Par sa décision, DCC n°24-001 du 4 janvier 2024, la Cour constitutionnelle invite l’Assemblée nationale à modifier le Code électoral pour, d’une part, rétablir l’égalité du pouvoir de parrainer à l’égard de tous les maires et, d’autre part, rendre conformes à l’article 49 de la Constitution, les dispositions de l’article 142, alinéa 6 de la loi n°2019-43 du 15 novembre 2019 portant Code électoral.
La Cour était saisie, à cet effet, par un citoyen, le nommé Codjo G. Gbeho, qui trouve qu’en l’état actuel des choses, les maires actuels et ceux qui seront élus en 2026 ne pourront pas, dans certains cas, parrainer les candidats à la présidentielle de 2026, puisque certains ne seraient pas réélus et d’autres, quand bien même réélus, ne seraient pas officiellement entrés en fonction avant la clôture des dépôts de candidature pour la présidentielle de 2026, fixée au 05 février 2026.
Il suffisait donc de bouger quelques dates, notamment la date de clôture du dépôt des dossiers pour la Présidentielle, de sorte que les maires, élus ou pas, en 2026, soient dans la légalité d’accorder leur parrainage. On peut donc régler le problème en touchant le Code électoral. C’est d’ailleurs ce à quoi le chef de l’Etat a convié les groupes parlementaires afin de discuter du sujet pour qu’un consensus soit trouvé. Du moins officiellement.
Mais depuis quelques jours, le débat a quitté le Code électoral pour se cristalliser sur la Constitution. Il est favorisé par la proposition de révision de la Constitution déposée sur le Bureau de l’Assemblée nationale par le député du Bloc républicain Assan Séibou. La Cour demande de réviser le Code électoral. Même au sein de la mouvance, on reconnait qu’il suffit de réviser le Code électoral pour régler le problème de la légitimité de qui accorde le parrainage.
Et cela, le député de l’Union progressiste le Renouveau (Up-R) Victor Topanou l’a martelé. « Pour respecter la décision de la Cour, point n’est besoin de modifier la Constitution. Il suffit juste de définir, et c’est d’ailleurs ce que la Cour a dit dans son raisonnement, une période de parrainage qui préserve l’objet ou l’orientation que nous donnons », a-t-il laissé entendre, interrogé sur le sujet. Pourquoi donc Assan Séibou introduit une proposition de révision de la Constitution, pour ramener la Présidentielle avant les élections couplées législatives et communales ?
Il y a anguille sous roche
On suspectait déjà que la saisie de la Cour par un citoyen lambda, pour amener la Haute juridiction à rendre une décision, n’était pas un fait de hasard. Peut-être voulait-on que la Cour, dans sa décision, fasse injonction à l’Assemblée nationale de réviser la Constitution, et que sentant le piège, la Cour a plutôt demandé que ce soit le Code électoral qui soit touché.
Sinon, comment comprendre qu’on laisse le Code électoral et on s’attaque à la Constitution ? Dans sa proposition, Assan Séibou veut que l’élection du duo président de la République et vice-président de la République soit organisée le premier dimanche du mois de février de l’année électorale. Un second tour de scrutin est organisé, le cas échéant, le quatrième dimanche du mois de février. Dans tous les cas, le président de la République élu entre en fonction et prête serment le deuxième dimanche du mois de mars.
Pourquoi quelqu’un qui s’est octroyé 45 jours sur son premier mandat, et qui a prêté serment pour son deuxième et dernier mandat le 23 mai 2021, va accepter maintenant laisser le pouvoir le 2e dimanche du mois de mars, plus de 2 mois avant la fin de son 2e mandat ? Dans la même proposition, Assan Séibou fait remplacer « En aucun cas, nul ne peut exercer de sa vie plus de deux mandats », par « Dans tous les cas, nul ne peut exercer de sa vie plus de deux mandats ».
Qu’est-ce que tout ceci cache ? La proposition qui est diffusée sur les réseaux sociaux, est-elle la vraie ? Ce sont toutes ces suspicions qui ne militent pas en faveur d’une révision de la Constitution maintenant, c’est-à-dire à 2 ans de la fin du 2e et dernier mandat de Patrice Talon. Il faut ranger la proposition Assan Séibou, d’autant plus que le problème de qui accorde le parrainage, tel que soulevé par la DCC n°24-001 du 4 janvier 2024, peut être résolu par la révision du Code électoral.
M.M