Mécontents d’avoir échoué à passer outre l’invitation des Sept Sages à juste modifier le code électoral pour opérer une seconde modification de la Constitution après celle de 2019, nombre de députés révisionnistes se sont engagés à mettre à exécution leur menace annoncée en plein hémicycle par l’He Augustin Ahouanvoèbla. Conscients que leur volonté d’exclusion sera attaquée devant qui de droit, ils se préparent déjà à affronter le mur qui se dressera contre leur jusqu’au-boutisme : celui de la Cour constitutionnelle.
Montesquieu ne s’y était pas trompé. L’auteur français de “L’Esprit des Lois” qui a inspiré les auteurs de la Constitution américaine de 1787 et de la Constitution française de 1791 disait que « Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir.» Mais pour certains acteurs politiques béninois, la force fait loi ou comme disait Jean de la Fontaine, « la raison du plus fort est toujours la meilleure ». Heureusement, la démocratie béninoise s’est bâtie depuis 1990 sur le principe que les loups ne seraient jamais absolument forts pour faire des agneaux, une simple bouchée.
Les masques sont tombés
L’Honorable Ahouanvoèbla ne croyait pas si bien dévoiler ce que par ruse, la majorité présidentielle cachait derrière son masque. Car désormais, tout le monde a bien compris que le chef de l’Etat qui n’était verbalement pas demandeur de révision et qui ne voulait théoriquement pas qu’elle soit modifiée d’une virgule, la désirait très activement. En déclarant irrecevable la requête du sieur Codjo Grégoire Gbêho, la Cour constitutionnelle s’est cependant prononcée d’office dans sa décision en invitant l’Assemblée nationale à modifier le code électoral pour, d’une part, rétablir l’égalité du pouvoir de parrainer à l’égard de tous les maires et, d’autre part, rendre conformes à l’article 49 de la Constitution, les dispositions de l’article 142 alinéa 6 de la loi 2019-43 du 15 novembre 2019 portant code électoral. En effet, lesdites dispositions stipulent qu’« en cas d’annulation (du scrutin présidentiel), il est procédé à un nouveau tour de scrutin dans les cinq (05) jours de la décision », alors que l’article 49 de la Constitution prévoit plutôt un délai de 14 jours.
Que les députés veuillent user de leurs prérogatives constitutionnelles de légiférer n’est pas le problème. Mais l’entourloupe qui crève l’œil c’est qu’ils aient voulu y procéder à l’occasion de l’invitation qui leur a été adressée par la Cour constitutionnelle, curieusement dans une ambiance de défaut de consensus sur une telle initiative. Si le consensus n’a pu être dégagé dans la nuit du 1er au 2 mars dernier autour de l’idée de toucher à la Loi fondamentale, il n’en reste pas moins que de même, toute modification du code électoral par-delà la requête de la Cour constitutionnelle, se verra attaquée devant cette dernière pour non seulement la même absence de consensus, mais aussi en raison de la volonté affirmée et affichée de restaurer dans le pays, le même contexte d’exclusion qui a engendré les pires violences électorales jamais enregistrées au Bénin en 2019 et 2021.
Retour à la case exclusion.
Et c’est à ce niveau que la menace du député Ahouanvoèbla semble sourdre d’une préméditation et d’une orchestration planifiées avec l’objectif voulu et affirmé d’annihiler la capacité de certains partis politiques de dégager des candidats pour la présidentielle et de les parrainer ; et de faire invalider l’élection de leurs candidats aux législatives et aux communales pour défaut d’atteinte d’un pourcentage qui passera de 10% à 20%, par l’édict du député de l’Upr.
En clair, la promesse de ravir 80% des maires et des députés pour son seul parti s’appuie sur ce plan machiavélique. 20% de l’électorat dans chacune des Circonscriptions Électorales Législatives (ou dans chacun des 546 arrondissements du Bénin, pour les communales ?), voilà la nouvelle déclaration de guerre des députés de Talon au peuple béninois. Dans de telles conditions de danger imminent pour la démocratie et la paix dans le pays, y compris pour les partis auteurs de telles grossièretés, la Cour saisie n’aura pas d’autre choix que celui de rappeler la valeur hautement constitutionnelle du consensus et de l’inclusivité au grand dam des révisionnistes qui, la rage au ventre, ne rêvent que d’exclusion, quoique cela leur coûte. Quoi que cela coûte à ce pays.
Ange TOSSOU