivent.
C’est un droit qui est consacré par les instruments de protection des droits humains notamment la déclaration universelle des droits de l’Homme et le pacte sur les droits civils et humains que le Bénin a ratifié sans réserve depuis 1993, et au delà de ces instruments internationaux de protection des droits humains auxquels je vais ajouter l’observation numéro 37 du code des droits de l’Homme des Nations Unies, sur le droit de réunion pacifique qui vient expliciter ou expliquer qu’est-ce qu’on doit entendre par le droit de manifester ou le droit de réunion pacifique, quelles sont les exigences et quelles sont les obligations qui incombent aux Etats et aux forces de l’ordre, dans l’encadrement d’une manifestation. Il faut ajouter la constitution du Bénin aussi qui a consacré le droit de manifester comme un droit humain fondamental.
Donc qu’est-ce que le droit recommande lors de manifestations ou lors d’une manifestation pacifique qui est projetée. Parce qu’il faut faire la démarcation, il y a des réunions pacifiques qui sont projetées, il y a des réunions pacifiques qui ne sont pas projetées, c’est-à-dire que des réunions qui sont instantanées et donc qui ne peuvent pas obéir à un formalisme juridique d’information de l’autorité. Et là c’est ce que je voulais vous dire, il s’agit de l’information de l’autorité.
Le droit de réunion pacifique est soumis à un régime d’information, un régime de déclaration. Donc on informe l’autorité qu’on veut faire une manifestation dans deux ou trois jours, dans une semaine et voilà l’itinéraire auquel la manifestation va obéir et voilà l’identité des organisateurs de la manifestation. Donc on envoie l’information à l’autorité, l’itinéraire de la manifestation, les organisateurs de la manifestation… Et peut-être le nombre de personnes minimum attendues à cette manifestation. Et donc quand on dit régime de déclaration et d’information, ça c’est pour les manifestations ou les réunions pacifiques qui sont projetées. Ce qui est tout le contraire d’une réunion qui n’est pas projetée…qui naît spontanément ou instantanément d’un désaccord, d’une indignation, à la suite d’un évènement qui vient de se produire…
Donc voilà à quoi obéit le droit de manifestation, un régime d’information et non d’autorisation.
Qu’est-ce que l’autorité peut faire quand elle est informée d’une manifestation ?
L’autorité normalement ne doit pas interdire la manifestation. Elle peut interdire, mais en voulant interdire, doit pouvoir motiver son interdiction en disant que cette manifestation n’est pas possible aujourd’hui, en même temps proposer des alternatives. C’est-à-dire, quand on interdit, ça doit être pour des motifs objectifs, et sérieux et non fallacieux.
Et également, en même temps proposer des alternatives aux organisateurs de la manifestation. Sinon ce que l’autorité doit faire normalement en principe, c’est de pouvoir discuter avec les organisateurs de la manifestation, de l’itinéraire. Elle peut dire par exemple, l’itinéraire que vous avez choisi n’est pas le bon itinéraire, parce que à cette heure de la journée, il y beaucoup d’affluence, ça pourrait également constituer des troubles à l’ordre public. Donc au lieu de prendre par cet itinéraire, je vous propose plutôt de prendre par l’autre itinéraire, c’est à dire au lieu de prendre par devant la présidence, on va peut-être vous demander de prendre par derrière la présidence. Et ça doit être discuté avec les organisateurs de la manifestation. Donc ne pas interdire une manifestation soumise à un régime d’autorisation. Malheureusement, dans le contexte béninois, aujourd’hui le code pénal que nous avons tend à faire croire que le droit de manifester est soumis à un régime d’autorisation, notamment quand vous lisez les articles 238 et suivants jusqu’a 241. C’est ça qui fait l’objet aujourd’hui de notre plaidoyer parce que, c’est un plaidoyer depuis la fin de l’année passée, pour réviser les dispositions du code pénal qui entravent la jouissance du droit de réunion pacifique au Bénin.
Notamment les articles 237, 38, 39, 241 du code pénal. Ici c’est l’article 240 qui pose problème. Parce qu’on va voir…, aujourd’hui l’on a vu le communiqué du préfet qui demande aux gens d’observer les prescriptions légales sans pour autant citer quelles sont ces prescriptions légales que les gens doivent respecter. alors que le droit international a été suffisamment clair.
Et quel doit être le comportement de la police lors des manifestations ?
La police en principe lors des manifestations doit jouer un rôle d’encadrement des manifestants pacifiques. Parce que dans une manifestation, on peut avoir plusieurs sortes de manifestants. Il y a des manifestants qui viennent juste répondre à l’appel, et manifester leur ras-le-bol contre un système, contre la vie chère, contre des maux de la société, mais en même temps il y a d’autre types de manifestants qui viennent peut-être pour semer le trouble, pour vandaliser… Il y a ce troisième type de manifestant qui n’a rien à y voir avec les manifestations mais qui est juste en train de passer et qui est pris au piège par la foule qui est en déplacement.
Ça peut être des gens qui descendent d’un Zém par exemple venant d’un lieu, des gens qui descendent du boulot, et qui tombent dans une manifestation, ils doivent être également protégés par la police. Donc la police n’a pas à faire usage de violence indiscriminée après avoir réprimé une manifestation de façon indiscriminée.
S’il y a des fauteurs de troubles dans une manifestation, il revient à la police, de rechercher individuellement les auteurs des actes de vandalisme et de trouble dans une manifestation et les arrêter et de les présenter à la justice et que ces personnes soient jugées dans le cadre d’un procès équitable. Il n’a jamais été dit dans le droit international de prendre pour responsables ou d’arrêter les organisateurs d’une manifestation qui dégénère.
Les responsables d’une manifestation ou d’une réunion pacifique qui dégénère ne doivent en aucun cas être pris pour cible par la police. S’il n’a pas été prouvé que c’est eux qui ont été auteurs d’actes de vandalisme.
Donc c’est tout un système et les policiers normalement sont outillés là-dessus. Ce qui s’est passé ce weekend, je n’ai pas encore vu toutes les images, mais j’ai appris qu’il y a eu des arrestations de leaders syndicaux pour quel motif, peut-être pour manifestation non autorisée. Alors que le droit de manifester est soumis à un régime d’information et non d’autorisation.
Quand l’autorité reçoit une note d’information de manifestation, ou de réunion pacifique, son rôle est d’appeler les organisateurs et discuter de l’itinéraire avec eux et de la mise en œuvre pratique de la manifestation. Mettre à la disposition, de la force publique pour l’encadrement, mettre à la disposition les sapeurs-pompiers, mettre à la disposition, des agents pour assurer le bon déroulement de la manifestation.
Ailleurs, on a vu dans d’autres pays, dans de grandes démocraties, par exemple comment le droit de manifester est géré par la police.
Il y a le cas allemand par exemple, ils ont l’un des meilleurs systèmes, l’une des meilleures doctrines du droit de manifester à l’échelle internationale. Donc je pense qu’on aurait peut-être gagné à aller à ces écoles-là. Également que les autorités devraient gagner à apprendre davantage sur les traités que nous avons signés, sur les accords que nous avons signés et qui nous lient sur ces questions de base, sur ces questions élémentaires…
Il n’est plus question aujourd’hui en 2024, que nous assistions à des arrestations systématiques de manifestants, à cause des manifestations qui du point de vue des autorités ne seraient pas autorisées ».
Glory Hossou, Juriste
Spécialiste des questions des droits humains