Le gouvernement vient de lancer le recrutement de 546 Secrétaires administratifs d’arrondissement dans le cadre de sa réforme de la décentralisation au Bénin. Malheureusement, comme à ses habitudes, le pouvoir « rupturien » n’a rompu avec rien. Au contraire, il pérennise et accentue les pratiques qu’il a promis d’éradiquer en 2016.

Après deux ans de mise en œuvre de la réforme de la décentralisation, les résultats peinent à se faire sentir au point où personne n’ose s’avancer sur le  terrain de l’évaluation annuelle des Secrétaires exécutifs pourtant prévue par la loi. Sous les coups de boutoir de la cellule logée à la présidence, les Béninois se contentent juste de quelques suspensions par-ci et quelques révocations punitives par-là, pour montrer que tout marche. Mais au fond, derrière ce rideau de verre, c’est le requiem des communes qui se vit en silence. La cause de cette déchéance des communes, on ne le dira jamais assez, c’est le mode de sélection totalement aléatoire adopté dans le choix des cadres, au détriment des compétences vraies.

L’objectif de cette réforme au regard de l’allure qu’elle prend ne serait donc rien d’autre qu’une concentration déguisée des pouvoirs entre les seules et uniques mains du pouvoir central ? Sinon qu’est ce qui peut expliquer qu’un Maire élu par ses administrés sur la base d’un projet de société, se voit subitement supplanté par un Secrétaire exécutif, soi-disant super cadre technique, mais qui n’est rien d’autre qu’une caisse de résonnance de la Présidence de la République. Quelle est cette réforme qui promeut des cadres techniques qui ne sont pas capables de redresser les communes mais qui au contraire, les enfoncent dans  les profondeurs abyssales de la pauvreté, à défaut de les maintenir à flot ? Pour ceux qui douteraient encore de l’état de décrépitude actuel des communes depuis 2022, les rapports des audits Fadec sont une source qui confirme ce constat.

Quelle est cette réforme qui a eu pour fondement, l’insuffisance de ressources humaines qualifiées et qui est obligée d’investir les fonds publics pour former les cadres supposés expérimentés sur les notions élémentaires de l’administration et sur des thématiques qui relèvent a priori de leur domaine de compétence ? Pourquoi ne pouvait-on pas former les agents qui avaient des années de pratique des communes au lieu d’investir pour recruter en majorité, des novices chèrement rémunérés pour des résultats piteux ? Le centre de formation pour l’administration locale n’aurait pas pu servir pour relever le niveau des anciens agents des mairies plutôt que d’embarquer les communes dans cette aventure sans lendemain ?

Vous avez dit BAC+3 ou BAC + 3 années d’expérience ?

Aucun crime n’étant parfait, le Pouvoir de la rupture vient de montrer à quel point il peut être à l’antipode de ses propres principes. Pour parachever l’assassinat de la décentralisation entamée en 2022, le gouvernement du Bénin vient de lancer le recrutement de 546 Secrétaires administratifs d’arrondissement. Très bonne nouvelle a priori. Mais comme à ses habitudes, ce gouvernement a mis un point d’honneur à tordre le cou aux principes préétablis par ses propres soins.

En effet, le code de l’administration territoriale prévoit en son article 191 que le Secrétaire administratif d’arrondissement doit justifier d’un niveau de qualification BAC+ trois années d’études universitaires. L’article 192 précise que le Secrétaire administratif d’arrondissement est nommé par le Secrétaire exécutif, après avis de non objection du Conseil de supervision, parmi les agents fonctionnaires ou contractuels de la commune. Mais comment peut-on passer du BAC + trois années d’études universitaires dans la loi, à BAC+ trois années d’expériences dans l’avis de recrutement ? La Licence est-elle désormais assimilable à un BAC complété par trois années d’expérience professionnelle ? Après qu’un message radio ait suspendu l’application d’un décret à propos des sursalaires dans les mairies, c’est désormais un communiqué qui vient de prendre le pas sur une loi votée au Parlement, passée au crible des « sept sages » et promulguée par le Chef de l’Etat.

Certes, la rupture a fini par habituer les Béninois à toute sorte de torsions intellectuelles et de contorsions mentales pour justifier les pires incongruités, mais celle-là est trop grosse. Au nom de quel principe peut-on violer si violemment une loi qu’on a soit même promulguée pour emprunter le terme d’un illustre syndicaliste béninois ? Non, à un moment, il faut arrêter avec ces pratiques moyenâgeuses qui tendent à s’ériger en règle. Il faut que cesse cette insulte à l’intelligence des Béninois. Le désert de compétence n’est pas si désert qu’il paraît ; Il y subsiste encore des oasis de lucidité capables de comprendre ce type de manœuvres malsaines. Recrutez oui, mais suivant les critères que vous avez-vous-mêmes érigés. Les communes ne s’en porteraient que mieux.

M.M

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