Comme annoncé par les médias, le chef de l’Etat béninois était face à la presse locale hier, jeudi 8 février 2024, au Palais de la Marina. Au menu des échanges, des sujets brûlants de l’actualité comme la proposition de révision de la Constitution, la normalisation des relations avec le Niger, la retraite forcée…
Je ne veux pas qu’on touche à une seule virgule de la Constitution. Je l’ai dit aux députés de la mouvance. Je ne demande aucune révision… », a laissé entendre Patrice Talon. Face aux préoccupations d’un probable 3e mandat qui alimente les débats, depuis l’introduction à l’Assemblée nationale d’une proposition de révision de la Constitution, le chef de l’Etat béninois dégage toute responsabilité.
Patrice Talon affirme avoir évacué le sujet depuis la révision de 2019 en mettant dans la Constitution la phrase : « En aucun cas, nul ne peut de sa vie exercer plus de deux mandats ». Pour lui, cela règle définitivement le problème et met le Bénin à l’abri des 3e mandat, comme cela est observé dans la sous-région. Mais il se fait qu’il se pose un problème de parrainage et la Cour constitutionnelle a rendu une décision pour corriger des dates. C’est alors que les députés ont voulu que ce soient eux, c’est-à-dire les députés de la 9e législature, qui délivrent les parrainages, en lieu et place de ceux qui seront élus en 2026. « J’ai dit que c’est contraire à l’esprit de la réforme du système partisan. Vous devez faire en sorte que ce soient les élus de 2026 qui parrainent. Si vous voulez faire en sorte que ce soient vous qui parrainez, alors vous devez modifier l’ordre des élections.
Que la Présidentielle ait lieu avant les communales et législatives. Ils auraient la légitimité de parrainer. Moi, si vous voulez que je parte même deux mois plutôt, je suis partant. Ce que je n’ai pas fait en 10 ans, ce n’est pas en 2 mois que je vais le faire. Maintenant, j’entends partout que je les ai réunis (les députés de la mouvance, Ndlr) pour modifier la Constitution. J’ai dit aux Démocrates que vous avez la minorité de blocage, si la phrase nul ne peut faire de sa vie deux mandats ne figure pas dans la Constitution. Moi, je ne veux pas qu’on touche une virgule de la Constitution. Il est temps que les polémiques ne continuent pas d’alimenter notre vie au quotidien. Je ne demande aucune révision. Mais si les modifications sont conformes à l’esprit et à l’éthique, s’ils font les choses dans les règles de l’art, je vais promulguer, que ce soit le Code électoral ou la Constitution », a laissé entendre le chef de l’Etat. Cela dit, c’est pour parrainer coûte que coûte les candidats à la Présidentielle de 2026 que les députés de la mouvance présidentielle, le Br en particulier, tiennent à réviser la Constitution. C’est une question d’intérêt, peut-on alors dire.
Niger : Talon favorable à la levée des sanctions
Aux dires de Patrice Talon, les choses sont allées trop loin avec le Niger, avec la décision de ces pays de se retirer de la Cedeao. Pour lui, cette décision de l’Alliance des Etats du Sahel (Aes) sépare les peuples. Or, les peuples n’ont pas de problème entre eux. La volonté des peuples, c’est de s’intégrer. Il n’y a pas de conflit entre les peuples. Il y a conflit entre la Commission de l’Uemoa et de la Cedea, la Conférence des présidents et les nouvelles autorités, pas entre les peuples, a laissé entendre le chef de l’Etat béninois. Il comprend que la mission de la Cedeao et l’Uemoa c’est la paix, les libertés, le développement, la démocratie, le bien-être des peuples.
Cela se comprend d’autant plus que dans la Constitution adoptée par les nouvelles autorités nigériennes, les coups d’Etat sont interdits. La prescribilité va jusqu’à 50 ans. Pour Patrice Talon, cela veut dire que les nouvelles autorités du Niger savent eux-mêmes que les coups d’Etat, ce n’est pas bon. « Nous sommes dans notre rôle et parfois on peut passer à côté de la plaque. L’essentiel c’est d’être de bonne foi. Maintenant, si on constate que les choses ne se passent pas comme on veut, il faut changer. Je suis prêt à défendre auprès des chefs d’Etat que le moment est venu pour qu’on prenne acte.
Le peuple du Niger est en difficulté. On demande aux autorités de nous dire ce qu’ils veulent, là où ils veulent aller. Il est temps de lever les sanctions, pas parce que l’économie béninoise en souffre, mais le peuple nigérien en souffre. Il faut laisser tout tomber. Quel que soit ce qui s’est passé, il ne faut plus vouloir savoir qui a tort et qui a raison. On fait table rase », soutient Patrice Talon. Il se pose maintenant la question de savoir ce que la Cedeao doit faire, chaque fois qu’il y a un coup d’Etat dans un pays. « Quand on condamne, on dit pourquoi ? qu’est-ce qu’il faut faire si la même chose se passe ailleurs ? Est-ce que nous devons dire que la mise en cause des droits fondamentaux relève de la souveraineté des pays et que la communauté ne doit pas se prononcer ? Peut-être qu’il faut aller là. Mais pour moi, l’idéal de la Cedeao vaut toujours. Les dirigeants sont de passage. Il faut préserver l’unité des peuples, le temps que des dirigeants plus éclairés arrivent et fassent mieux ».
Retraite forcée
A la question de savoir si le gouvernement est toujours dans le hautement social avec cette décision de retraite forcée pour les forces de défense et de sécurité, le chef de l’Etat fait remarque qu’il n’y a aucune perte de revenu pour les agents mis en retraite d’office. Mieux, pendant 2 ans ils bénéficient de leur revenus (salaire) plus leur pension. Après deux ans, ils auront la moitié du salaire plus la pension. A ses dires, cela est plutôt à saluer. Quant aux raisons derrière cette mise en retraite, il s’agit d’avoir dans les rangs les jeunes à même de régler les problèmes de sécurité, de terrorisme. « On a besoin des jeunes pour aller au front, pour constituer notre force d’officiers sous commandements. Il y a plus de personnel de commandement que de gens à commander. Il faut dégraisser pour avoir quelque chose de plus efficace », a dit Patrice Talon.
D’autres sujets tels que la succession en 2026, la suspension de Groupe de presse La Gazette du Golfe ont aussi été abordés.
Bertrand HOUANHO