Laissez-nous notre budget »…On se souvient encore de cette phrase emblématique du Maire de Kpomassè au début de la réforme du secteur de la décentralisation. Cette phrase qui avait fait sourire même le chef de l’Etat, était lourde de sens. A bientôt deux ans de mise en œuvre de la réforme, les résultats prouvent que la réforme a du plomb dans l’aile.

Les raisons de cet échec sont principalement de deux ordres ; le premier étant lié à la qualité des acteurs sensés relever le niveau des communes. Dans la majorité des cas, ces hommes et femmes n’ont pas la carrure nécessaire pour assurer les fonctions qui leurs sont dévolues. Le second facteur d’échec est l’hypocrisie des maires qui n’ont jamais accepté la réforme et complotent au quotidien pour détruire cette belle réforme. Contraints par le système partisan, ils sont obligés de faire contre mauvaise fortune bon cœur.

Une réforme bien pensée mais biaisée sur la fin

Les observateurs avertis étaient tous unanimes sur le fait que la réforme du secteur de la décentralisation s’imposait au regard des constats faits dans la gestion des communes après deux décennies de mise en œuvre de la décentralisation au Bénin. Cependant, cette réforme qui fait des émules au-delà des frontières, porte en elle-même, les germes de son autodestruction programmée. En effet, la réforme bien pensée par le chef de l’État a péché dans le choix des hommes devant la conduire. Sinon comment comprendre que pour une réforme si importante, on choisisse de recourir au tirage au sort après avoir soumis les candidats à plusieurs filtres (étude de dossiers, test écrit, entretien). Pourquoi n’a-t-on pas privilégié l’excellence comme dans la mise en place des autres fichiers de fonctions administratives au sein de l’administration publique ?

Le tirage au sort a tué la réforme

Après les différentes étapes de cette sélection, le bon sens aurait recommandé de retenir les 77 meilleurs et de procéder au tirage parmi ces 77 pour les affecter dans les 77 communes du pays. On aurait dû tirer au sort parmi les 4 premiers pour les positionner au niveau des communes à statut particulier et ainsi de suite pour les 19 qui suivent afin de les positionner dans les communes intermédiaires et les 54 autres dans les communes ordinaires. Cette option qui est la plus équitable et efficiente n’était pas du goût des meneurs de la réforme qui ne pouvaient pas réussir à positionner leurs partisans et parents pourtant incompétents pour la plupart, au regard du bilan actuel. C’est ainsi qu’il a été préféré un tirage au sort avec plus de 300 personnes, offrant du coup les mêmes chances au premier et au candidat arrivé en 300ème place à l’issue de la sélection. Et ça n’a pas raté, puisque les meilleurs n’ont pas été tirés. En fait de titrage au sort, il s’agissait plutôt d’une nomination déguisée.

Le sort tiré par les cheveux

Si l’option du tirage au sort élargi à plus de 300 candidats au lieu des 77 meilleurs choque, il y a plus grave. En effet dans tout processus de tirage, la transparence conseille que chaque candidat connaisse le numéro qui lui est attribué avant le tirage ainsi, dès qu’un numéro est tiré, tout le monde peut s’accorder qu’il correspond au candidat X ou Y. Mais dans le cas de la réforme de Talon, aucun candidat ne connaissait son numéro à l’avance. Cette opacité, savamment orchestrée, a favorisé la nomination de cadres ignorant les règles élémentaires de fonctionnement d’une administration publique.

Le piège du quota accordé aux femmes

Sans être contre la promotion des femmes aux postes de responsabilité, on peut porter un jugement de valeur sur ce quota apparu à la fin du processus. Au lieu de tenir compte de la compétence, l’on a juste fixé un quota alors que pour la majorité, ces femmes ne se retrouvait pas parmi les 77 meilleurs à l’issue de la sélection. A compétence égale, prioriser une femme serait salutaire, mais aller chercher des femmes au bas du tableau au nom de la promotion de la gent féminine parait injuste. Et les conséquences sont là. Après quelques mois, elles sont entrain de démissionner à l’épreuve de la tâche pour laquelle elles n’avaient pas les compétences managériales et techniques requises.

Des acteurs politiques pour remplacer d’autres acteurs politiques

Le principal argument du chef de l’État pour justifier la réforme était celui de séparer les fonctions politiques et les fonctions administratives et techniques. Mais au finish, ce mode de sélection a promu à la tête des communes, des personnes dont le seul mérite réside dans leur appartenance à une chapelle politique de la mouvance, ou dans leur proximité avec les caciques du pouvoir. Les concernés ne s’en cachent d’ailleurs pas car ils déclarent à qui veut les entendre qu’ils sont intouchables. Dans ce contexte, les Maires se retrouvent non pas en face de cadres techniques, mais plutôt en face de rivaux qui comptent sur leurs parrains politiques pour se maintenir au poste malgré leurs carences avérées. Cela a pour conséquence d’exacerber les rivalités entre les maires et les « cadres techniques ».

Les communes vont mal

Au-delà des discours sur le succès de la réforme, il est attendu du gouvernement et de la structure en charge de la conduite de la réforme de publier les résultats des audits sur les deux dernières années afin de projeter une photographie réelle du niveau de performance des communes du Bénin aujourd’hui. Aussi, l’on se demande où en est l’évaluation annuelle prévue par la loi en ce qui concerne les cadres techniques des mairies. C’est sûrement par crainte que le vrai visage de l’échec de la réforme soit connu de tous que cela est tenu secret.

Par respect pour son attachement à la promotion de la compétence, le chef de l’État doit demander un audit de la réforme qui, au fond, était une très belle initiative. Le chef de l’État sait-il que dans le fichier, se trouvent des personnes en délicatesse avec la loi ? Certainement pas. Le chef de l’État sait-il que parmi les cadres techniques, se trouvent des personnes incapables de rédiger une petite correspondance administrative ? Il ne le sait certainement pas. Il est encore temps d’arrêter le massacre, de séparer le bon grain de l’ivraie pour faire des communes, de vrais espaces de développement.

 

M.M

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